La mobilité des personnes été de tout temps un moteur de transformation des sociétés, à travers la diversité des échanges, produits, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels.
Pourtant, cette mobilité est vécue davantage comme un facteur de déséquilibre dans certains états, qu’une source d’enrichissement mutuelle pour d’autres.
Aujourd’hui, l’Afrique, l’Europe et le reste du monde s’affrontent sur ce champ des migrations internationales, vécu dans ces pays dits développés comme un enjeu sécuritaire (sécurité de la population, protection des personnes et de leurs biens, sécurité sanitaire, défense du territoire), et en Afrique comme un enjeu de développement (Infrastructure, développement économique, technologique etc….).
Héritier de grands empires et de royaumes, pays de culture et de vielles civilisations, le Mali figure parmi les plus grands pays (africains) d’émigration. En effet, les migrants maliens, d’une grande diversité socio- professionnelle, sont répartis dans le monde entier, mais les plus grandes concentrations se trouvent en Afrique occidental, centrale, en France et dans les pays arabes. Travailleurs saisonniers et permanents, fonctionnaires internationaux et fonctionnaires d’autres statuts, commençants, hommes d’affaires, simples aventuriers et étudiants constituent pour l’essentiel ce qu’il convient d’appeler émigrant malien.
Pays charnière situé au cœur de l’Afrique de l’ouest, le Mali depuis la nuit du temps, été à la fois un pays d’immigration c’est à dire une terre de rencontres, de brassages d’ethnies, de religions et de cultures, mais aussi un pays d’émigration c’est-à-dire de départ d’une partie non négligeable de sa population vers d’autres pays.
Cette migration était et reste un pilier essentiel dans l’économie du pays, les migrants maliens envoient chaque année des milliards de franc cfa, soit pour cause d’investissement ou pour assistance familiale. Mais au cours de ces dernières années, le constat est alarmant, beaucoup de jeunes ont perdu la vie, en essayant de joindre l’Europe, dans le désert ou dans la méditerranée. Une grande partie d’entre eux finiront par se résigner au fait accompli en demeurant de façon illégale dans les pays de transit (Algérie, Maroc ou Libye). Ces derniers, à un moment donné, prennent des initiatives de rapatriement qui se déroulent, généralement, de façon inhumaine. Plus pire encore, ces émigrés sont victimes, parfois, des injures et de mauvais traitement (social) dans lesdits pays. C’est le cas de la Libye, par exemple, où nous avons découvert un marché (noir) de vente d’émigrés réduits en esclaves. Cet acte ignoble a indigné la communauté internationale et a provoqué un mouvement social dans plusieurs pays africains (particulièrement le Mali) et en France (premier pays – hors Afrique – d’immigration des maliens).
Ainsi, pour réduire cette immigration illégale ou, du moins, l’encadrer afin d’empêcher de telles catastrophes, nous proposons quelques solutions qui nous semblent être vitales pour la bonne gestion de la crise migratoire.
- L’éducation et la formation
L’éducation, la formation et son adaptabilité jouent un rôle important dans les marchés internationaux, régionaux et nationaux. L’éducation et la formation technique ont fait l’objet de nouvelles formes de discussion locale et internationale. Par conséquent, elles doivent être complètement intégrer dans la planification et la coordination. L’écart entre les résultats de l’éducation, de l’enseignement technique en particulier dans les domaines de la technologie de l’information et les besoins du marché du travail, doit être comblé.
En conséquence, les pays de la sous-région doivent concentrer leurs efforts sur l’enseignement technique moderne inclus dans les programmes scolaires, à savoir :
– Élaborer des programmes de formation professionnelle en matière d’emplois pour mettre à jour les compétences des émigrés afin qu’elles soient en adéquation avec les pays de destination.
– Élaboration des normes communes entre les pays Africains dans le domaine de l’éducation et de la formation.
– La mise en place d’un système pour les visas de travail et les contrats d’emplois en vue de refléter la réalité du marché du travail.
– La diffusion régulière de l’information sur les lois, procédures d’emplois, les possibilités de travail et les systèmes d’éducation et de formation dans les pays Africains.
– L’assistance aux émigrés et à leurs représentants dans leurs consulats et la mise à leur disposition des informations nécessaires sur les services d’emplois, de soins, de santé, l’éducation et la formation ainsi que la sécurité sociale.
– Fournir aux émigrés des orientations des marchés du travail des pays de destination avant leur départ.
– Enfin l’encouragement de la reconnaissance et de l’adoption des qualifications et des certifications et simplification des procédures administratives.
2- Le développement de services consultatifs concernant la migration
Les services consultatifs concernant la migration doivent couvrir toutes les informations sur les possibilités d’emplois et les marchés du travail disponible dans les pays où ils travaillent, documentés par les organismes gouvernementaux et les institutions concernés dans les pays demandeurs de main d’œuvre. Les pays de la sous-région doivent revoir périodiquement les informations d’une manière organisée pour leur permettre d’estimer le nombre de travailleurs disponibles dans certains secteurs et ceux manquants dans l’autre. Les pays de la sous-région doivent mettre en place un site web afin d’indiquer les besoins en main d’œuvre, le nombre de travailleurs, le niveau des salaires, la sécurité sociale et les avantages en nature. Le processus de migration doit être renforcé pour être organisé et juste dans les deux pays (d’origine et d’accueil) grâce à l’assistance des organisations de travail et des associations, et autres partenaires concernés par la diffusion de l’information aux émigrés. Ces différentes informations doivent leurs permettre de connaître leurs droits et être assistés en offrant des services juridiques selon les lois du pays et les procédures appliquées à la mise en œuvre de ces lois. De même, il serait important de diffuser l’information sur le phénomène du trafic des êtres humains et des risques en sensibilisant d’avantage le public à cette question pour éviter et prévenir les propagandes fallacieuses concernant la migration des travailleurs (programme de télévision et de radio). Enfin, il faut sensibiliser davantage les émigrés à la participation économique à l’intérieur du pays où ils travaillent afin de faciliter leur intégration dans la société. Dans ce contexte, le rôle de l’Union Africaine doit être renforcé pour préserver les droits des émigrés et élaborer un cadre juridique pour assurer leur défense et leur prise en charge. Les droits de l’homme de tous les émigrés doivent être appuyés et défendus comme suit:
Les états membres de l’union africaine doivent, en élaborant leurs lois et politiques nationales en matière de protection des travailleurs émigrés, appliquer les principes contenus dans la convention (amendée n°97 de 1949) sur la migration pour le travail, la convention sur les travailleurs migrants n°143 de 1975 et ses recommandations, en particulier celles concernant le maintien de l’égalité entre les citoyens nationaux et les travailleurs (migrants) réguliers en fournissant le niveau minimum de protection des travailleurs migrants et en adoptant les principes de la convention internationale de 1990 concernant la protection de tous les travailleurs migrants et leurs familles. Les politiques et lois nationales doivent être conformes aux normes de l’Organisation Internationale du Travail concernant l’emploi, l’inspection du travail, la sécurité sociale, la protection de la maternité, la protection des salaires, la sécurité professionnelle, et la santé ainsi qu’aux normes en vigueur dans les différents secteurs. Enfin, l’imposition d’amendes effectives aux individus ou organes qui violent les droits des travailleurs migrants.
Quant aux mouvements des émigrés à l’intérieur des pays africains, les plans de développement économique de l’Afrique nécessitent l’utilisation maximum des ressources des pays africains notamment et en particulier la main d’œuvre. Par conséquent, le mouvement de la main d’œuvre doit être organisé de manière à satisfaire les besoins des programmes de développement dans chaque pays et à réaliser les objectifs d’intégration économique de l’Afrique, conformément à la croyance selon laquelle il est nécessaire de faire profiter aux travailleurs qui se déplacent dans les pays africains, tous les droits et avantages accordés aux travailleurs nationaux. Ainsi, chaque pays africain doit prendre des mesures législatives et organisationnelles pour organiser le maintien des possibilités d’emplois pour ces travailleurs nationaux et s’assurer que les travailleurs émigrés ou leurs familles ne sont pas exposées à la persécution ou au renvoi arbitraire à cause de tout évènement qui pourrait arriver dans les relations politiques entre leur pays d’origine et leur pays d’immigration ou dans les conditions du marché du travail. Par ailleurs, les émigrés et leurs familles doivent bénéficier des avantages dont jouissent les familles du pays hôte, notamment les possibilités d’emplois, les heures de travail, les salaires, le repos, l’assurance sociale, la sécurité sociale, les traitements et les avantages du service, les services d’enseignement et de santé, le droit au logement et à se syndiquer dans le cadre des lois nationales du pays hôte, ainsi que le droit de transférer leurs fonds ou salaires dans tout pays qu’ils choisissent ou dans leur pays d’origine.
Tous les pays de l’Union Africaine doivent tenir compte des points suivants lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de migration dans les conditions du mouvement de la main d’œuvre à court et long terme, en tenant compte des soins économiques et sociaux:
- Encourager les projets d’investissements africains en vue de fournir des possibilités d’emplois pour absorber le surplus de travailleurs, et remplacer progressivement la main d’œuvre étrangère dans les pays africains par la main d’œuvre africaine.
- Éliminer toute discrimination envers les travailleurs africains immigrés et maintenir les liens et les relations familiales et nationales entre ces travailleurs et leur pays d’origine.
- Attirer et encourager les migrants africains à retourner dans leur pays pour participer aux programmes et plans de développement et créer un climat convenable sur le plan scientifique, social et matériel.
- Encourager la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux entre les pays africains qui envoient les travailleurs émigrés et les pays étrangers qui les reçoivent. Ces accords doivent comporter des dispositions concernant la l’égalité entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux.
- Enfin, offrir des services consultatifs pour aider les migrants à s’adapter à l’environnement économique, social, et culturel.
3-La protection sociale des émigrés et l’amélioration de leurs conditions de vie
La mise en œuvre de l’accord international sur la protection des droits de tous les travailleurs émigrés et leurs familles a commencé le 1er juillet 2003. Ce document contient une série des normes internationales contraignantes pour le traitement et la prise en charge des travailleurs émigrés et de leurs familles. L’article 27 de cet accord stipule que les travailleurs migrants et leurs familles dans le pays d’accueil doivent bénéficier de la même sécurité sociale que les travailleurs nationaux, s’ils remplissent les conditions stipulées par la loi, et l’article 28 leur accorde le droit de recevoir les soins médicaux. Les droits sociaux des émigrés doivent être protégés ainsi que leurs conditions de vie améliorées. Les pays africains doivent mettre en place des programmes d’intégration pour permettre aux migrants légaux de jouir des droits économiques, politiques et sociaux. Des accords bilatéraux entre l’État d’origine et l’État d’accueil doivent être conclus pour permettre aux travailleurs émigrés d’avoir une couverture d’assurance totale afin de réaliser l’égalité complète entre les migrants et les nationaux concernant l’emploi, les possibilités de travail, les salaires, l’assurance sociale et le déplacement géographique. Ainsi, le même programme doit être élargi au niveau international (Europe, Amérique, Asie, etc.) afin que les émigrés maliens résident dans ces pays bénéficient des avantages et programmes sociaux que les citoyens de ces pays et qu’ils utilisent ces avantages sur un pied d’égalité, particulièrement en ce qui concerne (l’assurance contre le chômage, la vieillesse, le licenciement arbitraire, la retraite, etc.).
Le phénomène d’abus de la migration sous toutes ses formes dans les pays d’accueil doit être remédié (dans les conditions de travail, les heures de travail, les salaires, le travail et l’abus de l’enfant et de la femme dans le trafic et la prostitution, etc.). Pour cela, les pays de l’Union Africaine de commun accord avec les d’Union Européenne et d’autres pays d’accueil à travers le monde doivent à l’accord des Nations Unies conclu le 18 décembre 1993 pour la protection des droits des émigrés et de leurs familles, afin d’obtenir le maximum de facilités mutuelles en concluant des accords bilatéraux et multilatéraux, entre les pays d’accueil et les pays d’origine en tenant compte du fait que, tôt ou tard, les pays chercheront des solutions aux problèmes de l’immigration illégale et un compromis pour l’émigration illégale: des mesures plus efficace de protection, d’une part, des mesures permettant aux migrant de jouer un rôle crucial dans le processus de construction et de développement durable dans les pays d’accueil, d’autre part.
Les pays africains doivent confirmer l’importance du respect et de l’appui à l’identité culturelle et religieuse, en particulier pour les migrants africains en vue de réaliser une intégration plus poussée dans les pays d’accueil, car le respect de la dignité et de l’identité des migrants contribue efficacement à la stabilité et au développement durable. Il est évident que les restrictions, le renseignement et les enquêtes de sécurité produisent des effets négatifs sur la coopération et la coordination en ce qui concerne l’immigration (légale et illégale) entre les parties au processus (les pays d’origine, de transit et d’accueil), il faut garantir que le migrant ait un type de travail et un salaire décents et qu’il jouisse de la liberté d’association, de participation à la vie civile et d’intégration dans les pays d’accueil. L’intégration réussie peut être réalisée par le fait que les pays d’accueil reconnaissent l’importance du respect de la valeur de la diversité culturelle, sociale et religieuse des émigrés, dans son sens large en élaborant des règles juridiques pour réaliser l’égalité des traitement et éliminer la discrimination par la mise en place de mécanismes permettant de contrôler et sanctionner les pratiques raciales, car les statistique et les recherches du Bureau International du Travail (B.I.T) prouvent que le racisme représente la principale cause du taux élevé du chômage chez les migrants.
Pour conclure, l’intégration d’une manière appropriée, des migrants légaux dans les pays d’accueil peut être réalisée en adoptant une série de mesures qui incluent le respect de la dignité et de l’identité des migrants et l’obtention du maximum de facilité.
Conclusion:
Le phénomène migratoire comme susmentionné un peu plus haut, n’est ni l’apanage (être seul à jouir) d’un pays particulier, ni l’apanage d’une civilisation particulière. Elle fait partie de la nature humaine. C’est un phénomène donc universel. Toutes les nations du monde l’ont connu et continuent à le connaître à des degrés divers selon les époques et les circonstances. Les questions de migrations et de mobilités, de façon générale, constituent donc l’une des principales questions urgentes et d’intérêt public de notre temps, l’un des principaux défis du millénaire.
Il ne se passe plus un jour, sans qu’on ne voie sur les chaînes de télévision d‘information en continu des images de candidats à l’immigration clandestine morts de faim et de soif ou simplement noyés ou «abattus» sur les routes migratoires avant d‘atteindre leurs destinations.
Des images insoutenables donnent l’impression que l’émigration serait un crime et les candidats à de l’immigration sont des criminels qui débarquent en Europe ou ailleurs pour voler le pain, les emplois et semer l’insécurité et le désordre. Ce scandale fait partie des programmes d’ajustement structurel, dans les subventions à l’agriculture (les cotonculteurs américains ont reçu environ un milliard de dollars de subvention en 2004 et 2005 selon OXFAM. Au même moment les producteurs africains ont perdu 50 millions de dollars et se sont appauvris davantage non pas parce qu’ils ont moins travaillé, mais parce que la loi du plus fort continue de prévaloir), de la mal gouvernance de nos Etats, la pauvreté ambiante, le manque de perspectives et de débouchés, le chômage, le bas niveau des salaires, les conflits armés, la perspective d‘une plus grande sécurité et d’une plus grande liberté politique.
Ce scandale est dans les effets pervers de la globalisation et de la mondialisation, dans les médias. L‘ampleur, l’importance et le regain d’actualité du fait migratoire dans le monde entier commandent aux pays concernés par la question, de faire de la migration, un thème prioritaire de leur politique de développement. En plus des raisons endogènes, ci-dessus évoquées, cette priorisation est devenue nécessaire et urgente particulièrement en ce moment où un nombre croissant de pays développés articulent des politiques visant à empêcher les flux migratoire en provenance des pays en développement, et commencent même à conditionner la coopération au développement aux efforts entrepris par ces pays pour lutter contre l’émigration ou l’immigration clandestine.
Le phénomène migratoire étant quasi planétaire et difficilement compréhensible, une plus grande concertation, de cohérence et de coopération s’avère nécessaire, d’une part, entre les pays concernés par le phénomène quelqu’en soit leurs statuts (pays de départ, de transit, ou de destination) et d’autre part, entre ces pays et les organisations internationales s’occupant de la question comme l’Union Africaine, l’Union Européenne, les Nations Unies et l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).
Par ailleurs, le Mali sur le plan bilatéral et multilatéral, de nombreuses pistes déjà en voie d’exploitation, ont été renforcées comme :
- Le co-développement qui est un puissant instrument de coopération pour le développement;
- La gestion efficace des flux financiers.
- La forte implication de la diaspora scientifique, technique, économique, culturelle et artistique dans les processus de développement de leurs pays d’origine.
- Le renforcement de la coopération décentralisée ainsi que l’intégration régionale en Afrique.
- La création de pôle d’excellence pour faire face à la fuite de cerveaux.
- La lutte sans merci contre les filières clandestines et mafieuses de l’immigration.
- L’inclusion des questions migratoires dans les documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DRSP).
- Le renforcement de la coopération en matière de migration circulaire et de migration de la main d’œuvre.
- La protection des droits des migrants.
- Une vaste campagne d’information, de sensibilisation à l’échelle locale, régionale, continentale et internationale sur la migration et ses différents impacts.
Les plus hautes autorités de notre pays ont toujours combattus avec la dernière rigueur l’émigration clandestine sois toutes ces formes, et soutenir les citoyens, les organisations internationales et les pays d’accueil par rapport à l’émigration légale. Enfin, la prévention et la lutte contre la migration irrégulière et ses réseaux mafieux doivent aller de pair avec la promotion des possibilités de migration régulière. Le tout sécuritaire n’est pas la solution, de la même façon que le tout humanitaire n’est pas réa1iste, la solution se trouve dans son point d’application dans la combinaison intelligente des deux: sécuritaire et humanitaire.
Source: mediapart