Pour François Hollande, le Président IBK ne s’est pas imposé et n’a pas non plus forcé la porte de la France.
Accompagné d’une forte délégation, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a effectué du 20 au 22 octobre dernier en France une visite d’Etat. Le 21 octobre, le Président IBK a été reçu au palais de l’Elysée par son homologue français, François Hollande.
Après un entretien entre les deux présidents qui a été par la suite élargi à certains de leurs collaborateurs, François Hollande et IBK ont animé un point de presse. Le Président de la République française a souligné que « le Président du Mali, Ibrahim Boubacar KEITA, est là pour une visite exceptionnelle». «Exceptionnelle, parce qu’elle va durer deux jours. Exceptionnelle, parce qu’il va y avoir des rencontres politiques, économiques. Exceptionnelle, parce que lui-même va aller demain matin (hier) à l’OCDE. C’est très important que nous puissions, lui et moi, mobiliser la communauté financière internationale pour l’appeler à investir massivement au Mali. Et c’est aussi une visite exceptionnelle par le contexte que l’on connaît : la lutte contre le terrorisme même s’il touche moins le Mali », a ajouté le Président Hollande. «Je vais vous faire une confidence : le Président KEITA ne s’est pas imposé. Il n’est pas venu par la force ; il n’a pas non plus forcé une porte. Je l’avais invité, il y a déjà plusieurs mois. Et j’avais souhaité que cela puisse être une visite d’Etat, compte tenu de la relation entre nos deux pays et compte tenu aussi de la consécration qu’a été l’accord de paix de manière à ce que, comme il l’a dit lui-même, ce soit le Mali qui soit invité à une visite d’Etat », a-t-il précisé.
Pour lui, c’est le Mali qui est invité. « C’est son drapeau qui flottait sur les Champs Elysées ; c’est son hymne qui a été entendu par les Français et les Maliens qui étaient à l’Arc de Triomphe. Et j’espère, le peuple malien, s’il nous écoute ou nous voit, puisse être fier de ce qui a été fait ici pour l’accueil de son Président », a-t-il affirmé.
Cette marque de considération, a souligné le Président Hollande, est le plus digne respect envoyé au peuple malien pour son courage, pour sa ténacité et son attachement à la démocratie. Le locataire de l’Elysée s’est particulièrement réjoui de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation avant de saluer le rôle de leadership joué par l’Algérie pendant les négociations. Le Président Hollande a rappelé que « sur les deux années qui ont suivi l’intervention, la France a engagé 300 millions d’Euros sur 2 ans. Et, nous ferons davantage pour la période 2015-2017 puisque nous serons autour de 360 millions d’Euros. Et, 80 millions iront vers le nord avec 50% de don », a-t-il ajouté en insistant sur son souhait d’un développement économique du Mali particulièrement dynamique. « Nous ne ferons rien, sans bien sûr, le travail des autorités maliennes. Lorsque nous décidons de soutenir des projets, ce sont des projets qui nous sont présentés par les autorités du Mali. Nous sommes conscients de l’indépendance et le respect de la souveraineté d’un pays et encore davantage du Mali puisque nous avons travaillé dans la perspective de redonner cette fierté d’être lui-même », a déclaré le Président François Hollande en réponse à une question posée par un confrère sur l’appui que son pays va apporter au Mali dans le cadre de la mise œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation.
« Pour nous », a fait savoir le Président Ibrahim Boubacar Kéïta, « il ne saurait y avoir d’amitié sans considération et sans respect ». Selon lui, « le peuple du Mali n’a jamais trahi une amitié et un devoir d’honneur et de reconnaissance dans la dignité ». « M. le président, je suis venu à Paris parler avec vous pour que vous sachiez que votre engagement, que l’engagement de la France à nos côtés, qui a entraîné celui de tous les autres, n’aura pas été vain. Que le Mali, avec fierté, avec dignité, a su se retrouver. Et on dit chez moi Inch’Allah, cher ami, ce Mali ne saura plus jamais se perdre », a reconnu le Président IBK. Le chef de l’Etat est revenu sur l’application de l’accord qui devrait se faire sans malice aucune, sans tricherie aucune. « On n’engage pas le Mali à la légère. Le crédit du Mali ne saurait être un crédit léger dès lors qu’il est engagé il est tenu et de la manière la plus ferme et la plus rigoureuse et qui nous vaut aujourd’hui la confiance retrouvée, je le dis aujourd’hui avec beaucoup de bonheur, à l’ensemble de nos frères, parties au conflit », a averti IBK.
Dîner d’Etat au Palais de l’Elysée
Les multiples facettes de la France et du Mali !
Le dîner d’Etat offert, dans la soirée du 21 octobre 2015, au Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta et sa délégation par son homologue français, François Hollande au Palais de l’Elysée, a été l’un des moments forts de cette visite d’Etat.
Dans son allocution, le Président français a souligné que la relation entre la France et le Mali est ancienne et profonde, voire historique. le soutien apporté au Mali par son pays, a-t-il dit, n’est pas simplement militaire. Selon lui, il est aussi économique et politique. « La France a fait du Mali l’un des pays prioritaires de sa politique de développement », a-t-il expliqué. François Hollande a salué la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation et surtout l’engagement personnel du Président IBK pour le faire respecter. « Je veux aussi dire combien nous sommes reconnaissants à l’Algérie d’avoir permis, tout au long de ces dernières années, de porter ce projet de réconciliation et au cours des derniers mois, d’avoir réussi à conclure ou faire conclure cet accord », a-t-il affirmé tout en se réjouissant de la réouverture des écoles à Kidal.
Selon lui, « c’est par la culture que beaucoup de Français connaissent le Mali ». Il a cité des célèbres ambassadeurs de cette culture malienne comme Feu Ali Farka Touré, Boubacar Traoré, Salif Keïta, Amadou et Mariam… sans oublier Toumani Diabaté. « La culture malienne, c’est aussi la littérature. Je pense à Amadou Hampaté Ba et plus récemment à Moussa Konaté. Je veux aussi souligner ce festival exceptionnel de photographie qui est organisé à Bamako, souligner aussi la place du cinéma, de la mode… Beaucoup d’artistes maliens sont présents avec nous ce soir et tenaient à l’être » a enrichi le Président François Hollande. Pour lui, « la créativité malienne repose sur un héritage, un passé millénaire avec un splendide patrimoine et notamment les manuscrits et les mausolées de Tombouctou ».
Il n’a pas oublié la contribution des 70 000 maliens vivants en France à l’économie française. « Dans de nombreux secteurs, ils font preuve de dynamisme. Je pense au bâtiment, à la restauration, à l’industrie et nous accueillons aussi beaucoup d’étudiants », a-t-il reconnu en rendant un hommage appuyé à tous ces maliens qui se sont illustrés, soit par leur talent, soit par leur engagement notamment Lassana Bathily qui a fait preuve d’un comportement exemplaire lors d’une attaque terroriste contre l’Hyper-Cacher, en janvier dernier.
IBK : Merci aux français !
Devant ce parterre d’invités, le Président IBK a évoqué les souvenirs de son séjour d’élève en France notamment sa première venue au palais de l’Elysée à l’âge de 13 ans au cours d’une réception offerte à l’époque aux meilleurs élèves. Le Président de la République s’est particulièrement réjoui de la reprise des cours à Kidal après trois ans d’interruption. « Vous avez vu le bonheur suprême : la réouverture des classes à Kidal, après 3 ans d’interruption. Car, je dis toujours que tout peuple qui ne saurait pu soigner ces choses humaines, excusez-moi du terme, sera irrémédiablement largué. Nul ne saurait être invité au banquet qui n’aurait mérité », a développé le Président IBK. « Nous avons obligation rigoureuse de faire en sorte que le Mali soit au rendez-vous des hommes ; que le Mali soit au rendez-vous de l’honneur et de la dignité. Que notre pays, vieux pays de savoir, doit retrouver son cours normal et sa place dans le concert des Nations », a-t-il plaidé. « Aujourd’hui est, pour nous, un jour de bonheur absolu, intégral, total que cette soirée au cours de laquelle je peux dire Monsieur le président, vous ne vous êtes pas trompés », a fait savoir IBK. Selon lui, « l’histoire retiendra du succès du Serval au Mali et de tous ces jeunes Français qui ont perdu la vie dans le massif du Théreghar. » « Le Mali n’oubliera pas. Merci du fond de mon cœur, chers amis Français », a reconnu le chef de l’Etat, IBK. Pour lui, « l’amitié, la vraie, c’est celle-là qui fait que les gens se comprennent, se considèrent comme respirant à la même hauteur, à la nôtre ».
Une synthèse de Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger