15 000. D’après Foot Solidaire, c’est le nombre de jeunes joueurs issus des dix principaux pays d’Afrique de l’Ouest qui émigrent chaque année pour évoluer dans les meilleurs championnats. Si pour certains, cette première étape vers la reconnaissance tant escomptée se passe sans embûches, pour d’autres, victimes d’agents peu scrupuleux, le rêve vire au cauchemar, les jeunes se retrouvant parfois laissés à l’abandon en Europe.
C’est pour lutter contre ces drames humains que l’association Foot Solidaire a vu le jour en 2000 sous l’impulsion notamment de l’ancien international camerounais, Jean-Claude Mbvoumin. Après la publication d’un guide à destination des footballeurs en herbe en début d’année, l’association organise ce lundi et mardi à Dakar une grande conférence intitulée “Ensemble pour la protection des jeunes joueurs africains”. En présence notamment de Claude Le Roy (recordman du nombre de CAN disputées comme sélectionneur), Aliou Cissé (sélectionneur du Sénégal), Jérôme Champagne (candidat à la présidence de la FIFA) et Ousmane Dabo (ancien international français), deux jours de débats sont au programme.
“Traite négrière des temps modernes“
“La traite des jeunes footballeurs est simplement un aspect de la traite négrière des temps modernes“, a condamné Augustin Senghor, le président de la Fédération sénégalaise, dans des termes très durs. “La traite des jeunes footballeurs est un phénomène mondial qui mine l’Afrique et qui a pris une telle ampleur qu’il faut une réaction solidaire“, ajoute-t-il, alors que l’âge moyen du premier transfert s’élève à 18,6 ans seulement pour les joueurs africains contre 22,3 par exemple pour leurs homologues sud-américains.
Pour le dirigeant sénégalais, la libéralisation du marché des agents, qui permet à n’importe qui ou presque de devenir intermédiaire, n’a rien arrangé. “Il y a des clubs unipersonnels, créés uniquement pour pouvoir légaliser en quelque sorte certains mouvements de transferts. Nous avons ainsi bloqué plus de 100 demandes de clubs de ce genre qui ne participent pas à développer le football“, dénonce-t-il. “Voilà la réalité du monde d’aujourd’hui. Il y a toute une série de personnes qui essayent de gagner un petit quelque chose en faisant ce genre de trafic. Ce n’est pas une réalité propre au football. Le monde est injuste. Sous couvert de liberté, on tolère beaucoup de choses qu’on ne devrait pas tolérer“, a abondé Jérôme Champagne.
“Que notre football serve le continent !“
Le candidat à la présidence de la FIFA pointe également du doigt le règlement de l’instance dirigeante du ballon rond, qui interdit en théorie le transfert des joueurs mineurs vers l’étranger. Mais des failles existent. “On a eu un amendement à côté du principe d’interdiction de transfert de mineur qui porte sur la présence de la famille et c’est cette disposition qui est à l’origine de tous les abus“, regrette-t-il. Les règlements permettent en effet un transfert du mineur vers l’étranger sous réserve que les parents du joueur aient déjà prévu d’émigrer dans ce pays pour une raison autre que le football.
Parmi les intervenants, un consensus se dégage pour combattre les dérives : la mise en place de championnats de jeunes (Foot Solidaire estime à 1,5 million le nombre de pensionnaires de centres de formation sur le continent) et le passage à “un professionnalisme à l’africaine“, dixit Claude Le Roy. “Une base de salaire de 650 000 FCFA (environ 990 euros) permettrait de fixer les gamins sur ce continent“, assure l’ancien sélectionneur des deux Congo. “C’est un problème d’appropriation de nos ressources. Il faut se battre pour que notre football puisse servir le continent africain“, conclut Fadel Barro du mouvement “Y’en a marre”. On l’aura compris, le problème du transfert des joueurs mineurs dépasse le simple cadre du football.
Source: Afrik