Malgré ses étoiles toutes neuves de général de corps d’armée, Amadou Haya Sanogo ne sera pas invité à la cérémonie d’investiture du nouveau chef de l’Etat. Pourquoi ?
Il fait un temps à ne pas mettre un général de corps d’armée dehors ! Depuis son élévation stratosphérique en grade, Amadou Haya Sanogo n’a plus la paix. Certes, il a des raisons de fêter un grade qui lui fait sauter, comme au championnat olympique, 7 échelons d’un coup; mais, au fil des jours, le cadeau que lui a fait le président de la Transition, le très rusé Dioncounda Traoré, paraît empoisonné. Si Sanogo a l’idée de soumettre ledit cadeau à son vieil ami médecin, Oumar Mariko, on y découvrirait peut-être du cyanure, le poison le plus virulent de la terre.
Voyez-vous, tout se passe comme si on avait dit au grand général de Kati: « Tiens, voilà ton gâteau; maintenant, barre-toi! ». En clair, on reconnaît, en haut lieu, le mérite de celui qui a débarrassé le pays du « Vieux Commando »; on le récompense par un grade (qui ne se mange pas d’ailleurs) puis on lui demande de se faire tout petit dans le paysage. Quand il a voulu fêter publiquement son grade à Bamako, quelqu’un de haut placé l’en a dissuadé; il a donc été obligé d’aller faire sa fête à Ségou, une localité moins peuplée.
En vérité, Ladji Bourama, le nouveau maître du pays, n’a pas la patience du pape, pardon !, de Dioncounda, ni la capacité d’effacement de Django Cissoko. Si ces deux-là ont pu supporter, sans broncher, les sorties médiatiques inopinées et les décisions unilatérales de Sanogo, Ladji Bourama entend bien, lui, reprendre le pouvoir en main. Pas le partager avec une junte. Il ne s’en est pas caché lorsqu’il a confié à nos confrères de Jeune Afrique qu’il ne serait pas un« président fantoche » et qu’il n’y aurait pas deux capitaines dans son bateau. Ladji Bourama peut se permettre cette logique d’autorité: il est élu démocratiquement alors que Dioncounda, après un intérim constitutionnel de 40 jours, doit le reste de son mandat présidentiel à un décret de la CEDEAO.
Or donc, les préparatifs vont bon train pour l’investiture officielle de Ladji Bourama dans ses nouvelles fonctions. La Cour constitutionnelle, après avoir déclaré bon et valable le scrutin du 11 août, a fixé la date du 4 septembre pour l’investiture du nouvel élu. Les organisateurs de la cérémonie d’investiture, éparpillées entre Koulouba, la Primature, les ministères et l’entourage de Ladji Bourama, mettent les bouchées doubles, voire triples, pour la tenue de l’audience solennelle de la Cour suprême qui doit recueillir le serment de Ladji Bourama de servir loyalement la nation, tant au moyen de la carotte que du bâton. Une interrogation s’est vite posée aux organisateurs: faut-il inviter le général de corps d’armée Amadou Haya Sanogo, ci-devant chef de la junte militaire de l’année 2012 ? La question finit par être tranchée dans le vif : ce sera non. Les raisons de cette mise à l’écart du Sanogo national ? Selon des indiscrétions tombées dans nos oreilles, les hautes personnalités étrangères invitées à l’investiture ont fait savoir, sans prendre de gants diplomatiques, qu’ils n’entreraient pas dans la même salle que l’ancien chef putschiste. On leur a beau expliquer que la junte n’existe plus et que le général ne gère plus que ses galons étoilés, les invités n’ont rien voulu entendre : pas de Sanogo dans la salle ! Du coup, il a fallu choisir entre la présence de Sanogo et celle des illustres hôtes étrangers. Choix pas très compliqué: si les Maliens mangent trois fois par jour, c’est grâce à l’aide étrangère et sans cette aide, la Cour suprême aurait depuis longtemps investi à Koulouba, non Ladji Bourama, mais plutôt…Iyad Ag Ghali !
Que Sanogo ne soit pas de la fête arrange d’ailleurs du beau monde. En effet, depuis la nuit des temps, le compatriote galonné se déplace à bord d’un convoi à la Charles Taylor : une demi-douzaine de véhicules 4X4 hérissés de mitrailleuses avec, à la clé, des soldats à la gâchette facile. Imaginez que François Hollande ou Ladji Bourama lui-même, en entrant dans la salle du CICB où se tient la cérémonie, tombe nez à nez sur cette armada digne de Baghdad! Et puis, s’il devait participer à la cérémonie, où installerait-on Sanogo ? A côté des généraux ou dans la loge réservée aux anciens chefs d’Etat ? Dans le second cas, s’il faut respecter la chronologie des règnes, Sanogo sera assis tout près du fauteuil du « Vieux Commando »! Vous parlez de joyeuses retrouvailles ! A l’occasion, les deux anciens présidents, l’un exilé à Dakar, l’autre exilé interne, pourront discuter des aléas de la politique qui, sans vous prévenir, vous ôte le gâteau de la bouche !
Tiékorobani
Source: Le Procès Verbal