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Le Mali excommunie les casques bleus pour rester seul avec Wagner

Vendredi, le conseil de sécurité a voté une résolution entérinant le retrait de la mission de l’ONU au Mali. Une décision qui laisse un vide sécuritaire qui sera comblé par les djihadistes ou les mercenaires russes, derniers partenaires de ce pays en guerre

Le divorce est acté. Ce vendredi après-midi, le conseil de sécurité de l’ONU a voté unanimement à quinze voix pour la résolution portant sur le retrait de la Minusma, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali. Les casques bleus et le personnel onusien auront donc six mois pour quitter un pays déchiré depuis dix ans par la guerre contre le djihadisme et dont la résolution n’a jamais semblé aussi lointaine.

Le 16 juin, surprenant les membres du conseil à New York qui s’attendaient au renouvellement de la mission malienne de l’ONU dont le mandat expirait jeudi, Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères du Mali, a demandé «un retrait sans délai» des casques bleus dont la mission est d’assurer la protection des civils et la restauration de l’Etat dans les zones occupées par les groupes terroristes. Arguant du «constat de l’échec» d’une force présente dans le pays depuis 2013, il a déclaré que «le mandat ne répond pas au défi sécuritaire», au contraire, «elle engendre un sentiment de méfiance des populations» et «une crise de confiance avec les autorités».

Série de ruptures

Cette décision suit une série de ruptures avec les partenaires internationaux du Mali depuis qu’un quarteron de colonels a pris le pouvoir au Mali à la faveur de deux coups d’Etat, en août 2020 puis en mai 2021. Ces derniers mois, la junte avait tenté par tous les moyens d’empêcher la Minusma de faire son travail. Elle avait d’abord emprisonné 46 casques bleus ivoiriens qualifiés de «mercenaires», puis expulsé le porte-parole de la Minusma, ainsi que le directeur de la section droit de l’homme de la mission. Ce dernier pilotait une enquête sur le massacre de Moura, au cours duquel plus de 600 civils ont été exécutés par l’armée malienne et ses supplétifs russes.

L’ONU n’a pas été le seul partenaire accablé de la sorte. A l’été 2022, les 5000 soldats des forces françaises Barkhane et Takuba étaient congédiés. La force africaine du G5 Sahel, a subi, elle aussi, le même sort. Aujourd’hui, c’est au tour des soldats de la paix de prendre la porte. Ce sont donc 11 700 soldats, 1600 policiers, 1800 employés civils originaires de 55 pays répartis dans douze bases, qui devront plier bagage d’ici au 31 décembre 2023.

Défi logistique herculéen

Un défi logistique herculéen que la junte malienne a tenté d’instrumentaliser en demandant un départ d’ici à trois mois. «Ils voulaient nous forcer à partir dans la précipitation, afin de pouvoir récupérer le matériel abandonné, comme des véhicules, des équipements de communication et des infrastructures de protection», confie un membre de la Minusma. Une stratégie que plusieurs sources diplomatiques estiment avoir été soufflée par la Russie, dont les mercenaires sont présents dans le pays depuis fin 2021. Ces derniers jours, les émissaires de Moscou tentaient de faire voter un budget réduit à trois mois pour la Minusma, sous la menace de bloquer les financements des autres missions de maintien de la paix à travers le monde.

Ceux qui partent en vacances cet été sont déjà en train de déménager leurs affaires. Le Mali nous laisse un goût amer.

Malgré ce bras de fer qui supposait l’utilisation du veto russe, un compromis a été trouvé, comme le laissent croire les nombreux brouillons successifs de la résolution. Au final, le texte voté ce vendredi laissera à la Minusma jusqu’au 30 septembre, «pour répondre aux menaces imminentes de violence à l’encontre des civils et à contribuer à l’acheminement de l’aide humanitaire», avant de se concentrer sur son départ. Il semble pourtant probable qu’avant même cette date, les employés de l’ONU ne s’occupent que de leur retrait, tant le délai de six mois, pour une mission de cette taille, reste court au regard des standards habituels de désengagement des opérations de maintien de la paix. «Ceux qui partent en vacances cet été sont déjà en train de déménager leurs affaires et demandent des congés pour ne plus revenir, affirme une source onusienne. Le Mali nous laisse un goût amer».

Une fois le dernier casque bleu hors du pays, il ne subsistera de la vaste architecture sécuritaire internationale bâtie sur dix ans, qu’une armée malienne en reconstruction et la société militaire privée Wagner. Laissant un vide sécuritaire que les mercenaires auront du mal à combler face aux djihadistes dont les actions se multiplient au nord et au centre du Mali.

Ce vacuum fragilise aussi l’accord de paix d’Alger entre Bamako et les indépendantistes du nord, faisant planer la crainte d’un réengagement armé. «La partie invisible de notre travail consistait à faire parler les parties autour d’une table plutôt que par les armes, martèle un membre de la mission. Nous garantissions les cessez-le-feu. Avec notre départ, qui préservera la paix?» En dix ans d’intervention, elle aura coûté la vie de 186 casques bleus tués dans l’exercice de leur devoir. Le triste record du plus grand nombre de pertes humaines parmi toutes les missions de l’ONU.

Source : letemps

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