Au nom des membres et du personnel de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei), je voudrais vous remercier de l’insigne honneur que vous me faites de pouvoir vous remettre solennellement les documents majeurs ci-après produits par notre service :
– le rapport annuel 2022 de l’Oclei ;
– une étude sur les techniques de l’enrichissement illicite dans l’administration publique au Mali ;
– une étude sur la stratégie d’implication des secteurs dans les activités de prévention et de lutte contre l’enrichissement illicite au Mali ;
– et un rapport d’analyse des subventions accordées aux établissements privés d’enseignement secondaire général, technique et professionnel.
Monsieur le Président de la Transition,
L’Oclei est chargé de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de lutte contre l’enrichissement illicite envisagées aux niveaux national, sous-régional, régional et international. A ce titre, l’Oclei mène des activités de prévention de l’enrichissement illicite par l’information et la sensibilisation ; il contribue à la répression du phénomène à travers des enquêtes ; il assure la promotion de la collaboration interservices et de la coopération internationale ; il réalise diverses études et analyses afin de formuler des recommandations d’amélioration de la gestion publique. En outre, il est chargé d’exploiter les déclarations de biens.
L’Oclei repose sur un organe collégial composé de six représentants de l’Etat et de six représentants de la société civile au sens large. Les douze membres, dont le Président, forment le conseil de l’Oclei et prennent ensemble toutes les décisions relatives aux actions de prévention et de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.
Monsieur le Président,
Dans le cadre du présent rapport annuel, l’Oclei a contribué à l’atteinte de trois résultats significatifs de niveau stratégique.
Premièrement, suite à une étude qu’il a fait faire en 2019 sur “La consolidation de l’amélioration de la bonne gouvernance”, l’Oclei a mené un intense plaidoyer pour l’inscription du principe de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite dans la nouvelle Constitution du Mali, notamment avec le soutien de Monsieur le Ministre de la Refondation de l’Etat, chargé des Relations avec les institutions. Ce plaidoyer a produit son effet avec une affirmation forte de la volonté politique de s’attaquer à ce fléau, comme en témoigne le préambule de la Constitution du 22 juillet 2023 qui énonce explicitement : “Le Peuple souverain du Mali, […] Considérant que la corruption et l’enrichissement illicite compromettent les efforts de développement du pays ;
[…] S’engage à entreprendre toutes actions nécessaires pour lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite et promouvoir la bonne gouvernance”.
Cette disposition avant-gardiste fait entrer le Mali dans le cercle très restreint des pays qui ont gravé le principe de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite dans le marbre de la Constitution.
Deuxièmement, l’Oclei a activement suscité et pleinement soutenu auprès du gouvernement l’élaboration de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption au Mali. Ce document, récemment adopté par le conseil des ministres, permet à notre pays de disposer d’un cadre unique de référence des actions de lutte contre la corruption.
Troisièmement, l’Oclei a suscité et fortement appuyé auprès de Monsieur le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme la création de l’Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis ou confisqués, qui, à son tour, assurera une meilleure gestion des biens placés sous “main de justice”, notamment à l’issue des enquêtes de l’Oclei et des structures de contrôle.
Monsieur le Président,
Dans la période sous revue, l’Oclei a réalisé de nombreuses actions de niveau opérationnel dont les plus importantes sont présentées ci-après.
Au titre de la prévention, l’Oclei a mené 23 activités de sensibilisation à travers le Mali. Ces activités ont directement touché 2063 personnes de toutes les couches socioprofessionnelles.
Au titre de la contribution à la répression, de 2019 à 2022, l’Oclei a transmis à la Justice 23 dossiers pour 23 milliards 855 millions de F CFA, soit en moyenne plus d’un milliard de francs CFA par dossier.
Dans ces dossiers, les enquêtes de l’Oclei ont identifié 503 biens immobiliers présumés illicitement acquis, à savoir : 124 maisons d’habitation, 29 bâtiments commerciaux ou professionnels, 285 parcelles et 65 concessions rurales totalisant 181 hectares.
Le montant total des fonds, présumés illicites identifiés sur les comptes bancaires des 23 personnes, s’élève à 21 milliards 335 millions de F CFA alors que, dans la même période, leurs revenus légitimes s’élèvent à 1 milliard 106 millions de F CFA.
Les personnes concernées proviennent de différentes couches socioprofessionnelles : gouvernement, élus, administration générale, administrations financières, justice, armée, affaires étrangères, établissements publics, etc.
Le Conseil de l’Oclei veille au respect scrupuleux des principes du contradictoire, de la présomption d’innocence et de la confidentialité dans la réalisation des enquêtes.
Au titre des déclarations de biens, à la date du 31 décembre 2022, l’Oclei a exploité 2842 déclarations de biens. Il a mis en œuvre un système de codification et d’archivage, qui améliore considérablement le traitement, l’exploitation et la confidentialité des déclarations de biens.
Cependant, l’Oclei constate une baisse drastique du nombre des déclarations de biens déposées à la Cour suprême.
Au titre de la collaboration et de la coopération, l’Oclei a établi en octobre 2018 un protocole d’accord de collaboration avec la Cour suprême du Mali. D’autres protocoles de partenariat seront signés bientôt, notamment avec l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako, l’Ecole nationale d’administration, le Centre de formation des collectivités territoriales et l’Institut national de formation judiciaire. Au niveau international, l’Oclei a signé, à nos jours, 7 protocoles d’accord de partenariat avec ses homologues d’Afrique et d’Europe.
Le Mali, à travers le président de l’Oclei, a été le vice-président du Réseau des institutions nationales de lutte contre la corruption d’Afrique de l’Ouest (RINLCAO). Depuis juin 2022, il assume la charge de 1er vice-président de l’Association des autorités anti-corruption d’Afrique (AAACA).
A l’issue des travaux de la 6e Assemblée générale de cette association, tenue en Afrique du Sud, en juillet 2023, le Mali a été unanimement désigné par les 39 pays représentés pour abriter la 7e Assemblée générale prévue pendant le premier semestre de l’année 2024. Ce choix salue le leadership de notre pays dans la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.
Par ailleurs, l’Oclei a organisé, à Bamako, du 20 au 22février 2023, la 2e édition de la Conférence de haut niveau sur la lutte contre la corruption en Afrique, sur le thème : “Lutte contre la corruption : nouvelles dynamiques, recouvrement d’avoirs illicites, coopération internationale”. Trente-six (36) pays ont participé à cette rencontre.
La conférence de Bamako a recommandé aux États africains, entre autres :
– de mettre l’accent sur l’enseignement des valeurs sociales africaines dans les langues maternelles, en particulier à travers des programmes d’éducation civique et morale réhabilités ;
– de renforcer les capacités des structures de lutte contre la corruption ;
– de mettre en œuvre les mécanismes de sanction et de lutte contre l’impunité ;
– de renforcer la synergie entre les structures de contrôle, les organismes de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite et les autres acteurs, à travers la mise en place de cadres de concertation et de coordination. D’ores et déjà, le Mali a pris une option stratégique pour la mise en œuvre de ces recommandations, notamment à travers la valorisation de nos langues nationales érigées en langues officielles dans la nouvelle Constitution.
Pour capitaliser l’expérience de la conférence de haut niveau de Bamako, l’Oclei sollicite l’appui des hautes autorités maliennes pour organiser une nouvelle éditiontous les deux ans, faisant ainsi de notre pays un carrefour international de la lutte contre la délinquance financière.
Au titre des études, l’Oclei a réalisé des études conduites par des cabinets de consultation sélectionnés conformément au code des marchés publics. Chaque rapport d’étude est validé par un atelier national auquel sures fortes pour améliorer la gouvernance du secteur de l’éducation nationale.
C’est dans ce cadre que l’Oclei recommande aux autorités, entre autres :
– de procéder à un contrôle administratif systématique des actes de création et d’ouverture des établissements privés de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel sur l’ensemble du territoire ;
– de veiller au strict respect des dispositions règlementaires en matière d’orientation et de réorientation des élèves dans les établissements privés ;
– d’adopter un plan de progression du nombre d’établissements secondaires publics ;
– de procéder à la fermeture de tous les établissements privés ne remplissant pas rigoureusement les conditions d’exercice ;
– de traduire en justice les auteurs, coauteurs et complices de la production et de l’utilisation des arrêtés présumés faux.
Au titre de l’évaluation des activités de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. En 2022, l’Oclei a reçu et analysé 32 rapports produits par les structures de contrôle et de régulation. L’analyse de ces rapports fait ressortir des irrégularités financières pour un montant de 188 milliards 876 millions de F CFA, 1166 irrégularités administratives et 88 manquements aux exigences de performance.
L’Oclei recommande, entre autres, de valoriser le contrôle interne, les inspections et le Contrôle général des Services publics, pour favoriser la prévention ; etde doter les juridictions de moyens logistiques, financiers et humains pour diligenter le traitement des dossiers.
L’Oclei remercie et invite les structures impliquées dans la lutte contre l’enrichissement illicite à lui transmettre leurs rapports pour lui permettre, conformément aux textes, de procéder à une évaluation rigoureuse des activités de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite et, ainsi, de formuler des recommandations pertinentes dans l’esprit d’une synergie d’actions, gage d’efficacité et d’efficience dans le noble combat contre le phénomène.
L’Oclei évolue malheureusement dans un environnement national ambigu face à la corruption. En effet, ses enquêtes sont ralenties par diverses obstructions qui perdurent.
Monsieur le Président,
L’Oclei est aujourd’hui en phase de croissance, une phase qui requiert l’accroissement de ses ressources humaines et le renforcement de ses moyens logistiques, techniques et technologiques.
A ce titre, permettez-moi, Monsieur le Président, de remercier le gouvernement qui, à travers Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances, accordedes moyens permettant à l’Oclei de maintenir sa croissance. Le Conseil de l’Oclei sait compter sur ce soutien constant pour que la construction de son siège soit une réalité dans les prochains mois.
Monsieur le Président,
Votre soutien réaffirmé à l’Oclei nous réconforte dans la vision que la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite est un pilier du changement dans la gouvernance de notre pays. Dans votre discours d’investiture du lundi 7 juin 2021, Vous avez promis aux Maliennes et aux Maliens une gouvernance économique et financière vertueuse et une meilleure distribution des services publics. Vous pouvez compter sur l’Oclei pour relever ce défi.
Au nom du Conseil et du personnel de l’Oclei, et à mon nom propre, Je vous remerciede Votre Haute attention”.