Les concertations initiées par le régime IBK et dont l’objectif est de jeter les bases du découpage territorial ont débuté, le lundi 13 novembre dernier, dans les principales capitales régionales excepté Gao, où les populations y sont farouchement opposés. Mais, au-delà de Gao, ces concertations ou simulacre de concertations continuent de provoquer des remous dans le pays et divisent les Maliens. Ici et là, au sein des partis politiques, des organisations de la société civile ou encore des communautés, des voix s’élèvent pour dénoncer cette mascarade orchestrée par le gouvernement et qui est loin de faire l’unanimité. Au-delà, tout indique que l’on s’achemine vers l’échec de ces rencontres.
GAO : la société civile s’oppose
La société civile de Gao a adressé une correspondance au gouverneur de la région afin de lui notifié son refus ferme à la tenue de toute concertation dans la capitale des Askia. Dans la correspondance, il est précisé que : « les populations de la région de Gao, voit dans les propositions du Gouvernement pour les concertations régionales, une contradiction totale d’avec les recommandations de la marche d’indignation tenue le 22 octobre 2018 pour les mêmes propositions exclusives.
Par conséquent, la société civile prendra toutes les dispositions nécessaires pour la non tenue de ces concertations à Gao ».
Ainsi, le lundi dernier, les Gaois ont occupé certains bâtiments publics afin d’empêcher la tenue des concertations. Ainsi, les membres de la Plateforme à Gao se sont mobilisés afin de traduire en acte l’opposition de Gao.
Tollé sur la scène politique
Par ailleurs, des nombreuses voix se font entendre au sein de la classe politique pour dénoncer le projet de loi sur le découpage qui, pour de nombreux politiques, engage le Mali sur la voie de la Partition. Ainsi, l’union pour la République et la démocratie (URD) estime n’avoir pas été suffisamment consulté lors du processus de rédaction du document et affirme son opposition tant sur la forme que le fond. En outre, le parti du chef de file de l’opposition déclare que ces concertations ne sont qu’une fuite en avant du pouvoir pour occulter les vrais sujets qui préoccupent les citoyens « Personne ne sait les contours de ces concertations et sur quoi elles vont porter. Personne n’a été associé au processus d’élaboration du projet», dit l’URD dans un communiqué.
Le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) du Dr Choguel Kokala Maïga, ancien ministre, y voit une machination orchestrée contre le Mali. Il justifie son refus ainsi : « Le MPR a choisi de ne pas y participer, pas par opposition de principe au régime, mais par fidélité à une ligne de conduite, celle qui consiste à ne s’associer à aucune action tendant à diviser notre pays ou à poser les fondements de sa partition future. ». Plus loin, le MPR précise : « Les autorités maliennes se sont engagées à mettre en œuvre, et de façon diligente depuis l’élection présidentielle, les dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Pour y parvenir, elles envisagent une réorganisation administrative à l’issue des travaux de concertations régionales. Le MPR choisit de se désolidariser de l’entreprise estimant qu’elle ne ferait qu’ajouter à toute une série de décisions non suivies d’effet tout en compromettant, dangereusement, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la cohésion sociale. Expliquer son choix lui a été également l’occasion d’attirer l’attention sur les défis à relever pour une véritable sortie de crise.
De son côté, le Congrès national d’initiative démocratique (CNID-Faso Yiriwa Ton) « regrette l’insuffisante préparation en amont de concertations qui touchent la cohésion sociale, au développement économique voire à la survie de la nation ». Pour le CNID « le projet n’est pas équitable entre les communautés et entre les territoires ». En conséquence le parti de Me Mountaga Tall demande le report des concertations régionales de novembre 2018 pour une meilleure préparation et une inclusivité totale.
L’ « avant-projet » de redécoupage administratif et territorial dont les concertations sont ouvertes depuis le lundi dernier, n’est pas la bienvenue du côté de la Convention Nationale pour une Afrique Solidaire (CNAS-Faso Hèrè). Dans une déclaration, les responsables de la Cnas Faso Héré de Zoumana Sacko ne sont pas passés par quatre chemins pour exprimer leur désaccord vis-à-vis du projet. Pour la CNAS Faso Hère, « le projet est manifestement mal inspiré, porteur de menaces graves et imminentes sur l’unité nationale ».
Les responsables de la Cnas Faso Hère qualifient également cette initiative gouvernementale de complaisante. « Par ailleurs, qu’il s’appuie ou non sur la loi du 2 mars 2012, ledit « avant-projet » de redécoupage territorial administratif est en réalité un subterfuge pour introduire une gestion à base ethnique dans un pays où l’attachement à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale demeure une constante de la vie politique et sociale», précise la Cnas Faso Héré.
Et les responsables de la Cnas de poursuivre dans la déclaration que le découpage territorial administratif, ainsi envisagé, a pour effet pervers, entre autres, de créer en faveur de groupes et sous-groupes démographiquement minoritaires dans le Septentrion malien, une représentation parlementaire artificiellement et arbitrairement majoritaire avec ce que cela implique comme surpoids politique, aux dépens d’autres groupes ethniques pourtant démographiquement majoritaires.
Autres réactions ? C’est celle de Modibo Sidibé, président des FARE. Pour l’ancien premier ministre, « sans projet partagé de décentralisation intégrant le rôle, la place des populations et des territoires, il est à craindre que les conférences régionales précipitées ne soient sources de crispations et d’affaiblissement de notre cohésion nationale ». Aussi, M. Sidibé estime que « les grandes réformes politiques, institutionnelles et sociales, infrastructurelles et d’aménagement de notre territoire tout comme les défis démographiques et écologiques doivent faire l’objet d’une large concertation de l’ensemble des citoyens maliens, résidant au pays et de la Diaspora, en vue de construire une vision commune du Mali de nos espoirs et de nos rêves.
Pour sa part, Moussa Mara, ancien premier et président du parti Yéléma, a indiqué, sur sa page Facebook, ceci : « depuis quelques années, comme pour éviter de s’attaquer à l’essentiel, nos autorités multiplient des initiatives institutionnelles au nom de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issue du processus d’Alger, alors qu’elles n’ont qu’un lointain rapport avec ce texte, voire aucun rapport du tout ! ».
Sur sa lancée, M. Mara dénonce «un stratagème supplémentaire de nos gouvernants dans la direction observée depuis plusieurs années : une logique de partage de gâteau (postes de préfets, sous-préfets, présidents d’autorités intérimaires, présidents de cercles, députés…) sans aucun impact pour les populations et la cause de la réconciliation… On ne voit pas à quoi serviront des cercles supplémentaires là où les Régions supplémentaires elles-mêmes n’ont rien apporté ! En quoi la multiplication des cercles, des communes permettra de satisfaire les attentes des populations en matière de sécurité, d’accès à l’eau… ? ».
Les communautés : Haro sur les concertations !
Plusieurs associations et communautés sont montées au créneau contre le projet. Dans le lot, l’Association Songhoy Borey internationale, les Communautés de culture songhay en Mouvement IR-Ganda et le Front populaire de l’Azawad (FPA). Toutes ces associations fustigent le « caractère discriminatoire du contenu du texte » et demandent par conséquent l’amélioration du document.
« Le caractère injuste, inéquitable et unilatéral, sans concertation des populations à la base autour du découpage ainsi projeté, est attentatoire à la cohésion sociale, à la paix et à la prospérité du Nord du Mali… Vous conférez à une infime partie d’une petite frange d’une minorité démographique à prétendre à une majorité démocratique », s’indigne l’Association Gao Lama Borey. Démocratiquement comment une majorité de la population du Nord du Mali à 90% pourrait se retrouver avec 8 députés alors que la minorité (10%) se tape 32 députés ? S’interroge l’Association. Les responsables de l’Association Gao Lama Borey mettent en garde les autorités maliennes contre le projet. Ce découpage, estiment-ils, est une bombe qui gangrénera tout le Mali car d’autres personnes ou communautés, tentent déjà et tenteront le même exercice pour leur terroir.
De leur côté, les Associations sœurs du Nord et du Sud ont exprimé leur rejet catégorique du nouveau découpage le mois dernier.
Le porte-parole des Associations, Abdel Kader Maïga, déclare : « force est de constater que le caractère unitaire de la République du Mali est menacé par une mise en œuvre non inclusive de l’accord d’Alger qui fragilise l’Etat à travers ses institutions. Ce qui conduira inévitablement à la partition du Mali ». Les associations sœurs du Nord et du Sud sont catégoriques : « Nous rejetons avec force et détermination le projet de morcellement du pays ».
Enfin, la Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), un regroupement politique a demandé le boycott pur et simple de ces concertations.
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube