Depuis plusieurs semaines, les populations du cercle de Nioro comme leurs voisines des zones sahéliennes vivent dans une canicule exceptionnelle.
En effet, les températures sont élevées et rendent toutes activités économiques, sociales ou commerciales insupportables dans les rues, les cours ou même dans les maisons. La température varie entre 40 à 45 degrés et même plus selon certains.
Le soleil brûle si fort qu’il est difficile d’utiliser l’eau des récipients et celle venant du robinet.
Face à cette situation caniculaire, les populations ne cessaient de prier le Ciel pour qu’il y ait une atténuation de la température avant le mois de carême. Mais, malheureusement, il n’en est rien. Dès la parution du croissant lunaire, le calvaire s’est installé. Nioro est considérée depuis des centaines d’années comme une ville religieuse par excellence. Ce qui signifie que quelque soit le temps qu’il fait et malgré les conséquences qui peuvent en découler, les populations de la vieille cité religieuse sans distinction d’âge ou de sexe accompliront ce pilier de l’islam.
Aujourd’hui à Nioro, on transpire à grosses gouttes depuis huit heures du matin jusqu’au coucher du soleil. Le carême a, d’ailleurs, commencé à faire ses premières victimes. Le lundi, une femme enceinte d’une trentaine d’année s’est écroulée cinq minutes seulement après la rupture du jeûne. Le mercredi, une autre dame a été rapidement amenée à l’hôpital juste après la rupture du carême. Elle se rétablit difficilement de son malaise.
Des cas de maladies et de décès sont signalés à l’intérieur du cercle et dans beaucoup de villages. Ces quelques jours, plusieurs dizaines de cas de personnes déshydratées à cause du carême se sont fait enregistrées au Centre de santé de référence. Malgré les conseils du médecin chef, Dr Seydou Diallo, les cas de malades se multiplient et les risques de mort augmentent. La semaine dernière, une autre vieille femme de quatre-vingt ans s’en est allée après avoir rompu le jeûne.
Au-delà de midi, impossible de rester plus de deux minutes dans une chambre encore moins au soleil. Dans les familles, les marchés, les gens passent toute la journée à s’arroser avec de l’eau fraîche ou glacée. Aujourd’hui, le produit le plus demandé est la glace. Un morceau de glace peut se vendre jusqu’à 150 Fcfa dans la ville de Nioro du Sahel. Dans les autres localités du cercle, il faut débourser 300 Fcfa pour se procurer le même morceau de glace.
Les activités tournent au ralenti à partir de 11 heures, chacun limitant au minimum ses déplacements. Les autorités scolaires, sachant que les enfants et les personnes âgées sont les plus vulnérables aux effets de la canicule, ont été obligées de réaménager les horaires des classes. Désormais les cours de l’après-midi commencent à 16 heures et finissent à 18 heures au lieu de 15 heures-17 heures.
La température caniculaire accentue évidemment la pression sur l’eau. Les femmes auxquelles la corvée d’eau revient sont obligées de se lever très tôt le matin. D’autres se déplacent de localité en localité en observant le carême avec des charrettes à la recherche du plus que précieux liquide. Partout, l’on s’agglutine autour des points d’eau. Les disputes sont fréquentes. Elles peuvent même aller jusqu’à l’affrontement physique.
Dans la ville de Nioro, le problème de l’eau et de l’électricité est en passe d’être réglé avec de nouvelles installations. Mais dans les autres localités du cercle, la bataille pour l’eau fait rage. Les points d’eau (forages et puits) sont pris d’assaut par des centaines de femmes à longueur de journée. Les animaux ne sont pas en reste. Eux aussi ont chaud et soif. Ils passent les journées à rôder autour des points d’eau auprès des êtres humains pour le même liquide. Sur les antennes des radios locales, des messages de sensibilisation invitent les parents à surveiller de près les enfants et à leur donner constamment à boire. La même précaution vaut pour les personnes âgées. Ces messages indiquent que l’on soit adulte ou enfant, il est conseillé de boire un minimum de 1,5 litre d’eau par jour. Un autre message invite les gens à dormir hors des maisons.
Concernant les personnes qui observent le jeûne, il est conseiller de faire la rupture avec de l’eau chaude au lieu de l’eau glacée et d’éviter de se coucher tout de suite après avoir fini de boire ou de manger.
Il y a des jours, où le vent semble s’arrêter de souffler. Les uns et les autres réclament à longueur de journée la pluie qui tarde à venir. Situé dans le plein Sahel, Nioro ne dispose pas d’assez d’arbres pour atténuer la chaleur et offrir de l’ombre pour s’abriter. L’eau des canaris se boit difficilement. Il faut utiliser avec précaution l’eau de la bouilloire même posée à l’ombre. Toutes les activités sont au ralenti. A partir de 18 heures, les rues se vident. On ne voit que des enfants à la recherche de glace ou des mendiants qui se faufilent de maison en maison. Tout le monde est épuisé.
Chaque jour des cas d’étouffement soit après la rupture ou aux heures de prière sont signalés. Certains ont purement décidé, à défaut de fraîcheur de suspendre le jeûne. Chacun à sa manière utilise une astuce pour pouvoir accomplir sa foi religieuse. Ainsi, certains apportent une grande quantité de sable, l’imbibe d’eau et se couche là-dessus à longueur de journée. D’autres mettent les deux pieds dans une bassine d’eau glacée tout en versant quelques pots d’eau sur la tête à chaque instant. M. Fané est Secrétaire général d’une commune. Il a trouvé comme astuce de se laver avec de l’eau glacée toutes les heures qui passent à partir de 15 heures. Djadié Diallo âgé d’environ quatre-vingt ans, met des morceaux de glace dans un sac troué, le suspend à une branche d’arbre et se couche sur une natte en dessous pour être arrosé par compte-gouttes.
Les murs des maisons, le sol, les pierres dégagent une chaleur insupportable, même la nuit, obligeant tout le monde à dormir à la belle étoile. Les personnes âgées, qui d’ordinaire sont des couche-tôt, veillent tard la nuit devant les concessions, éventail à la main pour maudire cette impitoyable chaleur.
Mme Fatou Bah est commerçante au marché de Nioro. Elle jeûne depuis 10 ans. Agée de 48 ans, elle est formelle. « C’est la première fois qu’un mois de Ramadan se passe avec une chaleur d’une telle férocité », concède-t-elle.
Le doyen El Hadj Dembo Diagouraga est âgé d’une quatre vingtaine d’années. Lui aussi confirme les propos de Mme Fatou Bah, assurant n’avoir pas souvenir d’un mois de Ramadan aussi difficile comme celui-là obligeant tout le monde à s’imbiber d’eau ou à se payer un humidificateur, (appareil qui rafraîchit) et qui se vend à Nioro pendant ce mois béni de Ramadan comme des petits pains.
Les jeunes vendeurs du Sotelmada ont leurs solutions. Ils mouillent les turbans d’eau glacée et les déposent sur la tête jusqu’à ce que l’eau se dessèche et se prêtent à un renouvellement. Aussi les femmes maures vendeuses d’habits ont de l’eau glacée dans une glacière posée à côté d’elles. A chaque instant avec un petit gobelet, elles en prennent et se versent sur le corps. Des tailleurs s’asseyent sur des torchons mouillés d’eau, d’autres mouillent complètement leurs chemises et travaillent sous les ventilateurs. A Nioro, tout le monde prie nuit et jour pour la tombée de la pluie et le passage du carême dans les meilleures conditions tant la chaleur est insupportable. Puisse le Tout Puissant entendre leurs supplications !
Moussa DIAKITÉ
AMAP-Nioro du Sahel
Source: essor