Le Mali vit une heure critique, un moment crucial de son histoire contemporaine. Le guide spirituel de la puissante confrerie des hamallistes (elle a des adeptes sur toute l’étendue de la république et dans nombre de pays voisins voire au delà) et l’imam Mahmoud Dicko, pour qui l’islam et la politique sont les deux facettes d’une même réalité, appellent les Maliens à sortir massivement, ce vendredi après la prière, pour une marche qui devrait impressionner par son ampleur. Tous les commerces du Centreville de Bamako, tous les lieux d’activité économique en général sont conviés à baisser rideau et leurs promoteurs et personnels à se joindre à la marche.
Des partis et coalitions politiques d’opposition ont déjà passé le mot d’ordre à leurs troupes : elles doivent rallier les marcheurs. Les enseignants en grève depuis plusieurs semaines et de nombreux autres secteurs sociaux mécontents d’être les laissés-pour-compte de la politique gouvernementale n’ont pas besoin d’être sollicités pour grossir les rangs des marcheurs. Ils y viendront spontanément. Sans compter les chômeurs, ceux qui rampent au bas de l’échelle sociale, ceux qui désespèrent au quotidien à joindre les deux bouts, à rattraper les modiques 2 000 FCFA de dépense journalière pour nourrir et entretenir une famille trop nombreuse. C’est tout ce monde qui sera dans la rue, chaque composante ayant sa motivation spécifique.
Mais les initiateurs de la marche ont leur propre idée qui parait bien éloignée des préoccupations prosaïques ci-dessus évoquées. Si les proches de l’imam doublé de fervent militant politique répètent à l’envie que ce n’est pas un message que le président IBK « va entendre » mais » une situation qu’il va constater » le chérif Bouyé Haïdara est crédité de s’être exprimé sur un registre dramatique faisant craindre le pire. A ses ouailles, il aurait lancé : » Pour la marche de (ce) vendredi, ne craignez rien. Si vous mourrez, nous-mêmes le seront dès le lendemain samedi sauf si nous obtenons ce pour lequel vous avez perdu la vie« .
La manifestation devant se dérouler en violation de l’arrêté d’interdiction des manifestations publiques sur certains lieux et itinéraires pris par le Gouverneur de Bamako en décembre 2018, il est aisé d’imaginer ce qui peut en découler : une violence aux conséquences incalculables dans l’état de frilosité où se trouve le pouvoir dans un environnement de surchauffe sociale et de dégradation sécuritaire rarement observé par le passé.
Saouti Haïdara
Source: l’Indépendant