La République du Mali est incontestablement l’héritière la plus emblématique des grands empires du Ouagadou, du Ghana et du Mandé. On parle abondamment des grands hommes qui ont fait son histoire, notamment de Kankou Moussa, sur la foi des écrits d’Ibn Khaldoun au 14ème siècle. Modibo KÉITA a dignement repris le flambeau en 1960 avant que la descente aux enfers commence avec le coup d’Etat de 1968.
Au début des années 1990, on a légitimement cru à une embellie, mais depuis plus de trente ans, les fruits trahissent la promesse des fleurs de mars 1991. Il a fallu attendre plus d’un demi-siècle après la chute de son régime pour voir triompher la vision et les idéaux du président Modibo KÉITA. Certes, tous les lionceaux ne deviennent pas des lions, mais comme l’a dit Seydou Badian « de la racine à la feuille, la sève monte et ne s’arrête pas ». Bon sang ne saurait mentir.
La politique d’expansion de l’Occident dans le Sahel a trouvé un terreau fertile au Mali dont tout le nord était en état de quasi abandon, l’armée ayant été démantelée pour laisser les coudées franches à des régimes politiques corrompus. En faisant sauter la digue libyenne, la voie était ouverte à la déstabilisation des pays du Sahel. La rébellion dans le septentrion est un phénomène ancien et connu qui reste une tache sombre. Son réveil et son exacerbation dans les années 1990 s’expliquent essentiellement par la mauvaise gestion des ressources publiques et la vénalité des hommes politiques. C’est pourquoi, ceux qui ont pris les armes seront toujours moins coupables que les dirigeants qui ont choisi la corruption plutôt que le développement pour régler la question du nord. Les anciens dirigeants sont donc complètement disqualifiés et la réaction de certains d’entre eux face au projet de constitution n’est qu’un pis-aller, une tentative vaine de condamnés à mort dont l’exécution est programmée.
Quelle leçon le Peuple malien devrait-il tirer de son histoire politique contemporaine ? La plus importante est que le leadership vrai est qualitativement transformationnel au contraire du leadership emprunté ou usurpé qui ne provoque que déperdition et ruine des âmes. En effet, aucun pays ne peut s’affirmer libre et souverain sans une force de dissuasion capable de protéger son territoire et ses richesses, afin de garantir son développement économique. Il est regrettable que deux générations de Maliens aient été sacrifiées avant que surgisse au sein de la dernière pourtant promise à un esclavage certain, une jeunesse consciente et patriote. Dès lors, on comprend pourquoi dans leur immense majorité, les maliens ne veulent plus sentir les hommes politiques qui les ont conduits au purgatoire, tout comme ils rejettent l’ancienne puissance coloniale et son projet funeste de déstabilisation du pays pour faire main basse sur ses richesses. Les bourreaux de tout bord sont aujourd’hui condamnés à faire profil bas et à raser les murs. Le salaire du péché, c’est la mort.
Le monde actuel a été conçu et bâti par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Mais si l’OTAN n’arrive pas soumettre la Russie en Ukraine, la suprématie américaine s’en retrouverait contestée et il faudra bien rebattre les cartes, étant entendu que la paix se négocie toujours aux conditions du vainqueur. De toutes les guerres conduites par l’Occident pour défendre la démocratie et les droits de l’homme en Amérique Latine, en Asie, en Afrique et en Europe, laquelle a apporté la paix, la démocratie et le développement ? Aucune. Donc, c’est la raison du plus fort, celle de l’Occident qui a prévalu sur le droit et les dommages restent incommensurables pour les pays du Tiers Monde qui ont été pillés et ruinés. L’alliance de la Russie et de la Chine dans le cadre des BRICS va accentuer la « désoccidentalisation » de nombreux pays. Un tel cas de figure annonce des jours sombres pour les maîtres d’hier dont les pays ne seront plus à l’abri des perturbations sociales et de l’instabilité. Un simple retour du bâton.
« Donnez-moi un point d’appui et un levier, je soulèverai la Terre », a dit Archimède. L’histoire s’est accélérée parce que de mai 2021 à ce jour, le Colonel Assismi GOÏTA a imprimé à la vie publique un rythme jamais connu depuis Modibo KÉITA, en faisant de l’armée une fierté nationale et en définissant clairement les grands principes devant désormais sous-tendre l’action publique. En bon stratège militaire, il a fait le choix du parapluie russe qui a permis de bloquer les velléités néocoloniales de l’Occident, pendant que l’armée réhabilitée peut faire face à toute menace interne et même sous régionale. Les terroristes malmenés et laminés ne savent plus à quel démon se vouer. La panique a gagné les potentats locaux et étrangers qui considèrent le Mali comme leur chasse gardée. La jeunesse interpellée s’est constituée en point d’appui solide permettant à Assimi de trouver les bons leviers, choisir les meilleurs partenaires.
Les autorités de la Transition ont placé le curseur à un niveau tel que toute la vieille garde politique se trouve désorientée et disqualifiée, créant du coup un immense appel d’air et un défi énorme pour la jeune génération. Saura-t-elle y répondre ? Ceux des Anciens qui l’ont compris accompagnent le processus de sortie de crise. Les autres continuent dans l’esbroufe, en ignorant que le rêve de grandeur se matérialise pour le Mali qui joue désormais dans la cour des grands. Comment soutenir le rythme de la compétition avec les jeunes chevaux qui sont en train d’imposer à la course une cadence infernale ? Quand la calvitie visite une contrée dont les Anciens ont tourné le dos à la sagesse, elle s’installe chez les jeunes.
Mahamadou Camara
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Source : Info Matin