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L’avenir politique au Mali : Le respect d’une certaine logique

Dans ces législatives, la constance tactique a payé et le flou du positionnement pénalisé.

Assemble Nationale

Après l’exception, la (relative) déception. L’on se doutait qu’en toute logique il n’y aurait rien de comparable entre la dernière présidentielle et les récentes législatives, la différence se situant aussi bien au niveau de la dimension des enjeux qu’à celui de la clarté des oppositions et surtout de la mobilisation populaire. N’empêche que sur ce dernier point le retour au réel n’a pas manqué d’être plutôt rude. Autant la première consultation avait bien auguré pour le citoyen lambda de l’espoir d’une proche renaissance, autant les secondes ont ressuscité les faiblesses coutumières du fait politique. La principale et certainement la plus préjudiciable de celles-ci est d’avoir inspiré à une très grande majorité de nos compatriotes soit l’indifférence, soit la méfiance. Certains tempèreront certainement la sévérité quasi générale du jugement porté sur le taux de participation en soulignant que celui-ci reste tout de même un peu plus élevé que celui des législatives de 2002 et de 2007.

 

 

On se limitera à faire remarquer aux partisans du verre à moitié plein que les progrès considérables apportés à l’organisation matérielle depuis le premier tour de la présidentielle auraient dû attirer un flux beaucoup plus important de votants pour peu que la motivation des citoyens n’ait pas autant laissé à désirer. En effet, grâce aux efforts déployés par le département chargé des élections, bien secondé par les observateurs nationaux qui ont notablement relevé leur réactivité et la qualité de leurs remarques, il n’a jamais été aussi facile d’accomplir son devoir civique au Mali. Même si certaines dispositions gagneraient à être mieux partagées par le personnel des bureaux de vote, on est bien loin de la course à obstacles à laquelle devait se plier naguère l’électeur déterminé à glisser son bulletin dans l’urne. Dans quel camp mettre alors la balle de la désaffection ? Logiquement dans celui des politiques et des aspirants à l’être. Le microcosme a échoué à réveiller notablement l’électorat et doit donc accepter qu’il lui reste encore un long chemin à parcourir dans la conquête de la crédibilité.

 

 

Il serait cependant inopportun de se lancer dans un réquisitoire sans nuances contre la classe politique. Il convient de reconnaître avant tout que la récente Transition n’a pas procédé à l’indispensable travail d’inventaire auquel elle aurait dû se livrer comme l’avait fait la Transition de 1991-1992 à travers le document sur « l’Etat de la nation » présenté à la Conférence nationale de juillet – août 1991. La lacune n’était pourtant pas dûe à un calendrier exceptionnellement serré ou encore au trop-plein de missions dont devaient s’acquitter les autorités intérimaires. Elle était plutôt liée à la profusion des calculs et des agendas cachés qui avaient constamment pollué la préparation de cet exercice d’analyse et de catharsis et qui ont compliqué sa tenue. Sachant qu’il parviendrait difficilement à faire accepter un ordre du jour consensuel, à canaliser la liste des participants, à obtenir des débats dépassionnés et constructifs et à aboutir à des résolutions raisonnables, le président Dioncounda Traoré s’est limité à annoncer ces assises avant de laisser péricliter l’initiative dans une indifférence quasi générale.

 

 

EN POSITION DE DEMANDEUR. Au final, il n’y a donc eu aucune réflexion sur les raisons du dépérissement de la qualité de notre démocratie, aucune proposition sur un fonctionnement plus dynamique de nos institutions, aucune remarque sur les erreurs de comportement des élites politiques et leur rupture d’avec les réalités du pays profond. S’il avait été effectué, ce travail de mise à plat n’aurait sans doute pas amené un bouleversement complet dans nos pratiques politiques. Mais il aurait neutralisé par un utile exercice d’autocritique une partie des préventions du grand public et aurait offert au personnel politique l’opportunité d’un ressenti plus exact des attentes citoyennes. Rien de ceci n’étant survenu, les candidats à la députation ont donc sorti chacun sa propre boussole pour s’orienter dans la nouvelle conjoncture. La plupart d’entre eux se sont limité à transposer les anciennes méthodes sur des discours nouveaux. Et beaucoup sont tombés dans un travers pénalisant pour leur image, la multiplication des listes que la vox populi a décrété comme étant « contre nature ».

 

 

Ainsi que nous le relevions dans une précédente chronique, les rapprochements inédits qui se sont effectués entre compétiteurs (la notion d’adversaires ayant acquis une signification extrêmement relative) n’ont obéi qu’à un seul souci : trouver d’emblée la formule gagnante et de préférence avec le Rassemblement pour le Mali afin de bénéficier de l’effet IBK. Au final, seul le parti du Tisserand est sorti gagnant de cet embrouillamini. Car lui au moins avait un message unique, clair et invariable : garantir au président de la République une majorité qui permettrait à ce dernier de mettre à exécution son programme. Peu lui importait qui le rejoindrait pour ce faire puisque l’allié se présenterait de toute façon en position de demandeur. Le Rassemblement avait d’autant plus confiance en sa stratégie que dans plusieurs circonscriptions, il a pris le risque d’aller seul à la compétition alors que ses concurrents choisissaient la mini-coalition.

 

 

Avec leurs 59 députés (avant verdict de la Cour constitutionnelle), les Tisserands qui avaient pris le départ avec un contingent  de 11 députés font certes moins fort que le PASJ lors de la première législative du Mali démocratique en 1992, c’est à dire 76 députés sur les 117 que comptait l’Assemblée nationale. Ils en sont aussi à la moitié du chiffre atteint par le même PAJS en 1997 (128 sur 147 députés) dans un contexte absolument inhabituel marqué par le boycott de l’opposition et un « portage » assuré pour permettre l’élection des petits et moyens partis qui avaient accepté de participer aux législatives. Le parti présidentiel améliore cependant nettement son précédent meilleur score acquis en 2002 lorsqu’il entrait à l’Hémicycle avec 46 représentants à la tête d’une coalition Espoir 2002 qui comptait alors 66 députés.

 

 

Le PASJ fait le chemin inverse, ce qui n’est pas étonnant. Par contre, l’ampleur du recul qui a pris l’allure d’une vraie débâcle a surpris. En effet, malgré toutes les erreurs commises, les Rouges et blancs avaient jusqu’ici assez bien résisté au niveau de leur représentation parlementaire. Ils contrebalançaient ainsi le fait que depuis une décennie la marche présidentielle s’avérait trop haute pour eux en l’absence d’un leader naturel après la démission de Ibrahim B. Keita en 2000 et la prise de distance observée par Alpha Oumar Konaré. Depuis 2002, le PASJ ne pèse guère dans la plus prestigieuse des compétitions électorales faute de s’être retrouvé autour d’un candidat unique alors que la primaire avait désigné un porte-drapeau officiel (en 2002) ou de s’être trouvé un candidat de poids (en 2013). Le PASJ avait même choisi de s’abstenir à la présidentielle de 2007, ce qui constitue le comble du paradoxe pour un parti de gouvernement. Les Abeilles s’étaient donc donné comme unique consolation le fait d’être restés malgré tout une formation solidement dotée en termes d’élus nationaux et locaux.

 

 

DES TEMPS DÉLICATS S’ANNONCENT. Aujourd’hui, même cette étiquette ne vaut plus. Mais convient-il de vraiment s’en étonner lorsqu’on voit dans quels désordres le parti se fourvoie depuis plus d’une dizaine d’années ? Les primaires pour la candidature à la présidentielle sont gérées en dépit du bon sens, les congrès se transforment en psychodrames d’où sortent des directions hypertrophiées et les questions de stratégie politique s’éparpillent dans des prises de position contradictoires. Le fort déclin de la représentation parlementaire s’inscrit par conséquent dans une certaine logique des choses. Le PASJ qui a vu deux de ses vice-présidents (Soumeylou Boubèye Maïga et Sékou Diakité) démissionner après la désignation de Dramane Dembélé comme candidat officiel du parti à la présidentielle et qui a assisté au naufrage de ce dernier dans le désastre d’un score ridiculement bas n’a fait que poursuivre sa glissade vers le bas avec une réduction de plus de moitié de sa troupe de parlementaires et avec les revers essuyés à Ségou par son candidat à la présidentielle et à Goundam par l’un de ses vice-présidents.

 

 

Autre avanie à venir et que devront accepter les Rouges et blancs, la taille du groupe qu’ils vont certainement constituer à l’Assemblée les obligera à se montrer accommodants dans leur collaboration avec le RPM qui peut assez facilement faire sans eux l’appoint nécessaire à l’obtention de la majorité absolue. Des temps délicats s’annoncent donc pour le parti autrefois au pouvoir et qui paie aujourd’hui le désenchantement d’une base soumise à trop d’errements et à trop incohérences de la direction du parti pour garder encore toute sa fidélité à ses couleurs.

 

 

Troisième force parlementaire, l’URD a tant bien que mal limité les dégâts. Elle s’était clairement positionnée dans l’opposition, mais n’a pas pu se soustraire aux pressions venues du terrain et qui l’ont, elle également, amenée à d’étonnantes accointances, notamment à la constitution d’un ticket gagnant avec le RPM à Tènenkou. Mais le ton critique adopté dans toutes ses déclarations par son leader montre bien que Soumaïla Cissé s’en tient au choix rendu public au lendemain du deuxième tour de la présidentielle. Sa formation s’engage dans le pari de l’affirmation par la différence et prend date ainsi pour l’avenir.

 

 

L’URD n’est certes pas en situation de peser sur l’issue des débats à l’hémicycle. Mais elle exercera certainement à fond sa capacité de harcèlement ainsi que le firent le CNID entre 1992 et 1997 ainsi que le RPM et le groupe SADI-Parena entre 2007 et 2012. Qui l’accompagnera dans ce rôle ingrat ? Il est encore trop tôt pour le dire puisque les différentes composantes du Front pour la démocratie et la République (FDR) ont récupéré leur autonomie de décision. Mais il est important de souligner que la qualité du jeu parlementaire n’est pas fonction du rapport de force numérique majorité – opposition. Elle se définit véritablement sur la capacité des députés à remplir leurs missions parmi lesquelles le contrôle de l’action gouvernementale et l’obligation d’alerte sociale.

 

 

Concernant le second point, le parlement de la précédente législature s’était fait surprendre sur la proposition de loi sur l’abolition de la peine de mort ; avait vu la rue remettre en cause son adoption du Code du mariage et de la famille ; était pratiquement absent dans le débat sur l’impopulaire révision constitutionnelle ; et ne s’est alarmé que tardivement et timidement de la montée des périls au Nord du Mali. Or les citoyens n’ont pas la mémoire courte, surtout concernant des dossiers qui ont durablement et violemment agité l’opinion publique. Ils avaient certainement à l’esprit ces « absences » des députés sortants lorsqu’ils se sont abstenus de prendre le chemin des urnes lors des dernières législatives. Il reviendra donc au nouveau parlement de briser un préjudice défavorable tenace, mais qui ne manque pas de fondement.

 

 

La future Assemblée nationale pourra-t-elle s’approprier de sa part de renouveau et amorcer l’aggiornamento à son niveau? Les élections ont retiré à l’Hémicycle une bonne partie de sa mémoire (seulement 21 députés ont été reconduits) et de quelques-uns de ses plus actifs animateurs. Il reste donc à espérer que de bonnes surprises viendront des nouveaux arrivants. A qui il sera donné carte (presque) blanche pour affirmer la personnalité de l’institution. Une entreprise qui ne nécessite pas qu’on fasse la révolution, une implication vraie suffirait largement.

G. DRABO 

 

SOURCE: L’Essor

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