Le gouvernement de Transition au Mali a mandaté le Haut conseil islamique (HCI) à engager des négociations avec les chefs terroristes Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghaly, afin de stabiliser le pays en proie aux attaques d’extrémistes dans plusieurs régions dans le Centre et le Nord.
Même si le gouvernement n’a pas communiqué officiellement sur la question, le secrétaire général du HCI, Dr Mamadou Diamoutani, confirme l’information. Selon lui, le HCI a été contacté par le gouvernement, à travers le ministre des Affaires religieuses, du Culte et des Coutumes, pour mener ces négociations.
Le dialogue avec les chefs terroristes maliens, Amadou Kouffa et Iyad Ag Ghaly, est l’une des recommandations fortes de la Conférence d’entente nationale en 2017, du Dialogue national inclusif en 2019 et des Journées de concertation nationale sur la Transition en 2020. Cette option, exprimée au cours de ces différentes assises nationales, découle de cette volonté populaire
Dans le Plan d’action du premier gouvernement de Transition dirigé par le Premier ministre Moctar Ouane, le quatrième axe portait sur la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité sociale. En vue d’assurer la stabilité et la paix sociale, le gouvernement prévoyait l’organisation de missions de bons offices dans le cadre de la relance du dialogue avec les groupes radicaux maliens.
Dans un rapport publié le 28 mai 2019, International Crisis Group a, aussi, souligné que pour sortir de l’impasse, le dialogue, avec les terroristes et leurs soutiens, doit être une option à prendre très au sérieux par les autorités maliennes. Le groupe de recherche préconisait de dialoguer avec Amadou Koufa, le chef de la Katiba Macina qui sème la terreur au «Centre» du pays, avec tous ceux qui ont des griefs contre l’État et qui les expriment en soutenant les terroristes ».
Tout comme ces chercheurs, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a parlé, il y a quelques mois, d’établir un dialogue avec certains groupes extrémistes. Également, le commissaire de l’Union africaine à la paix et à la sécurité, Smaïl Chergui, dans une tribune, a appelé à « explorer le dialogue avec les extrémistes » au Sahel pour faire taire les armes, en tirant le bilan de huit années d’intervention étrangère et en faisant le parallèle avec l’Afghanistan.
Fin décembre 2020, la France, qui était fermement opposée à tout dialogue avec les groupes terroristes opérant au Sahel, a également fléchi sa position. La ministre française des Armées, Florence Parly, au cours d’une audition devant la commission défense de l’Assemblée nationale française, a déclaré que des négociations sont possibles mais pas avec n’importe qui.
Sur la question du dialogue, Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires stratégiques au Sahel (CE3S), souligne qu’il y a des lignes rouges à ne pas franchir : le caractère laïc de l’État et sa forme républicaine. Selon le chercheur, il faut organiser une sorte de confrontation entre les terroristes qui se battent au nom de l’islam et des gens bien préparés pour ce dialogue sur la base du Coran.
De son côté, Ibrahim Maïga, analyste sur les questions de paix et de sécurité au Sahel, estime que cette annonce concrétise la première tentative de dialogue assumée par le haut. Pour M. Maïga, jusque-là, le dialogue avec ces groupes a essentiellement consisté en des échanges par le bas.
Le spécialiste pense, toutefois, que plusieurs aspects dans cette démarche poussent à un optimisme prudent. « En premier lieu, dit-il, le choix du HCI en lieu et place d’une commission de dialogue élargie, comprenant en son sein un ensemble d’expertises pourrait s’avérer peu productif car le prisme religieux peut être réducteur et trompeur ».
Il estime aussi que le dialogue n’est pas une panacée. Selon lui, s’il (le dialogue) est déconnecté des autres modes d’action ou d’intervention, il risque d’engranger des résultats à la fois limités et mitigés.
DD/MD
Source : (AMAP)