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Le FMI et la Banque mondiale décideront-ils de fournir de l’argent moins cher à l’Afrique ?

À Marrakech, les économies les plus riches montreront si elles prennent au sérieux les effets dévastateurs de la crise climatique sur les pays en développement. Ou si elles veulent continuer à se replier sur elles-mêmes.

Le FMI et la Banque mondiale sont de retour en Afrique après une pause de 50 ans pour tenir leurs réunions annuelles à Marrakech, la ville ocre du Maroc encore sous le choc du tremblement de terre de septembre qui a fait plus de 3 000 morts.

Le gouvernement marocain a passé outre le débat sur l’impéritie des fonctionnaires locaux pour accueillir une grande conférence internationale, avec 10 000 délégués, en prétextant que ce serait un gain net pour le Maroc et pour l’Afrique. Si la réunion peut briser l’inertie de la campagne en faveur de la réforme du système financier international, c’est un bon pari. Toutefois, au vu des résultats actuels, la tâche s’annonce ardue.

Pression migratoire

Les conditions politiques, économiques et géographiques du Maroc devraient au moins permettre aux délégués de mieux comprendre les pressions migratoires massives qui s’exercent sur l’Afrique : plus de 90 % des migrants africains restent sur le continent, et le Maroc est une destination privilégiée.

Pas seulement parce qu’il s’agit d’un point de départ pour traverser la Méditerranée, mais aussi parce que les salaires et les possibilités d’emploi y sont meilleurs que dans de nombreux États voisins du Maghreb. Le Maroc teste le modèle économique de marché du FMI et de la Banque mondiale jusqu’à ses limites : le gouvernement a ramené l’inflation à moins de 6 % au milieu de l’année, l’un des taux les plus bas de la région, et a réduit le taux de chômage à moins de 16 %.

Pourtant, les Marocains continuent de protester contre les problèmes d’emploi et de coût de la vie. Le pays possède l’une des économies les plus diversifiées de la région, mais les taux de croissance réels ont eu du mal à remonter à 3 % cette année, niveau auquel les économistes du FMI estiment qu’ils se maintiendront au cours des trois prochaines années.

Fers de lance

Comme c’est le cas dans la plupart des économies du continent, le manque de capitaux à long terme à des taux abordables freine l’expansion.

LES INVESTISSEMENTS DANS LES PROJETS VERTS RESTENT EN DEÇÀ DES NIVEAUX D’AVANT LA PANDÉMIE

Jusqu’à sa récente rupture avec le gouvernement du président Emmanuel Macron, le Maroc était une destination d’investissement privilégiée pour les entreprises françaises. Il est également l’un des leaders du continent en matière d’énergie renouvelable, établissant des fermes solaires pour exporter de l’électricité à travers la Méditerranée. Les entreprises européennes affirment qu’elles privilégieraient le Maroc pour des projets verts, mais les investissements restent en deçà des niveaux d’avant la pandémie.

Le Maroc, le Kenya, l’Afrique du Sud et l’Égypte sont présentés comme les fers de lance de l’Afrique en matière d’énergies renouvelables, mais il convient de rappeler que les Pays-Bas, pays tempéré, attirent toujours plus d’investissements dans les parcs solaires et éoliens que l’ensemble des 55 économies africaines réunies.

Autant d’éléments qui vont dans le sens des appels à la réforme de la finance internationale lancés par d’éminents économistes africains tels que Carlos Lopes, envoyé spécial de l’UA, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, et Mia Mottley, Premier ministre de la Barbade.

Lopes, Adesina et Mottley réclament une utilisation plus productive de la monnaie de réserve du FMI, les droits de tirage spéciaux (DTS). Cela pourrait inclure une allocation spéciale de 100 milliards de dollars de DTS aux économies africaines afin d’atténuer les pressions sur les liquidités alors que les pays tentent de se remettre de la récession pandémique.

Suspendre la surtaxe

Parmi les autres propositions du programme de réforme de l’Afrique qui seront évoquées lors des réunions de Marrakech figure une révision complète du système des quotes-parts du FMI, c’est-à-dire l’attribution de participations et de droits de vote qui déterminent le poids d’un pays au sein de l’institution.

Cela devrait aller de pair avec un « examen critique du cadre actuel de la dette », affirme Lopes, qui n’aide guère les pays à s’adapter au changement climatique dans le cadre d’un développement durable.

LES ÉCONOMIES AFRICAINES ONT PAYÉ 56 MILLIARDS DE DOLLARS SUPPLÉMENTAIRES AU TITRE DU SERVICE DE LA DETTE

Le FMI pourrait également suspendre sa surtaxe, censée décourager l’utilisation prolongée des fonds du FMI, mais qui, dans la pratique, est discriminatoire à l’égard des pays les plus pauvres. Carlos Lopes ajoute que le FMI et la Banque mondiale devraient rationaliser l’accès aux nouveaux fonds climatiques, en facilitant l’accès des pays africains à ces fonds et en leur donnant plus de poids dans l’allocation des fonds.

Capital exigible

L’autre grande réforme financière qui devrait être au cœur des discussions à Marrakech la semaine prochaine concerne le coût de l’emprunt pour les économies africaines. Selon son économiste en chef, David McNair, la campagne One estime que les pays africains paient une prime de 500 % sur leurs emprunts sur les marchés financiers par rapport aux taux qui pourraient être obtenus auprès de la Banque mondiale.

Il estime que cette différence revient à dire que les économies africaines ont payé 56 milliards de dollars supplémentaires au titre du service de la dette pour les prêts contractés au cours des cinq dernières années. Cela fait également partie du programme de réforme du G20 pour le FMI et la Banque mondiale. Il cherche à tripler la puissance de feu financière de ces institutions ainsi que des banques régionales de développement.

L’un des moyens d’y parvenir rapidement, en levant jusqu’à 190 milliards de dollars, consisterait à incorporer du « capital exigible » dans les cadres d’adéquation des fonds propres des banques de développement. Le « capital exigible » est une garantie qui engage les plus grandes économies à intervenir si les banques de développement sont en difficulté. C’est là que la question de la volonté politique se pose.

Il s’agit de savoir si les économies les plus riches prennent au sérieux la crise climatique et ses effets dévastateurs sur les économies politiques des pays en développement, ou si elles veulent continuer à se replier sur elles-mêmes. Ce qui se passera à Marrakech devrait donner une idée plus claire de la volonté de réformer les mastodontes financiers de la planète.

jeuneafrique

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