Une communauté ne se définit pas par une absence de conflits, sinon elle risque de se retrouver dans un système purement totalitaire. La communauté se définit plutôt par la façon dont elle subit et traverse les conflits, inévitables dans quelque vie sociale que ce soit.
Dans nos communautés respectives, nos croyances, nos mentalités et nos coutumes et traditions diffèrent et influent forcément sur notre façon de penser, sur nos préjugés et donc peuvent nous opposer avant de nous enrichir.
Aujourd’hui où nous parlons davantage dans nos familles, nos groupes d’âges, nos séminaires nos ateliers, nous sommes plus exposés les uns aux autres à travers les réseaux sociaux. Nous avons l’occasion de nous dévoiler de dire ce que nous pensons, sauf que nous ne prenons pas suffisamment de temps, pour connaitre l’autre au-delà des propos tenus au cours d’une rencontre ou dans un discours. Il n’est pas toujours facile de déloger de la tête d’un frère, des jugements très négatifs à la suite d’une seule réunion, d’une seule rencontre ou d’un seul échange. Nos partages plus fréquents, plus francs, plus détendus nous amènent à mieux découvrir nos interlocuteurs, à mieux appréhender leurs discours d’abord très négatifs ou même insultants, avant de nous paraitre plus compréhensibles lorsque nous découvrons la raison de la colère et le long et profond silence qui a recouvert toute leur amertume.
La multiplication des moyens de communication favorise des avis sur tout, parfois précipités et hâtifs, à l’image des informations des réseaux sociaux. Ces informations n’aident pas toujours à poser un jugement de valeur, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien savoir pour éviter de juger trop vite. Il faut seulement savoir prendre du recul face à la masse d’informations qui nous sont transmises.
La diversité aussi des réflexions, des mentalités, peut être source de conflits graves qui touchent l’essentiel de nos vies de tous les jours. Les conflits ne sont donc que la conséquence de nos divisions. L’incompatibilité et les différences font que les frottements produisent sans cesse des étincelles. Les clivages, les injustices les frustrations la pauvreté extrême, les opinions politiques « imposées » sont autant de sources de conflits et de soulèvements. La tentation de nous laisser écraser pour éviter le conflit, n’est pas non plus une solution au conflit, c’est plutôt une façon de laisser le conflit perdurer et s’installer durablement. L’éloignement, la séparation nous paraitront donc les seules solutions. Ainsi nous coupons le cordon, nous coupons le lien, et nous creusons par notre éloignement le fossé. Nous compromettons ainsi toute forme de cohabitation harmonieuse entre nos générations futures, qui ne sont que les innocentes victimes de notre conduite. Ces générations grandiront sans se connaitre et même continueront à entretenir après nous, ce sentiment de haine. Ils développeront tout naturellement, et sans aucun doute la soif de vengeance. Des fractures encore ouvertes n’empêchent pas une vie en communauté, et notre responsabilité réside dans ce que nous faisons pour cicatriser nos plaies et apprendre à vivre en bonne intelligence avec nous-mêmes et avec nos frères et nos sœurs.
Lorsqu’un climat conflictuel est assez lourd au sein d’une communauté, la meilleure solution est d’instaurer le dialogue la communication. Nous devons prendre la décision sage et courageuse de nous parler, parler à son bourreau, à l’auteur des crimes, des abus, des violations graves. C’est lorsque nous nous frottons les uns aux autres que nous découvrirons l’autre dans ce qu’il a de meilleur. Nous sortirons alors des sentiers battus, des situations conflictuelles latentes qui entravent notre volonté de nous parler, d’éloigner le spectre de la haine de l’enfermement. En acceptant de nous parler et de nous écouter, nous sortirons des carcans du silence coupable. Il n’y aura plus d’installation dans le conflit. Nous briserons ainsi l’ambiance délétère du soupçon permanent.
Un Dialogue réel neutralise le conflit, et l’humilité, la reconnaissance de sa faute et le désir de s’en corriger, permettent de repartir à nouveau. Lorsque l’on reconnait ses fautes, on oblige l’autre à faire évoluer son regard sur nous et à revoir son jugement. La réparation peut recoudre le tissu social déchiré et résorber un conflit. La réparation est aussi un moyen de reconstituer une relation nouvelle franche et rebâtir une confiance mutuelle.
Il est bon que celui qui a mal agi reconnaisse sa faute et la regrette, mais cela ne suffit pas. Pour être pardonné il faut réparer. La réparation du dommage est une notion d’équité, dans la recherche du pardon. Le pardon est aussi un choix. Sans pardon, aucune vie en commun n’est possible. Pardonner est une action plus noble et plus rare que celle de se venger.
Ceux qui pardonnent sont les guérisseurs de l’humanité disait Gérard Bessière.Hyacinthe de Charencey a écrit que ce qui fait la force des caractères bien trempés, c’est qu’ils savent haïr, et la faiblesse des âmes vulgaires, c’est qu’elles ne savent pas pardonner.
Chers frères et amis, Henri-Frédéric Amiel a dit ceci : « La vie est trop courte pour haïr, pour maudire et pour châtier. Dépêchons-nous d’aimer, de consoler et de faire du bien autour de nous, car demain nous ne serons plus de ce monde. Pardonnons-nous mutuellement, nous sommes tous imparfaits et mauvais, mais nous sommes tous esclaves de la douleur et de la mort. »
Au Mali au sud comme au Nord nous sommes repartis en tribus ethnies fractions villages et campements. Notre richesse nos valeurs, sont le fruit d’un métissage spatio-temporel, hérité et traduit de générations en générations. Nous porterons la responsabilité historique d’avoir brisé par notre égoïsme et notre soif de vengeance, ces liens qui ont constitués des siècles durant, l’ossature de notre vie commune et la grandeur de notre culture de saheliens.
Mohamed Ould Sidi Mohamed (Moydidi)
La rédaction