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Le Mali d’IBK: fusion des pouvoirs

L’élection du président de l’Assemblée nationale de la Rue-publique du Mali, le très très honorable Moussa Timbiné, ce 11 mai 2020, au CICB, a porté un coup au principe de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) inhérent à toute démocratie. Mais que faire ? Puisque faire gagner Timbiné, c’était avant tout préserver le système et ses intérêts contre le vent du changement.

 

Ainsi, tel un loup dans la bergerie, la panique semble s’emparer d’un pouvoir qui a promis ciel et terre à sa population. Pour l’instant, les observateurs ne finissent toujours pas de trouver le qualificatif juste de l’attitude d’un président de la République qui a désormais du mal à faire la différence entre la gestion des affaires familiales et celle de son pays. En imposant son homme au perchoir contre la volonté du bureau politique du parti majoritaire et de tout un peuple, IBK tord le cou à la démocratie et à la loi de son pays. Quelle indépendance, quelle liberté d’esprit peut-on attendre du président d’une telle institution ? La séparation des pouvoirs consacrée par la loi fondamentale de notre pays et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948 et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 Juin 1981, relève-t-elle de vains mots ?

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » (Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789).

En effet, la démocratie, c’est depuis Montesquieu, la séparation des pouvoirs : le pouvoir doit arrêter le pouvoir. En français facile, il faut que les pouvoirs d’État soient séparés.

Aussi, élaborée par Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755), la théorie de la séparation des pouvoirs vise à séparer les différentes fonctions de l’État, afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines.

La séparation des pouvoirs est un principe, une théorie, qui préconise que les trois grandes fonctions de l’État (le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire) soient chacune exercée par un organe ou une instance différente :

•le pouvoir législatif, dévolu aux assemblées représentatives, édicte les règles,

•le pouvoir exécutif, détenu par le gouvernement, exécute les règles,

•le pouvoir judiciaire, assuré par les juridictions, règle les litiges.

Le contrôle que chacun des trois pouvoirs exerce sur les autres est censé préserver les citoyens des atteintes à ses droits fondamentaux.

La séparation des pouvoirs est appliquée dans la plupart des États démocratiques modernes.

Pour Montesquieu, dans une République, il faut nécessairement distinguer :

•une fonction exécutive détenue par le monarque,

•une fonction législative exercée par les représentants du peuple et les représentants de l’aristocratie,

•une fonction judiciaire sans pouvoir liberticide, chargée d’appliquer la loi et qui n’est pas dévolue à un corps social déterminé.

Pour lui, l’attribution de ces fonctions à trois parties distinctes de l’État est un moyen de garantir la liberté des citoyens, contrairement à la monarchie absolue où le roi détient l’ensemble des pouvoirs. L’équilibre entre les pouvoirs est assuré par la capacité que doit avoir chacun d’eux d’agir et d’empêcher, ce qui les contraint à la collaboration et au contrôle mutuel, réduisant ainsi le risque d’abus de part et d’autre.

« Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » (L’Esprit des lois)

Comment cela se passe dans notre Maliba battant pavillon RPM ?

Ici, le président de la République, qui ne doit son élection à personne, détient son pouvoir d’Allah Soubahana Wat’Allah et il ne cesse de marteler : « HASBOUNALLAHOU WA NIMAL WAKIL.. » (Allah nous suffit ; Il est notre meilleur garant, verset 173 de la sourate 3 appelé la Famille d’Imran) ! Incarnation donc de Dieu sur terre, le président régent de la République et pourvoit aux autres pouvoirs.

Il nommait déjà les hauts magistrats de la République (Cour suprême et cour constitutionnelle).

Bien que l’article 81 de notre loi fondamentale dispose que « le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif », et qu’il « est gardien des libertés définies par la présente la Constitution. », « les membres de la Cour Suprême sont nommés par décret pris en Conseil des ministres » (article 47 de la Constitution).

Et cerise sur le gâteau : l’article 91 de la Constitution précise que « les neuf membres de la Cour Constitutionnelle sont désignés comme suite :

– trois nommés par le Président de la République, dont au moins deux juristes ;

– trois nommés par le Président de l’Assemblée nationale dont au moins deux juristes ;

– trois Magistrats désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature ».

Quid du pouvoir législatif ?

Le pouvoir législatif au Mali est incarné par l’Assemblée nationale. Au début de la mandature, son président est élu selon le règlement intérieur de la précédente législature. Il stipule en son article 9 : ‘’au cours de la première séance de la législature, le Bureau d’âge invite l’Assemblée nationale à procéder à l’élection de son Président.

Les candidatures sont communiquées au Secrétariat Général de l’Assemblée nationale, ou au Présidium provisoire par les Directions des Partis, par les groupes politiques de députés, des regroupements politiques ou par tout Député avant l’ouverture du scrutin.

Avant l’ouverture du scrutin, les candidats ou les groupes politiques de députés peuvent demander une suspension de séance pour se concerter’’.

Ainsi, bien que théoriquement élu par ses pairs lors de la première session du parlement, aujourd’hui c’est le président de l’Assemblée nationale lui-même, le très honorable Moussa Timbiné, qui avoue sans vergogne républicaine que lui doit sa nomination au président de la République qu’il considère comme son père et qu’il entend présider l’institution républicaine suivant ses directives. ‘’C’est le lieu, très sincèrement de remercier le Président de la République qui est un père pour moi. Comme je l’ai dit, depuis que mon père est décédé, c’était une des rares fois où j’ai senti quelqu’un remplacer mon père. Aujourd’hui, le Président de la République vient de prouver de plus, après la nomination du Premier ministre, après la nomination de plusieurs ministres jeunes, après la loi du Genre qui a aussi promu beaucoup de jeunes femmes à l’Assemblée nationale, qu’il est au service de la jeunesse, qu’au cœur de son combat il a placé la jeunesse », a déclaré le président élu de la nouvelle Assemblée.

Faut-il en rire ou en pleurer ? En tout cas, après bientôt 30 ans de pouvoir démocratique, c’est plus qu’une confusion de pouvoir, c’est une fusion de pouvoirs, des trois pouvoirs d’Etat entre les mains d’une seule et unique personne : IBK ! Les autres sont des ornements, pardon des oripeaux de son pouvoir presque divin !

Qui du gouvernement ?

Ailleurs, comme dans notre cas, le chef du gouvernement n’a aucune légitimité politique autre que le décret qui le nomme, son gouvernement qui est donc composé d’obligés et de faire-valoir est dans l’agenouillement et dans l’aplatissement le plus affligeant que le Mali ait connu. Les Chefs de partis et responsables politiques qui y sont dans le renoncement et dans les reniements de tous les principes démocratiques et de toutes les valeurs qui fondent et cimentent l’engagement politique. Il est dès lors logique dans cette situation d’assujettissement républicaine et d’omerta démocratique que personne ne révèle la situation ubuesque dans laquelle se trouve le secrétaire général du parti présidentiel. Même la respectable Cour constitutionnelle !

D’inélégante et gênante, la situation de Me Baber Gano est devenu depuis anticonstitutionnelle. Or, si on peut torturer le fait majoritaire et la vérité ; le texte constitutionnel est et reste intangible.

« -Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à l’échelle nationale ou locale, de tout emploi public ou de toute activité professionnelle et lucrative.

Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tel mandat, fonctions ou emplois.

Le remplacement des membres du Parlement appelés au Gouvernement a lieu conformément aux dispositions de l’article 63 » (article 58 de la Constitution du 25 février 1992).

« -Une loi organique fixe le nombre des membres de l’Assemblée nationale, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.

La loi organique détermine aussi les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance de siège, le remplacement des Députés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale » (article 63 de la Constitution du 25 février 1992).

Pas toujours d’accord avec les coups de gueule de l’ancien ministre de la Justice, Me Konaté, mais on peut lui donner acte quand il tweete ce mercredi : «le système politique du régime avec IBK a cadenassé les institutions, pris le contrôle de l’administration et de la production, installé des sous-fifres aux postes clés, domestiqué les sans-cœur à coup de billets de banque et anéanti la justice… ».

Par Sidi DAO

INFO-MATIN

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