Dans l’attente d’un éventuel appel après leur acquittement pour crimes contre l’humanité, l’ancien président ivoirien ainsi que son coaccusé Charles Blé Goudé ont été accueillis par Bruxelles pour des raisons familiales.
L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l’humanité, est en liberté conditionnelle en Belgique, a annoncé la juridiction mardi 5 février. Ce choix de la Belgique est dicté par des raisons familiales, M. Gbagbo y ayant retrouvé son épouse et un enfant.
« M. Gbagbo est désormais en liberté conditionnelle en Belgique », a indiqué mardi soir une porte-parole de la cour. La mesure est provisoire, puisque l’acquittement prononcé le 15 janvier peut encore faire l’objet d’un appel.
Eviter une défection devant la cour d’appel
Reconnu non coupable de crimes contre l’humanité commis en 2010 et 2011 au cours des violences post-électorales en Côte d’Ivoire, et libéré vendredi 1er février sous conditions, M. Gbagbo, 73 ans, avait appris samedi que la Belgique acceptait de l’accueillir. Depuis lors, lui et son coaccusé Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes Patriotes dont la CPI a également décidé la libération, résidaient dans un lieu tenu secret.
Parmi les conditions édictées par les juges figurait l’obligation de résider dans un Etat membre de la CPI, en attendant un éventuel procès en appel. Les magistrats n’avaient pas précisé lequel, ni si l’ancien président pouvait retourner en Côte d’Ivoire, qui fait partie des Etats membres.
Une porte-parole des services belges de l’immigration, Dominique Ernould, a confirmé à l’AFP qu’un visa avait été octroyé à M. Gbagbo. « On a donné les instructions pour lui délivrer un visa de type C, qui est une autorisation de séjour pour quatre-vingt-dix jours, a-t-elle indiqué. Ce visa lui permettra d’aller s’enregistrer comme résident dans la commune belge qui l’accueille. » Une source belge a précisé que le renouvellement d’un tel visa était exceptionnel.
Sa première femme amnistiée après sept ans de prison
Samedi, le ministre belge des affaires étrangères, Didier Reynders, avait expliqué qu’accueillir M. Gbagbo était « une demande de la cour (…), tout simplement parce qu’il a de la famille en Belgique : sa deuxième épouse, un enfant à Bruxelles ». « Nous avons estimé qu’il était normal qu’il puisse séjourner pour sa libération conditionnelle(…) en Belgique dans des conditions strictes, avait-il ajouté. Il devra évidemment se présenter à tout moment à la [CPI] et il y aura une surveillance. »
Selon la presse belge, M. Gbagbo a épousé lors d’un mariage coutumier en 2001 Nady Bamba, 47 ans, avec laquelle il a eu un fils. L’ancienne première dame Simone Ehivet Gbagbo, 69 ans, est restée en Côte d’Ivoire. Malgré le mandat d’arrêt qui la vise, son pays ne l’a jamais livrée à la CPI. Elle y a néanmoins passé sept ans en prison avant d’être libérée en août grâce une amnistie présidentielle.
Climat politique tendu en Côte d’Ivoire
En détention depuis plus de sept ans, Laurent Gbagbo était jugé pour des crimes commis pendant la crise de 2010-2011, née de son refus de céder le pouvoir à son rival, l’actuel président ivoirien Alassane Ouattara. Les violences avaient fait plus de 3 000 morts en cinq mois. Il avait été arrêté en avril 2011 par les forces du président Ouattara, soutenues par l’ONU et la France. Il est le premier ancien chef d’Etat à avoir été remis directement à la CPI.
MM. Gbagbo et Blé Goudé étaient accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, pour lesquels ils ont toujours plaidé non coupable. L’acquittement de M. Gbagbo est intervenu à une période difficile en Côte d’Ivoire, à l’approche de la présidentielle de 2020 : Alassane Ouattara n’a pas dévoilé ses intentions et la coalition formée avec Henri Konan Bédié, son ancien allié contre Gbagbo, a explosé.
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