Au Mali, le président de la République est la première des huit (8) Institutions de la République. Celles-ci sont instituées par l’Article 25 de la Constitution du 25 février 1992. Les sept (7) autres sont : le Gouvernement, l’Assemblée nationale, la Cour suprême, la Cour constitutionnelle, la Haute cour de justice, le Haut conseil des collectivités et le Conseil économique, social et culturel. A la différence fondamentale de celles-ci, le président de la République est la seule Institution incarnée par une et une seule personnalité. Elle en est ainsi la plus importante de l’Etat et les spécialistes le présentent comme la “clé de voûte des Institutions” du pays. La prééminence des fonctions présidentielles sont expressément consacrées par le Titre III de la Constitution (Articles 29 à 52). En voici quelques-unes de ces dispositions :
Article 29 : Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il est le gardien de la Constitution. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des Traités et Accords internationaux. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat.
Article 30 : Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Il n’est rééligible qu’une seule fois.
Article 34 : Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction politique, de tout mandat électif, de tout emploi public, de toute autre activité professionnelle et lucrative. […]
Article 36 : Lorsque le Président de la République est empêché de façon temporaire de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Premier ministre. En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelle que cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier ministre, les fonctions du Président de la République sont exercées par le Président de l’Assemblée Nationale.
Il est procédé à l’élection d’un nouveau Président pour une nouvelle période de cinq ans. L’élection du nouveau Président a lieu vingt-et-un jours au moins et quarante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement. […]
Article 37 : Le Président élu entre en fonction quinze jours après la proclamation officielle des résultats. Avant d’entre en fonction, il prête devant la Cour Suprême le Serment suivant : “Je Jure devant Dieu et le Peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du Peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine.”
Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de 48 heures, le Président de la Cour Suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du Président de la République. Cette déclaration fait l’objet d’une mise à jour annuelle.
Article 38 : Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.
Article 39 : Le Président de la République préside le Conseil des Ministres. Le Premier ministre le supplée dans les conditions fixées par la présente Constitution.
Article 40 : Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement du texte définitivement adopté. […]
Article 42 : Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et du Président de l’Assemblée Nationale, prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale. […]
Article 44 : Le Président de la République est le Chef Suprême des Armées. Il préside le Conseil Supérieur et le Comité de Défense de la Défense Nationale.
Article 45 : Le Président de la République est le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il exerce le droit de grâce. Il propose les lois d’amnistie.
Article 46 : Le Président de la République signe les Ordonnances et les décrets pris en Conseil des Ministres. Il nomme aux emplois civils et militaires supérieurs déterminés par la loi. Le Grand Chancelier des Ordres Nationaux, les Officiers Généraux, les Ambassadeurs et les Envoyés Extraordinaires, les Gouverneurs de Région, les Directeurs des Administrations centrales sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres. […]
Article 48 : Le Président de la République accrédite les Ambassadeurs et les Envoyés Extraordinaires auprès des Puissances étrangères. Les Ambassadeurs et les Envoyés Extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui.
Article 49 : Le Président de la République décrète, après délibération en Conseil des Ministres, l’état de siège et l’état d’urgence.
Article 50 : Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national, l’exécution des engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances, après consultation du Premier ministre, des Présidents de l’Assemblée Nationale et du Haut Conseil des Collectivités ainsi que de la Cour Constitutionnelle. Il en informe la Nation par un Message. […]
Article 51 : Le Président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre. […]
Article 52 : La loi fixe les avantages accordés au Président de la République et organise les modalités d’octroi d’une pension aux Anciens Présidents de la République jouissant de leurs droits civiques.
Outre ces dispositions, la Constitution prévoit aussi en son Article 71 que “la déclaration de guerre est autorisée par l’Assemblée Nationale réunie spécialement à cet effet. Le Président de la République en informe la Nation par un Message.”
Les principaux organisateurs et leurs missions
Actuellement, l’élection présidentielle au Mali est juridiquement régie par deux textes majeurs : la Constitution du 25 février 1992 et la Loi électorale N°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée par une autre (Loi N°2014-014) en date du 23 avril 2018. S’y ajoutent d’autres textes réglementaires d’application. Tous ces textes définissent les domaines d’intervention des acteurs majeurs de l’organisation de la présidentielle. Ces organisateurs sont principalement cinq (5) structures : la Cour constitutionnelle ; le Ministère chargé de l’Administration territoriale, la Délégation générale aux élections (DGE), la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et le Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat (Cneame).
S’agissant des dispositions constitutionnelles, elles sont énoncées par quatre Articles (30 à 33) relatifs à la présidentielle.
Article 30 : Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Il n’est rééligible qu’une seule fois.
Article 31 : Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malienne d’origine et jouir de tous ses droits civiques et politiques.
Article 32 : Les élections présidentielles sont fixées vingt-un jours au moins et quarante jours au plus avant l’expiration du mandat du Président en exercice.
Article 33 : «La loi détermine la procédure, les conditions d’éligibilité et de présentation des candidatures aux élections présidentielles, du déroulement du scrutin, du dépouillement et de la proclamation des résultats. Elle prévoit toutes les dispositions requises pour que les élections soient libres et régulières.
Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé à un second tour, le deuxième dimanche suivant. Ce second tour est ouvert seulement aux deux candidats ayant réuni le plus grand nombre des suffrages. Si l’un des deux candidats désiste, le scrutin reste ouvert au candidat venant après dans l’ordre des suffrages exprimés.
Si dans les sept jours précédents la date limite de dépôt des présentations des candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate, décède ou se trouve empêché, la Cour Constitutionnelle peut décider du report de l’élection. Si avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, la Cour Constitutionnelle prononce le report de l’élection. En cas de de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, ou de l’un des deux candidats resté en présence à la suite de ces retraits, la Cour Constitutionnelle décidera de la reprise de l’ensemble des opérations électorales.
La convocation des électeurs se fait par décret pris en Conseil des Ministres. La Cour Constitutionnelle contrôle la régularité de ces opérations, statue sur les réclamations, proclame les résultats du scrutin».
Quant à la Loi électorale en vigueur, elle dispose notamment : “Article 145 : Nul peut être candidat aux fonctions de Président de la République s’il n’est de nationalité malienne d’origine, jouissant de tous ses droits civiques et politiques et s’il n’est âgé d’au moins trente-cinq (35) ans à la date du scrutin. […]
Article 148 : La déclaration de candidature du Président de la République est faite à titre personnel à partir de la publication du décret convoquant les électeurs au plus tard le trentième (30ème) jour précédant le scrutin et adressée au Président de la Cour Constitutionnelle qui en délivre récépissé. […]
Article 149 : […] Chaque déclaration doit recueillir la signature légalisée d’au moins dix (10) Députés ou cinq (5) Conseillers communaux dans chacune des Régions et du District de Bamako. Un élu ne peut soutenir plus d’un candidat. […]
Article 150 : Dans les deux jours qui suivent la déclaration de candidature, le candidat devra payer auprès du Trésorier-Payeur ou Percepteur du Trésor qui transmettra au Trésorier-Payeur un cautionnement de vingt-cinq millions (25 000 000) de Francs remboursables à cinquante pour cent (50%) pour les candidats ayant obtenu cinq pour cent (5%) au moins des suffrages exprimés lors du premier tour de l’élection du Président de la République.
Article 151 : La Cour Constitutionnelle, après s’être assurée de l’enregistrement des dossiers de candidature et du versement du cautionnement, arrête et publie la liste des candidats.
Article 156 : Dans le District et dans chaque Cercle, Ambassade ou Consulat, une Commission de centralisation, siégeant au chef-lieu, totalise dès la clôture du scrutin et au fur et à mesure de l’arrivée des procès-verbaux, les résultats du scrutin. Cette commission présidée par le Représentant de l’Etat dans le District, dans le Cercle, l’Ambassadeur ou le Consul comprend les représentants de l’administration et ceux des candidats en lice. […] La Commission transmet sans délai au ministre chargé de l’Administration territoriale le procès-verbal récapitulatif des résultats du scrutin signé par les membres de la Commission. Le ministre chargé de l’Administration territoriale totalise les résultats des procès-verbaux des opérations du scrutin et proclame les résultats provisoires dans les cinq (5) jours qui suivent la date du scrutin. Il est assisté d’une Commission nationale de centralisation composée des représentants du ministère en charge de l’Administration territoriale et de six (6) représentants de la Majorité, de six (6) représentants de l’Opposition. Le ministre chargé de l’Administration territoriale transmet, sans délai à la Cour Constitutionnelle, les résultats provisoires accompagnés des procès-verbaux des opérations du scrutin.
Article 157 : La Cour Constitutionnelle procède au recensement général des votes. Elle contrôle la régularité du scrutin et en proclame les résultats définitifs.
Comme l’on peut le constater, l’organisation de l’élection présidentielle implique plusieurs structures. Elles gèrent, selon leurs domaines d’interventions, l’ensemble du processus électoral naturellement animé par les compétiteurs que sont les candidats issus des rangs des partis ou groupements de partis politiques ainsi que des acteurs dits ”indépendants’‘ des formations partisanes.
Comme dans une symphonie, chacune des structures joue sa partition. Dans l’orchestration électorale, le rythme des tonalités est fondamentalement impulsé par le ministre en charge de l’Administration territoriale. Avec l’appui d’autres services étatiques notamment des Finances et de la Sécurité, ce département ministériel a en charge l’organisation pratique des élections. Cette immense tâche fait partie des attributions spécifiques du ministère en charge de l’Administration territoriale. Qui, dans le cadre du travail gouvernemental, “est compétent pour […] l’organisation des opérations électorales et référendaires, en rapport avec les autres structures intervenant dans ces opérations” (Article 6 du Décret N°2018-0005/P-RM du 7 janvier 2018).
De manière détaillée, les dispositions de l’Article 28 de la Loi électorale du 17 octobre 2016 édictent que ce ministère “assure : -la préparation technique et matérielle de l’ensemble des opérations référendaires et électorales ; -l’organisation matérielle du référendum et des élections ; – l’élaboration des procédures et actes relatifs aux opérations électorales et référendaires ; – la centralisation et la proclamation des résultats provisoires des référendums et des élections présidentielles et législatives ;-l’acheminement des procès-verbaux des consultations référendaires, présidentielles et législatives, accompagnés des pièces qui doivent y être annexées à la Cour Constitutionnelle. […] “
Le département ministériel organisateur des élections s’appuie sur ses différents services dont la Délégation Générale aux Elections (DGE), une innovation apportée par la Loi électorale N°00-058 du 30 août 2000. La DGE intervient essentiellement en amont du processus électoral en exécutant la confection des cartes d’électeur. Car, l’Article 27 de la Loi électorale du 17 octobre 2016 lui assigne principalement la mission de “l’élaboration et la gestion du fichier électoral […] Elle porte assistance à la CENI à la demande de celle-ci. […]”. Créée en janvier 1997 sur forte pression de l’Opposition se méfiant des services étatiques chargés du processus électoral, la Commission Electorale Nationale Indépendante (comprenant des représentants des partis politiques, de la société civile et de l’Administration) a été chargée de l’organisation matérielle des élections législatives du 13 avril de cette année-là. Cette organisation s’est avérée un flop magistral ayant engendré une grave crise électorale occasionnant une terrible crispation politique pour la jeune démocratie malienne.
De cette mauvaise expérience, la CENI est considérablement dessaisie de l’organisation matérielle (naturellement revenue à l’Administration d’Etat) et ses missions sont désormais concentrées sur la supervision électorale. Dans ce sens, “la CENI est chargée de la supervision et du suivi des opérations référendaires, de l’élection du Président de la République, des députés et des conseillers des Collectivités territoriales”, précise l’Article 3 de la Loi électorale du 17 octobre 2016.
Les dispositions des Articles 3 à 25 du même texte législatif sont relatives à la composition, à l’organisation et au fonctionnement de la CENI. Outre sa composante nationale (15 membres), elle dispose des démembrements aux niveaux des Régions et du District de Bamako, des Cercles, des Communes ainsi que des représentations diplomatiques et consulaires. A tous les niveaux, les membres de la CENI sont désignés au sein des partis politiques et de la société civile. En somme, pour l’accomplissement de ses missions, “la CENI et ses démembrements veillent à la régularité du référendum et des élections générales à travers la supervision et le suivi des opérations […]. La CENI est chargée de la gestion des observateurs nationaux et internationaux.” (Article 14 de la Loi électorale modificative du 23 avril 2018).
Quant au Comité National de l’Egal Accès aux Médias d’Etat (CNEAME), il intervient dans le domaine électoral en application de la Loi électorale du 17 octobre 2016 (modifiée) dont l’Article 71 dispose : “[…] Le Comité National de l’Egal Accès aux Médias d’Etat veillera à l’égal accès aux médias d’Etat des candidats, des partis politiques et des groupements de partis politiques en lice”. En clair, les compétiteurs électoraux peuvent utiliser pour leur campagne les médias d’Etat que sont l’ORTM (radio et télévision) et L’Essor pour la presse écrite. L’implication du CNEAME dans le processus électoral tire son essence légale de la Constitution dont l’Article 7 dispose que “[…] L’égal accès pour tous aux médias d’Etat est assuré par un Organe indépendant dont le statut est fixé par une loi organique”. C’est ainsi que le législateur a adopté la Loi N°93-001 du 6 janvier 1993 portant loi organique relative à la création du CNEAME. Dans ses attributions, ledit Comité “veille […] à une gestion équitable du temps d’antenne et de l’espace rédactionnel consacrée aux candidats et aux familles politiques pendant les campagnes électorales”.
Lesdites campagnes constituent des moments intenses parmi les différentes étapes de la compétition présidentielle dont le déroulement est légalement encadré de près par la Cour Constitutionnelle. Celle-ci se trouve obligatoirement au cœur du processus électoral. Dans ses missions d’arbitre incontournable, elle joue un rôle crucial. Dans ce cadre, l’enregistrement et la validation des candidatures, de la gestion du contentieux électoral ainsi que la proclamation des résultats officiels définitifs ont été gérés d’abord en 1992 par la Cour Suprême à travers sa Section Constitutionnelle. Celle-ci disparait en 1994 suite à la mise en place de la Cour Constitutionnelle (une nouvelle Institution républicaine instaurée par la Constitution du 25 février 1992).
Cette Cour s’occupe, depuis 1997, du processus électoral conformément aux dispositions de ladite Constitution. Qui dispose notamment que “la Cour Constitutionnelle statue obligatoirement sur […] la régularité des élections présidentielles, législatives et des opérations référendum dont elle proclame les résultats ” (Article 86, Alinéa 4). En outre, “la Cour Constitutionnelle est saisie, en cas de contestation d’une élection, par tout candidat, tout parti politique ou le Délégué du Gouvernement, dans les conditions prévues par une loi organique. “ (Article 87). Et, précise la Loi fondamentale, “les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales.” (Article 94, Alinea1).
Dossier réalisé par la Rédaction
Source: Aujourd’hui mali