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L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba acquitté en appel par la CPI

En 2016, l’ancien chef de guerre avait été reconnu coupable par la Cour pénale internationale de « crimes contre l’humanité » et de « crimes de guerre » commis en Centrafrique.

Au mot « acquitté », les partisans de Jean-Pierre Bemba se sont levés comme un seul homme, donnant à la galerie publique de la Cour pénale internationale (CPI) les allures d’une tribune de stade. « La chambre d’appel annule la décision de culpabilité » prononcée en première instance contre Jean-Pierre Bemba, déclare la présidente, Christine Van Den Wyngaert, ce vendredi 8 juin. L’espace d’une seconde, l’épouse du « chairman », comme l’appellent ses partisans, disparaît sous les embrassades. Des députés venus expressément de Kinshasa applaudissent. Quelques sièges plus loin, en retrait, des victimes venues entendre le verdict final prononcé contre le fondateur du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), de sinistre mémoire en Centrafrique, pleurent à chaudes larmes, en silence.

Condamné pour non-action

En 2016, Jean-Pierre Bemba avait été condamné à 18 ans de prison pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis entre septembre 2002 et mars 2003 en Centrafrique. A l’époque, il avait envoyé ses miliciens du MLC soutenir le pouvoir vacillant d’Ange-Félix Patassé, menacé par la rébellion, finalement victorieuse, de François Bozizé. En première instance, la CPI l’avait reconnu coupable pour le seul fait de n’avoir ni puni, ni empêché, les meurtres, les viols et les pillages commis par ses soldats. Les magistrats avaient jugé que les actes posés par M. Bemba – la mise sur pied de commissions d’enquête – ne visaient qu’à rassurer la communauté internationale.

Lire aussi :   La CPI va-t-elle acquitter Jean-Pierre Bemba en appel ?

Mais pour la majorité des juges de la chambre d’appel, aucun élément ne prouve la mauvaise foi de Jean-Pierre Bemba. Il avait en outre des moyens limités pour punir, estiment trois des cinq juges, puisqu’il était « éloigné de ses troupes déployées à l’étranger ». A l’époque, le « chairman » faisait la navette entre l’Afrique du Sud, où se déroulaient des négociations de paix, et la République démocratique du Congo, pour s’assurer un poste de vice-président dans le gouvernement de transition.

« Grandes souffrances »

« L’arrêt rendu aujourd’hui ne réfute pas le fait que les troupes de M. Bemba ont commis des crimes qui ont causé de grandes souffrances en République centrafricaine », a commenté dans un courriel la procureure. « Le carnage provoqué par ces crimes et les souffrances engendrées étaient bien réels et ne sont aucunement remis en cause », a tenté de rassurer Fatou Bensouda. Plus de 5 200 victimes s’étaient portées parties civiles dans cette affaire. Karine Bonneau, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), qui, en 2005, avait porté l’affaire sur le bureau du procureur de la CPI, fustige un verdict qui « est une insulte aux milliers de victimes de l’armée qu’il équipait, dirigeait et envoyait semer la désolation en Centrafrique ».

La guerre de 2002-2003 en Centrafrique a fait des milliers de morts, et nombre de survivants ont connu des campagnes massives de viols, souvent collectifs et publics. Les épaules comme lestées par le poids du verdict, le directeur du fonds dédié aux victimes, Pieter de Baan, explique qu’« il y aura un programme d’assistance, en dépit de l’acquittement » de Monsieur Bemba. Depuis des années, la Cour tentait de traquer la fortune du fils de Jeannot Bemba, le patron des patrons de RDC et gestionnaire financier de Mobutu, en prévision d’une condamnation à payer des réparations. Malgré « un système opaque » de sociétés écrans, expliquait-on au greffe, la Cour avait obtenu le gel de plusieurs comptes bancaires en Belgique, en RDC, au Cap-Vert et ailleurs, et saisi sa maison du Portugal.

Elections à venir

En sortant du bâtiment flambant neuf flanqué sur des dunes de la mer du Nord, un opposant au pouvoir de Kinshasa rêve d’une justice en forme de revanche et se réjouit de penser que Joseph « Kabila sera bientôt ici ! ». Exilé en Europe, Jean-Pierre Bemba avait, lui, été arrêté à Bruxelles en mai 2008. Le procureur avait demandé un mandat d’arrêt en urgence, craignant qu’il quitte la Belgique. L’ex vice-président était alors pressenti pour un poste à Kinshasa, censé lui offrir l’immunité et un tremplin vers la présidentielle. Mais trop tard ! Et c’est donc depuis sa cellule qu’il tente, en 2011, de se portercandidat, demandant sans succès aux juges l’autorisation de faire un aller-retour à Kinshasa, dans son propre avion ! Sera-t-il présent pour l’échéance du 23 décembre ? Son avocat, Peter Haynes, assure ne rien connaître des intentions de son client. Lire aussi : Jean-Pierre Bemba face à la CPI : le défi permanent Spécialiste de la RDC et chercheur au Congo Research Group, Jason Stearns doute qu’il puisse déposer sa candidature. « Le pouvoir pourrait bien lui collerdes affaires et l’empêcher de rentrer à temps », dit-il, jugeant néanmoins que « son acquittement change la donne sur le plan politique. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il doit mener l’opposition, qui est à bout de souffle. »

Danses de joie

A Kinshasa, Olivier Kamitatu, le porte-parole de Moïse Katumbi, candidat à la présidentielle, estime que « la sortie de Bemba de la CPI peut augurer la fin de la mascarade Kabila et de ses procès fumeux intentés à ses opposants ». Mais selon un conseiller du chef de l’Etat, le retour de Jean-Pierre Bemba est la« dernière carte » de « certains Occidentaux qui cherchent à tout prix à défenestrer le pouvoir kabiliste. Ils ont essayé avec l’opposition interne et ont même soutenu un transfuge du pouvoir, Moïse Katumbi. Puis ils ont tenté avec l’Eglise, le parti politique le plus puissant de RDC ». Mais « je ne crois pas que les Congolais choisiront un nouveau Mobutu car c’est ce qu’il est, en pire ».

Au siège du parti Congo Avenir de Jean-Pierre Bemba, face au stade des martyrs, une petite foule s’est attroupée pour danser le retour du chef. « Le président Bemba est libre, il va nous débarrasser de Kabila », scandent ses sympathisants. Pendant ce temps, à La Haye, l’acquitté a rejoint sa cellule. Jean-Pierre Bemba devra encore passer quelques nuits en prison, car en marge de son procès, il avait été reconnu coupable de subornation de témoins, et la sentence définitive n’a pas encore été fixée.

L’hypothèse, peu probable, d’une condamnation à la peine maximale prévue – 7 ans de prison –, n’empêchera pas néanmoins sa libération imminente, puisqu’il a passé plus de dix ans en cellule. Une nouvelle audience est prévue le 12 juin. En attendant, loin de la Cour, la Centrafrique continue de compter ses morts.

 

 

Source: lemonde

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