Des traducteurs maliens ayant travaillé pour l’armée allemande au Mali ont écrit aux autorités de Berlin pour réclamer leur protection.
Lorsque les armées occidentales ou les missions onusiennes se retirent d’un pays, elles laissent souvent derrière elles des ressortissants de ce pays qui ont coopéré avec elles – pour assurer des traductions, par exemple. Le cas des Afghans délaissés par l’Allemagne après le retour au pouvoir des talibans a fait grand bruit. Celui du Mali revient sur le devant de l’actualité.
L’hebdomadaire allemand Der Spiegel publie cette semaine un article dans lequel il se fait l’écho d’une lettre signée par des Maliens qui ont opéré des traductions pour l’armée allemande et qui s’inquiètent de leur sort une fois les derniers soldats allemands partis du pays.
Craintes de l’avenir
Maintenant que l’EUTM a suspendu sa mission au Mali, et que les soldats de la Minusma sont en train d’achever leur retrait du pays, à la demande de la junte, le personnel malien qui travaillait pour elles craint de possibles représailles par les groupes djihadistes.
C’est pourquoi plusieurs d’entre eux ont adressé début juillet un courrier aux autorités allemandes – la lettre citée par Der Spiegel. Ces traducteurs réclament la protection de Berlin. Ils appellent l’Allemagne à ne pas commettre les mêmes erreurs qu’après le retrait d’Afghanistan, en 2021 : malgré les promesses faites aux Afghans, peu d’entre eux ont obtenu des visas pour l’Allemagne, notamment à cause de la mauvaise coordination des différents services administratifs allemands.
Environ 400 Maliens travaillent pour l’Allemagne au Mali, dont une soixantaine pour la Bundeswehr, parmi lesquels une vingtaine de traducteurs.
Réactions en Allemagne
Les Commissions des Affaires étrangères et de la Défense du Bundestag, citées par Der Spiegel, assurent ne pas avoir reçu d’information faisant état d’une mise en danger “individuelle ou systématique” du personnel malien sur place.
Le ministère de la Défense à Berlin assure pour sa part suivre de près la situation sécuritaire au Mali.
Quant à la ministre de la Coopération, Svenja Schulze, actuellement en déplacement dans le Sahel, elle déclare à la DW ne pas avoir encore pris connaissance de ce courrier du personnel malien, mais elle précise au micro de notre consoeur Katharina Kroll :
“Nous sommes encore très actifs au Mali, par le biais de la GIZ, de la KfW, dont le travail est très apprécié et qui continuent de travailler sur place là où c’est possible. Nous ne pouvons plus travailler actuellement avec le gouvernement local, mais nous ne comptons pas pour autant arrêter de travailler au Mali, et nous continuerons d’avoir besoin des gens qui nous aident sur place le plus longtemps possible.”
Le Patenschaftsnetzwerk Afghanische Ortskräfte, un organisme allemand de parrainage en soutien aux Afghans qui ont travaillé pour la Bundeswehr en Afghanistan, réclame que les autorités allemandes s’occupent davantage des ressortissants locaux qui aident l’Allemagne sur place, en notamment “au Mali, au Niger et au Soudan”.
Les issues possibles
Plusieurs solutions sont envisagées pour soutenir le personnel malien mis au chômage par le départ des Allemands : soit continuer à leur verser un salaire, soit les aider à déménager à l’intérieur du Mali, soit même faciliter leur évacuation vers l’Allemagne. Mais, comme nous le disait un des traducteurs maliens de la Bundeswehr à Gao, dès 2022 :
“Pour nous le départ des troupes allemandes au Mali, nous le craignons en fait parce que leur départ est synonyme de manque de travail pour nous, tandis que nous aurons des difficultés pour nourrir nos familles, nos enfants. […] Partir avec les troupes allemandes dans leur pays ? Je veux bien mais est-ce qu’il y a une possibilité ? Est-ce qu’on peut tous partir ? Ou y a-t-il un autre plan ? Je ne sais pas. Parce que nous, assistants linguistiques, je ne pense pas qu’on puisse exercer la même activité là-bas.. Notre travail, c’était de traduire les langues nationales en anglais pour eux. Donc, est-ce que notre présence va être utile pour eux là-bas ? Je ne suis pas sûr.”
Autant de questions auxquelles les autorités allemandes devront répondre sans tarder.
DW