“Savez-vous ce qu’est une pantalonnade” ? C’est le défi lancé dimanche 26 mars 2017 au public par l’éminent juriste et leader politique pragmatique Me Abdoulaye Garba Tapo sur sa page Facebook. Le vainqueur devait recevoir le Prix Abdoulaye Garba Tapo de 5000 F CFA.
Au-delà du jeu, cette question de “l’enseignant expérimenté” est loin d’être bête ou fortuite. En effet, c’était une façon pour cet éducateur hors pair d’attirer l’attention sur la gestion actuelle du pays, sur la manie du pouvoir de toujours trouver des sujets pour distraire les Maliens de leurs vraies préoccupations.
La “pantalonnade”, à l’origine, est “une pièce burlesque jouée par Pantalon”(Larousse). D’autres dictionnaires vous diront aussi : bouffonnerie, postures comiques, semblables à celles d’un pantalon, d’un farceur. Par extension, cela peut être un subterfuge ridicule pour sortir d’embarras. “Il s’en est tiré par une pantalonnade”, dit-on souvent. A l’image aujourd’hui du locataire de Koulouba et de ses alliés dans un gouvernement qui n’est que l’ombre de lui-même depuis plus d’un an.
Comme le rappellera plus tard Me Tapo, il fut un temps où la mode en France était le port de la culotte. Un comique, du nom de Pantalon, eut donc l’idée de porter un pantalon pour faire rire les gens. C’est donc une farce, une parodie pour se donner bonne conscience en noyant le peuple dans l’illusion.
C’est l’origine du mot pantalonnade qui, explique Me Tapo, “signifie une comédie destinée à faire rire et à amuser la galerie. Si je le ramène à notre situation actuelle, c’est toutes ces trouvailles qu’on nous sort tous les jours justes pour nous faire croire qu’on agit alors qu’elles sont vides de sens et de peu d’intérêt, même si ça permet aux gens de s’occuper”. S’occuper, mais aussi se faire les poches sur le dos du contribuable.
Pour amuser la galerie, ce régime n’a pas sans doute son pareil. De vrais bouffons pouvant rivaliser avec les Kôrôduga (bouffons) ou le Kotèba qui, à la différence, ont un rôle socioculturel et politique éminent. Leur autodérision vise à attirer le regard de la société sur ses propres travers, à attirer l’attention des rois et leurs cours sur un problème particulier auquel le peuple est confronté. Si ce n’est le mécontentement des gens vis-à-vis de leurs dirigeants.
Distraire la galerie pour cacher son incompétence
Tout le contraire des yogoros politiques de nos jours qui créent des situations pour distraire le peuple et donner l’impression d’agir dans son intérêt.
“Aujourd’hui notre quotidien est fait de stress et d’angoisse à cause de tous ces problèmes qui nous hantent l’esprit et qui n’ont pas de solution. Ils ont pour noms : rébellion, grèves à répétition, mal vivre du Malien commun, corruption, concussions, Kurukanfug… Et cela pour faire de la plupart d’entre nous des citoyens de seconde zone dont les ancêtres ont pris le bateaux Mali en marche…”, peint Abdoulaye Garba Tapo. Une allusion aussi à la “Conférence d’entente ou de division nationale selon l’interprétation qu’on lui demande”.
Par rapport à la Conférence d’entente nationale (CEN) qui s’est ouverte en début de semaine (27 mars-2 avril 2017 et jours suivants), nous ne pouvons pas cautionner l’attitude de l’opposition politique dont la mauvaise foi la pousse à courtiser aujourd’hui la Coordination des mouvements armés (CMA) et la Plateforme, donc les bandits armés dont la majorité a pris les armes contre la patrie.
Nos opposants n’ont jamais cessé de crier sur tous les toits que “la seule solution pacifique viable et inclusive de résolution de la crise multiforme que connaît notre pays passe par la tenue d’une concertation nationale inclusive regroupant l’ensemble des forces vives de la nation autour des problèmes institutionnels, de défense, de sécurité, de gouvernance et de développement”.
Comme nous l’analysait un diplomate africain en poste à Bamako, nous ne voyons pas de “nuance entre ce que souhaite l’opposition politique et la Conférence d’entente nationale. Elle est seulement de mauvaise foi comme la CMA et la Plateforme”.
Selon nos informations, l’opposition avait souhaité que son organisation lui soit confiée. Et pourtant cela est une recommandation de l’accord pour la paix réconciliation nationale dans lequel il ne s’est jamais reconnu.
Quant à la CMA, elle sait pertinemment qu’il est impossible que le gouvernement organise des concertations régionales à Kidal où il n’a aucun représentant. Elle voulait sans doute, une fois de plus, que l’Etat malien lui alloue des fonds pour cela pour qu’elle organise une parodie de concertation.
Nous savons un peu comment les leaders de la Plateforme sont revenus sur leur décision de boycott. Et la CMA est aussi revenue sur sa position après le démarrage suite à des «compromis». Et nous savons que ces deals entre le pouvoir et les bandits armés n’augurent généralement de rien de bon pour les Maliens.
Le gouvernement aurait dû comprendre qu’il a affaire à des gens de très mauvaise foi qui aiment souffler sur le chaud et le froid en fonction de leurs intérêts. Il aurait dû donc être très rigoureux dans la préparation de la CEN, même si elle devait se tenir plus tard que ce mois de mars comme le président de la République l’avait promis dans son message du nouvel an le 31 décembre 2016.
Et, aujourd’hui, le pouvoir s’entête à organiser ses assises boudées par certains principaux acteurs (ex-rebelles), il a donné à l’opposition du grain à moudre. Il ne veut pas “lâcher malgré tous les indices d’échec, parce que des dépenses sont engagées et des contrats aussi qui ont des retombées ou des bénéfices intrinsèques, tout en oubliant les conséquences”. Et c’est cela la pantalonnade.
En effet, comme le dit un internaute, la CEN s’annonce déjà comme un échec cuisant, “un flop inévitable que tout gouvernement responsable aurait dû, à défaut d’y renoncer, reporter pour que les conditions de la réussite soient remplies pour toutes les parties attendues”.
Aujourd’hui, le gouvernement se retrouve face à lui-même ou à des interlocuteurs moins crédibles pour définitivement tourner la page tragique de cette crise. Quelle légitimité aura alors la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale attendue de la cette rencontre ? Une farce de plus ? Une farce de trop.
Une parodie qui symbolise la propension du régime actuel à vouloir afficher une fermeté inopportune parce que, en réalité, cela revient à perdre beaucoup de temps à trouver des trucs pour amuser la galerie au lieu de se consacrer réellement à la résolution des vraies préoccupations des Maliens : paix et réconciliation. Dans toute la sincérité et la franchise de ces expressions.
“Quand on interroge la plupart des Maliens, quels que soient leurs secteurs d’activités ou leurs catégories socioprofessionnelles, on se rend compte que c’est une période difficile pour beaucoup de gens. Le front social est en ébullition, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader”, nous disait Mme Sy Kadiatou Sow, présidente de l’Adéma/PASJ dans une interview qu’elle nous a accordée le 14 mars 2017.
“Nous sommes dans une situation telle qu’on ne sait plus où le pays va… Ce n’est pas ce que les Maliens vivent ou ressentent aujourd’hui. Il est temps que les autorités tendent les oreilles et ouvrent les yeux sur ce qui se passe réellement dans le pays. Il ne faut pas se focaliser sur la réussite d’un événement (Sommet Afrique-France) et ce n’est pas parce qu’on est en train de forcer l’installation des autorités intérimaires que tout va bien. Ça n’a aucun contenu et ça ne se traduit par rien de véritablement concret pour les populations”, avait ajouté cette femme leader politique.
Yèrè nèguen ! Se jouer la farce ! Telle est l’attitude du pouvoir et de sa majorité politique ces temps-ci. Les Maliens ont du ressort disait le général Moussa Traoré. Mais, ils ne sont plus dupes ! Quand le peuple surmontera sa lâcheté, le pouvoir va trembler !
Moussa Bolly
Source: Le Reflet