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Le Mali, de la décadence à la prospérité ?

Les mutations socio-structurelles, économiques et environnementales de très long terme ainsi que la recrudescence des tensions sociopolitiques et sécuritaires multiformes autour du Mali ont fini par l’atteindre pour enfin le transformer en un des grands épicentres des grands bouleversements actuellement en cours dans le monde. Et pourtant, le Mali « fut quand certains n’étaient », bien qu’il eût connu des périodes fastes et de ruptures dans son histoire, de la période médiévale aux périodes plus contemporaines caractérisées par la colonisation et les indépendances, le multipartisme et la récente période de grands chaos qui affectent durablement les fondements de nombre de pays dans le monde, dont le Mali.

Le Mali en crise

Le Mali est reconnu pour avoir abrité plusieurs grands empires et avoir connu des périodes d’abondance, marquées par l’apogée de l’empire du Mali au XIVème siècle et consacrant de fait le 10ème roi de l’époque « Mansa Moussa » comme l’homme le plus riche du monde de tous les temps grâce à une fortune qui serait à ce jour inestimée (Mohamud, 2019 qui cite British Museum). A cette époque, les réserves d’or du Mali auraient représenté près de la moitié des réserves d’or mondiales, faisant du Mali l’une des régions les plus prospères au monde. A cette période, l’essentiel de l’or de l’Europe provenait de ce grand empire. Bien que contesté par certains historiens, le Mali est également reconnu pour avoir institué au XIIIème siècle l’une des premières chartes des Droits de l’Homme au monde, appelée la Charte du Mandé ou Kurukan Fuga, inscrite en 2009 par l’Unesco sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Comme tout empire médiéval, l’inéluctable chute de cet empire fut prononcée entre le XV et le XVIème siècle. Les différentes transmutations qui ont suivi sa chute, prenant la forme de nouveaux empires de tailles plus modestes et la multiplication de royaumes, ont permis d’observer que le Mali, sous des formes diverses, parvenait à se relever à chaque fois qu’il subissait une crise profonde, démontrant ainsi une certaine résilience quasiment inégalée dans cette région du monde.

Cependant, la dernière crise en date, la plus aigüe et diffuse jamais observée depuis la période des indépendances menace sévèrement l’intégrité territoriale du Mali contemporain, qui se dirige inéluctablement vers de nouvelles formes d’organisation et d’administration. Cette crise qui dure depuis 2012, avec ses conséquences économiques et humanitaires de longue durée, est pernicieuse et sa fin ne semble point se poindre à l’horizon.  Ses conséquences sont dévastatrices : l’insécurité généralisée dans les parties Nord et Centre du pays, la perte en vie humaine de milliers de personnes, militaires comme civiles, le déplacement de millions de personnes, l’absence et le départ de l’Etat et ses milliers de fonctionnaires de nombreuses localités où pullulent les groupes armés avec des trafics de tous genres (humains, armes, drogues, …), la destruction des nombreuses infrastructures socioéconomiques de base, la fermeture des écoles, l’insécurité alimentaire grandissante, avec leur corolaire de flux migratoires. Pour ne rien arranger, l’apparition récente de la pandémie liée au COVID-19 vient exacerber ces difficultés socio-sécuritaires en en rajoutant à l’indigence d’une partie de la population.

Et pourtant, à la suite des évènements de mars 1991 ayant conduit au renversement du régime militaire, le Mali était devenu un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest et ce pendant presque deux décennies. Vu comme un havre de stabilité, cela s’est traduit par un afflux de dons et de prêts concessionnels de la part de la communauté internationale permettant d’enclencher une nouvelle dynamique de croissance et de développement. Ceci a eu pour conséquence une amélioration non négligeable du cadre de vie, ce dans de nombreuses strates de la vie socioéconomique. Même s’il a semblé bénéficier aux non-pauvres (Gunther et al., 2006), la pauvreté monétaire a fortement baissé, passant de 71,6% en 1996 à 55,6% en 2001 et de 47,4% en 2006 à 43,6% en 2010 selon la ligne de pauvreté de 165 431 CFA en 2010 (Gunther et al. 2006 ; FMI, 2011).

En revanche, depuis 2012, la rébellion armée au Nord et le coup d’Etat au Sud ont porté un coup dur à la démocratie et à la dynamique de développement au Mali. S’il est évident, à court terme, que cette crise multidimensionnelle n’a pas eu un impact significativement négatif sur l’économie– voir les commentaires de différents partenaires comme la Banque mondiale (2013)[1], force est de constater aujourd’hui qu’avec la multiplication des foyers de violence et leur expansion géographique, les indicateurs sociaux commencent à connaitre un certain recul. L’incidence de la pauvreté semble repartir de nouveau à la hausse, aussi bien dans les régions affectées par les crises que dans les grandes villes du Sud et de l’Ouest du pays. Les objectifs de taux de croissance et par habitant souhaité ne sont plus réellement atteints – heureusement que les activités dans les domaines agricoles et aurifères sont là pour limiter la chute –, l’indice du développement humain qui progressait ces dernières années a également pris un coup, les secteurs de l’éducation – le taux brut de scolarisation primaire a baissé de presque de 10 points de % entre 2012 et 2018– et de la santé étant toujours en crise. Ce contexte favorise naturellement une hausse des inégalités économiques et spatiales et questionne le modèle social en matière de création d’opportunités viables et de redistribution de la richesse. Il est aujourd’hui exacerbé par une autre dynamique en ce qui concerne l’orientation politique du budget national.

A l’instar de la dilapidation des maigres ressources du pays – plusieurs affaires dénoncées depuis 2013 par le bureau du vérificateur général – les efforts des dernières années sont focalisés sur la gestion de la problématique sécuritaire qui tend à concentrer environ 22% du budget national. Ainsi, des ressources plus limitées sont dédiées aux dépenses liées aux services sociaux de base et aux investissements pour le développement. La crise a également eu tendance à dissuader les investisseurs étrangers. Les investissements directs étrangers dans le pays sont devenus encore plus limités et plus instables (CNUCED (2019).


Facteurs de long terme explicatifs d’une telle décadence du Mali

Plusieurs facteurs – dont la complexité s’avère parfois lointaine – semblent participer à cette chute. Si au sortir du système colonial, la paix et la stabilité constituaient deux des principaux enjeux auxquels les pays africains devaient faire face en raison de leur histoire politique et institutionnelle (Gazibo, 2010), les pays comme le Mali, se cherchant des partenaires crédibles afin d’amorcer une dynamique de développement pour leur peuple et leur jeune Etat, ont été rapidement confrontés à de nombreuses difficultés. Ces difficultés portent entre autres sur la fragilité de la relation avec l’ancienne métropole et avec certains pays de la sous-région comme le Sénégal avec l’abandon de la fédération du Mali dès 1960, la question monétaire, le coup d’Etat de 1968, les sécheresses, les dévaluations successives des monnaies, les crises alimentaires, les crises économiques. Certaines de ces difficultés trouvent leur origine dans la mondialisation de l’économie en marche depuis au moins deux millénaires (Attali, 2012). Les soubresauts de cette mondialisation marquée par la période coloniale qui avaient souhaité une organisation territoriale différente du Mali sur la base d’une meilleure emprise sur les ressources minières, en particulier celles des parties Nord du Mali constituent une des raisons principales dont on ne peut ignorer les effets dans cette décadence en cours. Cette colonisation a remodelé les fondements des sociétés africaines, avec la création de nouveaux États, de microEtats, redéfinissant les enjeux de pouvoir, réorientant les formes économiques, et cristallisant de nouveaux intérêts (Gazibo, 2010).  Elle a donné lieu à l’installation d’élites parfois de convenance, aux coups d’Etat, aux crises économiques, aux programmes d’ajustement structurel. La rareté et la quête de ressources au niveau mondial ont renforcé la géopolitisation de cette mondialisation par l’imposition de conflits armés, créant le désordre dans une optique de captation des ressources du sous-sol, ce dans un contexte généralisé de vulnérabilité climatique. La multiplication des sources de conflits au Mali est caractéristique de ce positionnement stratégique et de guerre économique à la fois entre acteurs locaux et entre certains pays occidentaux. Bien qu’échappant à la volonté capacitaire de l’Etat, qui en ressort d’ailleurs affaibli, cette mondialisation n’a pas pour l’instant permis une véritable aliénation de l’économie et du peuple, ceci grâce à une certaine résilience de l’intelligence des femmes et des hommes maliens.

La complexité de ce contexte aussi changeant qu’évolutif semble également échoir à la faiblesse interne de l’Etat qui, depuis les indépendances, n’a pas su prévenir les crises successives par la mise en place d’institutions crédibles, comme garde-fous, capables non seulement d’orienter efficacement les comportements des agents économiques, mais aussi de juguler assez rapidement les effets néfastes des crises lorsqu’elles sont apparues. Les vrais enjeux de l’organisation institutionnelle et politique du pays, liés à l’état de droit et aux droits de propriété ont fini par être détournés de leur substance, guidés par les logiques d’intérêts individuels fortement mis en cause dans la trajectoire erratique et de décadence au Mali. Du fait des rentes politiques, ces logiques à relents extractifs ont constitué des blocages importants à la transformation institutionnelle du pays limitant de fait des initiatives privées locales, nationales et de la diaspora. Elles profitent à des élites préoccupées davantage par leur position et les gains qu’elles peuvent soutirer de différents projets. Plus concrètement, l’allocation des ressources a donné lieu à de la mauvaise gouvernance, à des comportements de prédation et de captation par des groupes particuliers. Le transfert de ces ressources s’est avéré et s’avère essentiel à leur survie ainsi qu’à la reproduction de ce système de prédation. La prise de conscience dans certaines localités et par certains groupes a conduit à une forme de compétition pour ces ressources rares ancrées localement, participant de fait à créer des crises et à générer de formations institutionnelles spécifiques faites de jeux de conflits et de ruses (Hugon, 2014).

Si durant la période des grands empires avec les formes d’organisation et de fonctionnement qui leur sont propres, la création et la redistribution de la richesse au sein de la collectivité, souvent confrontées à des tensions, suivaient une certaine logique qui fut d’ailleurs marquée par la Charte du Mandé, la période récente depuis les indépendances, surtout après le coût d’Etat de novembre 1968, semble finalement se caractériser par une faible inclusivité des niveaux de croissance économique et par des politiques sociales de redistribution peu lisibles. La faible diversification de l’économie malienne, caractérisée par sa forte dépendance à l’égard de deux principales matières premières (coton et or) n’a pas non plus facilité de changements économiques majeurs en capacité de réduire significativement la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie d’une population sans cesse grandissante. Synonyme d’une lente transformation économique, elle est également le résultat à la fois d’une capacité institutionnelle et redistributive limitée et du peu d’attrait accordé à la planification stratégique au niveau des politiques publiques. Ce qui contraste d’ailleurs avec la volonté des premiers responsables de l’ère démocratique au Mali qui ont commandé en 1999 « l’Etude nationale prospective Mali 2025 » qui précise les grands axes stratégiques de développement économique et social du Mali par l’identification de 4 tendances probables (PRM, 1999). L’insuffisance de discernement de certains hommes a rendu certaines institutions peu fonctionnelles, devenues parfois la caisse de résonnance de groupes particuliers donnant ainsi raison à la « loi d’airain de l’oligarchie », qui suggère que toute organisation, aussi démocratique soit-elle au départ, tend vers l’oligarchie, ou plutôt dans le contexte du Mali, vers la mona-oligarchie. Des élites font tout pour que des institutions ne fonctionnent pas convenablement mais œuvrent à asseoir leur pouvoir, limitant de fait les opportunités et autres possibilités que pourrait se prévaloir de larges pans de la population. Ce qui rend presqu’impossible à la fois l’avènement de la bonne gouvernance et la satisfaction des besoins de la collectivité.  N’ayant pas toujours l’intérêt commun comme but ultime, les institutions manipulées se perpétuent (Acemoglu et Robinson, 2012 ; Banerjee et Duflo, 2012). Mauvaises pour la justice sociale et pour la performance économique, leur réforme s’avère plus qu’essentielle pour la survie et le devenir du Mali.

Des leviers pour adresser les défis globaux auxquels le pays est confronté

Les défis auxquels le Mali est confronté aujourd’hui sont multiples, à la fois endogènes et exogènes. Il est ainsi indispensable de trouver une réponse stratégique et systémique à travers une révolution sociale démocratique. Les solutions, à la fois si loin et si près, sont entre les mains du peuple. Si loin, elles sont à puiser dans l’histoire, l’organisation sociale et économique des anciens empires, la référence par exemple à la Charte de Mandé et bien d’autres chartes locales, régionales moins médiatisées pour en tirer les substances. Elles constituent des mines d’or pour faire régner de nouveau le mieux-vivre ensemble. Si près, elles devraient s’inscrire dans les visions promues par les premiers responsables du pays. Ces références au passé doivent être associées aux leçons apprises des trois décennies d’une démocratie aussi bancale que peu représentative finalement d’une conscience collective et individuelle du bien-être et du peuple au Mali.

Il s’agit là d’identifier des leviers socio-culturels et économiques, en partie admis, pour certains, comme déterminants dans la décadence du Mali, et pour d’autres, comme facteurs clés ayant constitué de variables instrumentales dans les périodes fastes, pour une nouvelle dynamique de développement plus inclusif. Ces leviers devront servir de base à la production d’un nouveau contrat social et politique. Ce contrat doit se fonder sur une approche dynamique d’instauration d’un équilibre entre le local et le national, entre les pouvoirs et entre anciens et jeunes dans la gestion des institutions sociales. Il est devenu indéniable de créer, dans la pratique, plus de proximité entre les institutions et le peuple au niveau local voire communautaire de façon que sa participation active soit une réalité. La prise de conscience des jeunes[2] actuellement se révèle source d’espoir. Aussi bien ceux qui s’intéressent à la chose politique – en intégrant des partis politiques par exemple – que ceux s’étant inscrits dans une dynamique renouvelée de la société civile, tous semblent s’engager dans une perspective de long terme indispensable à l’émergence d’un nouveau modèle social en capacité de promouvoir des institutions fortes et incitatives (North, 1997).

La viabilité à long terme du modèle économique et social au Mali doit fondamentalement reposer sur la justice sociale, ciment de la légitimité et de l’autorité. Lorsqu’elle est comprise et intégrée par le peuple et les institutions, car traduite dans les faits, elle devient collective et partagée. Elle marque le début de la légitimité et l’autorité au niveau local et national voire vis-à-vis de l’extérieur par la défense des intérêts liés aux acquis institutionnels, collectifs et individuels. Les institutions, et en particulier le Chef de l’Etat, première institution du pays, seront défendues becs et ongles par le peuple, quelles que soient les agressions extérieures. Si par exemple, depuis sa prise de fonction, bien qu’il y ait eu des discours forts, une partie des deniers publics avaient été alloués sans intrigue (légitimité interne), ce malgré certaines pressions extérieures (légitimité externe), le peuple ne pouvait que se reconnaitre en son Chef et le soutenir, car il n’ignore pas les contraintes extérieures auxquelles son premier Représentant est toujours confronté et les contradictions permanentes que ce dernier est censé apprécier et gérer quotidiennement.

Le chef de l’Etat doit rester impliqué. Son exemplarité est gage d’adhésion collective, de développement et de prospérité. La première institution doit préserver sa propre intégrité[3] et celle de la collectivité. Dans cette perspective, le nouveau modèle social devrait s’appuyer sur des hommes reconnus intègres à la tête des institutions politiques et économiques fortes. Aussi, il est important de maintenir une distance entre liberté politique et civique et liberté économique, de façon qu’elles ne s’affaiblissent pas. Ce modèle à promouvoir – gestion démocratique et participation publique – doit conduire les responsables des institutions à rendre systématiquement compte au peuple, comme c’est le cas au Rwanda. Il doit promouvoir des compétences individuelles et collectives reconnues, surmonter toutes les formes de non-libertés qui restreignent les choix des agents et réduisent leurs possibilités d’agir (Sen, 2003). La fragilité actuelle de l’Etat malien fait qu’il est incapable aujourd’hui d’assurer ces libertés minimales à l’ensemble de la collectivité.

En cela, l’une des premières formes de cette non-liberté, caractéristique des difficultés actuelles des institutions, réside dans l’insouciance et l’incapacité à assurer l’instruction à tous les enfants de la nation, amalgamée entre grèves corporatistes intempestives et absence de vraies réponses institutionnelles depuis plusieurs décennies, comme si cela était fait sciemment et animé d’une perspective politico-calculatrice.  Dénier la liberté de s’instruire est l’une des plus fortes manières de maintenir la population dans une situation de servitude systématique et systémique. Cette volonté, peut-être inconsciente, n’honore ni ceux qui s’y prêtent, ni ceux qui en subissent, faute de moyens démocratiques appropriés pour en conjurer. L’avenir du pays se trouve ainsi hypothéqué à cause de ce système qui limite l’émergence d’une masse critique de personnes bien formées et légitimes en capacité d’assurer la relève.

En parallèle aux autres réformes politiques institutionnelles fondamentales, la diffusion de l’éducation et de la formation citoyenne de qualité systémique est un des principaux leviers essentiels dans cette nouvelle dynamique tant recherchée. Elle accroit les possibilités individuelles et collectives d’insertion économique et de participation publique. Elle encourage les initiatives visant à combattre les privations et promeut la prospérité partagée. Une véritable réforme dans ce secteur, ancrée sur une logique de planification stratégique, doit être une action prioritaire. Pour la conduite de ces réformes, il est indispensable de mettre en place une équipe de réformateurs constitués de nationaux et de maliens de la diaspora ayant de véritables compétences et expériences dans les systèmes éducatifs performants dans le monde. Parmi d’autres, à travers de vraies réflexions sur les besoins réels et futurs du pays et dans le but d’assurer une meilleure adéquation entre l’offre et la demande, le Mali doit créer des pôles d’éducation et de formation d’excellence de classe mondiale de qualité dans chaque région du pays. En fournissant tous les fonds nécessaires au déroulement des cursus académiques, rendre l’école obligatoire pour tous les enfants âgés de 6 à 16 ans. L’Etat doit réformer les parcours de l’enseignement supérieur de façon à doter les diplômés de compétences techniques modernes. Cela doit être accompagné de la mise en place d’un système de partenariat avec le monde professionnel, en particulier le secteur privé afin de faciliter très tôt l’intégration des futurs diplômés dans le monde du travail– à travers des dispositifs concertés de contrats d’alternance et de stage. S’appuyant sur les leçons tirées, il est indispensable d’orienter également les étudiants de la classe de terminale vers l’enseignement technique et la formation professionnelle. Les besoins en mains d’œuvre et de service de qualité dans le secteur des bâtiments et travaux publics, les transports modernes, le secteur agricole, les nouvelles technologies etc. doivent être transformés en des programmes de formation technique « rapide » et de qualité pour permettre aux jeunes de s’insérer dans le monde du travail et d’acquérir une première expérience professionnelle. Des exemples de systèmes éducatifs et de formation professionnelle en lien avec les secteurs productifs sont à explorer (Canada, Corée du Sud, France, Grande-Bretagne, Ile Maurice).

Ces réformes sont à réaliser avec la participation active des secteurs d’activités économiques afin de tenir compte de leurs besoins. Les leviers économiques existent et sont nombreux. La principale motivation doit être de créer les conditions d’une croissance beaucoup plus inclusive.  Trois principaux objectifs doivent animer cette volonté : (i) créer de nouveaux champions nationaux dans des domaines stratégiques, au moins 1 par région (ii) développer les régions pour réduire les disparités régionales et (iii) Définir clairement de nouveaux mécanismes de redistribution de la richesse intra et inter-régionale au profit la collectivité.

Compte tenu du potentiel du Mali, le renforcement de la dynamique de modernisation en cours du secteur agricole et la transformation agro-industrielle sont à encourager et à amplifier de façon à assurer une véritable articulation et interdépendance sectorielle tout en permettant le développement de services de qualité autour de ces secteurs. En fonction des potentialités de chaque région, créer et accélérer l’émergence de pôles régionaux de compétitivité autour du triptyque – agriculture, industrie, service. Il faudra renforcer au sein de ces pôles l’entrepreneuriat des jeunes dans les domaines stratégiques liés à la digitalisation et à l’utilisation des nouvelles technologies, qui vont aider à soutenir ces secteurs et ces pôles.

Les efforts des dernières années à travers l’agence pour la promotion des investissements (API-Mali) sont à soutenir pour accompagner ces dynamiques de réformes. Les moyens dédiés à l’API doivent être augmentés de façon à faciliter sa présence dans les dix régions du Mali en accord avec les collectivités territoriales, pour être un des acteurs clés catalyseurs dans l’émergence des pôles régionaux de compétitivité. Des mesures incitatives d’établissement des acteurs – femmes, hommes et jeunes – doivent être promues. Ces acteurs doivent être techniquement et financièrement prêts pour s’intégrer dans les projets de création de pôles régionaux. A défaut, pour une question d’économie d’échelle, en particulier pour les jeunes, il faudrait les exhorter à se constituer en groupes afin d’atteindre un certain niveau de capital technique et financier éligible pour pouvoir bénéficier des facilités d’installation de l’Etat.Avec un plan de sortie prévisionnel, les mesures consisteront àsubventionner en partie les coûts de démarrage et de fonctionnement et à exonérer fiscalement ces acteurs sur une période raisonnable, avec bien sûr des contreparties intelligibles. Des mécanismes innovants de financement pour soutenir des investissements de haute qualité sous diverses formes sont indispensables. La création de fonds spéciaux stratégiques gérées avec rigueur sera nécessaire. Les mesures à externalités positives, comme la réalisation d’infrastructures essentielles, déjà en cours – routes, construction de bâtiments industriels et autres bureaux, énergie, eau, télécommunication et internet – doivent être assurées pour accroitre l’appétence des acteurs à prendre part aux pôles régionaux et à y développer des activités.

En résumé, bien qu’affaibli aujourd’hui, le Mali dispose de nombreux leviers que le peuple peut se prévaloir afin de lancer d’indispensables réformes institutionnelles, politiques et économiques. Les solutions légitimes sont à disposition pour un nouveau cycle de prospérité. Il devrait toutefois se rappeler du nécessaire examen cyclique de ses institutions, car l’habitude crée ses propres travers, en ce sens que les institutions dites crédibles aujourd’hui peuvent devenir perverses plus tard. Dans une perspective prospectiviste, cet examen périodique doit être mené pour le bien de tous et les indicateurs déclencheurs de cet examen doivent être clairement définis.

Financial Afrik

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