- BOUBACAR HAMADOUN MAIGA, PSCHIATRE AU CHU DE POINT-G
« L’autisme n’est pas une maladie mentale mais un handicap »
En Afrique aussi bien qu’au Mali, l’autisme demeure un handicap méconnu. Des explications du Dr. Boubacar Hamadoun Maïga, psychiatre au CHU du Point-G, il ressort que l’autisme est un trouble neuro-développemental qui réduit la capacité de l’enfant à communiquer et à interagir.
Les Echos : Pouvez-vous nous expliquer l’autisme selon la médecine ?
Dr. Maïga : En médecine, l’autisme est défini comme un trouble de développement se caractérisant par des problèmes de communication, de socialisation et souvent des comportements spécifiques chez l’enfant. Très souvent, la découverte de l’autisme se fait entre l’âge d’un an et trois ans.
Les Echos : Quels sont les différents types d’autisme ?
Dr. Maïga : Il existe plusieurs types d’autisme. Globalement, l’autisme est classé en fonction des atteintes neurologiques associées. En effet, les autistes sont classés en fonction du niveau de retard mental. Par exemple, on a les autistes de haut niveau intellectuel, les autistes avec le syndrome de rett, avec des malformations associées ; il y a aussi l’autisme d’Aspenger, ceux-ci sont des autistes qui ont un bon coefficient intellectuel, donc, qui peuvent faire des études très poussées.
Les Echos : Quels sont les symptômes de cette maladie ?
Dr. Maïga : Les symptômes de l’autisme sont nombreux. Mais, normalement, dès la naissance, on doit pouvoir les diagnostiquer chez l’enfant. Généralement, au Mali, le diagnostic de la maladie échappe aux parents. Il existe principalement trois symptômes de l’autisme, à savoir : le problème de communication, le problème de socialisation (c’est-à-dire que l’enfant a des difficultés à lire les émotions). À ces symptômes s’ajoutent souvent des situations spécifiques tels que les stéréotypies de mouvement, des gestes bizarres, les malformations et l’épilepsie.
Les Echos : L’autisme est-il une maladie grave chez l’enfant ?
Dr. Maïga : L’autisme n’est même pas considéré comme une maladie mentale mais comme un handicap. Depuis 1996, la France a classé l’autisme dans les handicaps. En effet, les autistes sont des personnes différentes mais pas inférieures. Ils ont une façon spécifique de communiquer et de vivre. Ce qui fait qu’un vrai autiste est incapable de lire les émotions faciales et ne peut même pas être en relation émotionnelle avec les autres. En plus, ils sont tellement sensibles qu’ils ne peuvent pas supporter beaucoup de monde. Ce qui les pousse à s’isoler parce qu’ils ne peuvent pas comprendre les émotions des autres.
Les Echos : Quid des causes de la maladie ?
Dr. Maïga : Les causes sont nombreuses. Dans la littérature, on note 4 autistes sur 10 000 naissances. Pour vous dire que c’est une maladie assez rare à laquelle les garçons sont les plus exposés. Au Mali, les autistes ne sont pas fréquents comme dans les autres pays. Pour revenir aux causes, il faut comprendre que jusque-là, on n’a pas eu de causes concrètes à l’autisme. Par contre, plusieurs hypothèses sont posées par les chercheurs. Avec ces hypothèses, on parle de plus en plus des causes neurobiologiques, des causes psycho-dynamiques, des causes génétiques, des causes immunologiques ; ici, on fait référence aux incompatibilités mère-enfant. Par exemple, quand une femme est enceinte avec un registre négatif et porte un enfant qui est de registre positif, il peut y avoir une incompatibilité entre les deux parties. Cette incompatibilité peut être source d’accidents chez l’enfant. En plus de ces différentes causes, on a les causes périnatales telles que la souffrance néonatale pendant les accouchements. Il y a aussi les causes infectieuses comme la rubéole, les infections, le VIH, pour ne citer que ceux-là. Toutes ces différentes causes citées ne sont que des hypothèses et des facteurs de risque. Mais, aucune d’entre elles n’est tout de suite ciblée. Comprenez juste que l’autisme est un problème dans le développement du cerveau. C’est un défaut de la maturation du cerveau représentant un handicap chez l’enfant.
Les Echos : Quelles peuvent être les conséquences de l’autisme sur la vie d’un enfant ?
Dr. Maïga : Quand les autistes ne sont pas accompagnés, ils seront handicapés. C’est pourquoi, leur prise en charge devient de plus en plus adaptée. Tout simplement parce que ce sont des personnes avec des besoins spécifiques auxquelles on doit tenir compte pour les aider. Vu que le langage verbal est très souvent absent, il est nécessaire de leur apprendre à communiquer. Parce que le vrai traitement de l’autisme, c’est apprendre à communiquer pour dépasser des situations difficiles en fonction de leurs spécificités.
Les Echos : Les hôpitaux maliens disposent-ils des moyens nécessaires pour la prise en charge des autistes ? Si oui, comment se fait cette prise en charge ?
Dr. Maïga : Malheureusement, les moyens manquent au niveau de nos hôpitaux. Comprenez que la prise en charge de l’autisme ne dépend pas seulement des médicaments. Les autistes sont des personnes qui vivent différemment, ce qui fait qu’ils ont besoin d’être aidés et orientés. Ils ont besoin des pédiatres, des psychiatres, des psychologues, des psychomotriciens, des orthophonistes qui les aident à prononcer les mots, et surtout des éducateurs spécialisés dans l’autisme. La prise en charge des autistes est institutionnelle. Chacun des spécialistes cités ci- dessus est indispensable dans la prise en charge d’un autiste ; malheureusement, il y a ce vide chez nous.
Les Echos : Arrive-t-il souvent que les autistes éprouvent des difficultés à poursuivre leurs cursus scolaires ?
Dr. Maïga : Généralement, les autistes n’ont pas les mêmes niveaux intellectuels. C’est pourquoi, il y a des difficultés à répondre à cette question. Par ailleurs, les autistes qui ont un coefficient intellectuel de 70 ou plus peuvent faire les études avec les autres. Ceux-ci sont les autistes de haut niveau. Même dans ce cas, vous verrez que la masse et le regard des autres les dérangent. Ils ont une façon particulière de parler, c’est pour tout cela qu’on prend en compte leur handicap pour mieux les aider.
Les Echos : Que pouvez-vous dire comme mot de la fin ?
Dr. Maïga : Je lance un cri du cœur concernant la mise en place d’associations d’aide aux autistes et parents d’autistes. Comme nous le savons, ce n’est pas facile de gérer un enfant autiste ; raison pour laquelle, je souhaite qu’il y ait une institution, dans certaines villes du Mali, uniquement pour le soin des autistes. Cela permettrait aux autistes de vite apprendre afin de ne plus être des enfants handicapés pour la famille et même pour la nation. Dans tous les pays développés, il y a un centre pour les autistes. En même temps, j’évoque de passage la prise en charge précoce des autistes. Aussi, il y a d’autres symptômes qui peuvent tromper. Par exemple, les enfants qui ne pleurent pas trop, qui ne réclament rien, les enfants qui ont le reflet de l’étranger, qui n’ont peur de rien ni personne, peuvent faire l’objet d’autisme. Un autre signe de la maladie est que les enfants autistes ne peuvent jamais regarder dans les yeux. À chaque fois qu’on les fixe, ils fuient le regard car ils ne peuvent pas capter les émotions.
Interview réalisée par
Siguéta Salimata Dembélé
Source: Les Échos- Mali