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L’ancien ministre Ousmane Sy à la journée préparatoire du dialogue politique inclusif de l’ASMA-CFP : “Les Maliens sont confrontés à des immobilismes avec une faible intelligence stratégique dans la gestion des affaires publiques”

Intervenant sur le thème “Régionalisation et gouvernance territoriale”, l’ancien ministre de l’Administration territoriale, Ousmane Sy (cheville ouvrière de la Mission de la décentralisation au Mali) a soutenu que le Mali est confronté à des défis persistants internes et externes qu’il faut affronter et résoudre. Car, a-t-il dit, le monde n’attend pas les Maliens. Il développera que face à ces défis  persistants, les Maliens sont confrontés à des immobilismes avec une faible intelligence stratégique dans la gestion des affaires publiques.

Selon l’ancien ministre de l’Administration territoriale, Ousmane Sy : “Les Maliens ne voient pas loin dans la gestion des affaires publiques. Au mieux, ils travaillent pour un mandat politique qui ne fait pas avancer un pays. C’est avec des successions de mandat qu’on le fait avancer. Cette faible intelligence stratégique fait que les Maliens ont toujours le nez sur le bilan. Ce qui crée beaucoup de torts aux Maliens. De1958 à aujourd’hui, au moins tous les 10 ans, il y a eu rupture et qui remet en cause tous les acquis. Ce qui fait que les Maliens sont toujours au soubassement. Les Maliens doivent avoir une intelligence historique pour comprendre les compartiments pour les inverser et les changer. Il faut une mutation profonde au Mali […] Les crises sociopolitiques répétitives sont les conséquences de cet immobilisme”, a-t-il regretté.

“Si les Maliens veulent répondre aux défis de l’unité, de la stabilité, du développement, ils ne peuvent pas ne pas prendre en compte cet ensemble de territoires qui composent le territoire national”

Il a insisté sur la non prise en compte des dynamiques territoriales que les Maliens ont beaucoup de mal à prendre en comptes. “Or, a-t-il avancé, depuis plusieurs décennies les Maliens ont été alertés sur la place centrale des territoires. Car le Mali est un territoire mais aussi une compilation de territoires. On ne peut pas réduire le Mali au seul territoire national. Il y a des territoires régionaux, locaux et les terroirs. Les Maliens doivent prendre conscience que le territoire national est une  synthèse, une addition, un complexe de territoires. Et les réponses aux crises auxquelles les Maliens sont confrontés ne doivent pas être regardées à l’échelle du territoire national. Parce que certaines causes relèvent des échelles locales, des échelles régionales.

Et si les Maliens veulent répondre aux défis de l’unité, de la stabilité, du développement, ils ne peuvent pas ne pas prendre en compte cet ensemble de territoires qui composent le territoire national, chaque territoire ayant sa spécificité, chaque territoire ayant ses réalités. Par exemple, dire que Kidal ne ressemble pas à Sikasso n’est pas une partition du Mali. C’est une évidence. Kidal ne ressemble pas à Sikasso.

Cette question est une vieille question dans la problématique de la gouvernance du territoire, de la décentralisation. Au Mali, nous n’avons pas pensé la mise en œuvre de la décentralisation pour mettre simplement en place les communes, les cercles et les régions ou simplement pour élire les maires. C’est lié à une prise de conscience pour faire vivre ces territoires. La décentralisation est venue comme une réponse aux questions que la gouvernance du territoire nous pose.

Gouverner les territoires, c’est créer une interaction entre les territoires régionaux et locaux et le territoire national sur un aller-retour. Parce que sur chacun des territoires, il y a des acteurs. Et il faut créer une interaction. C’est ce qui donne la vision politique à toutes ces réformes, notamment la réforme de décentralisation”, a-t-il développé.

Pour Ousmane Sy, les Maliens se sont contentés d’administrer les territoires et n’ont pas gouverné. Car, selon lui, il y a une différence entre administrer et gouverner. “Administrer, est unilatéral et gouverner, ce sont des interactions. Quand on regarde la façon dont nous avons géré le pays pendant des années, je parle en tant ministre de l’Administration territoriale, nous avons administré dans l’unilatéralité. De Bamako, nous avons décidé pour tous les territoires. Nous avons très peu gouverné. Nous avons très peu pris le temps d’écouter, d’analyser et de comprendre les territoires. Chacun des Maliens se rattache à des territoires et à des terroirs locaux. Certains diront qu’ils sont du Kaarta, d’autres diront qu’ils sont du Wassoulou, du Kénédougou, du Tilemsi. Chaque Malien s’identifie à un terroir. Malheureusement, ces terroirs ne sont pas cartographiés pour en faire des instruments de travail. Cela prouve les difficultés de prise en compte des territoires. Après l’indépendance, ce sont les réformes qui rendent les dignités aux Maliens.

Le villageois malien n’élit pas son commandant. Donner la possibilité aux villageois d’élire ceux qui vont gérer leurs affaires, c’est de leur donner leur dignité. La décentralisation n’est qu’un levier politique pour aller à la réconciliation de l’Etat malien et des communautés maliennes. Tant que ces deux entités n’échangeront pas, ne partageront, nous ne sortirons pas des crises car il n’y a pas que des rébellions armées qui font des morts. Il y a aussi des rébellions passives qui font aussi des morts. La rébellion passive, ce sont les leaders d’opinion de l’informel dans notre pays. L’informel est une rébellion et elle est dans les rues de Bamako avec les comportements des gens. Toutes ces morts sur nos routes dans des accidents sont les résultats d’une rébellion. C’est pour dire qu’il y a un sens politique derrières ces réformes”, a-t-il exposé.

Ousmane Sy a rappelé objectifs des réformes qui consiste à encrer la démocratie pluraliste et le développement durable avec l’accès des populations aux services publics de base, l’école, la santé, l’eau potable, un environnement assaini, etc. D’après lui, la réforme a été possible quand la démocratie s’est installée. “Le service public de base dans un Etat de droit est un droit pour les populations maliennes. Et il faut promouvoir la création des richesses et des emplois au Mali. Notre défi premier, aujourd’hui, c’est la création de la richesse et des emplois pour les jeunes qui sont en train d’alimenter soit les différents types de rébellions, soit la migration. Le développement durable des territoires régionaux et locaux permet d’esquisser des réponses à ces questions. Du point de vue stratégies, il faut la progressivité dans les transferts des responsabilités, dans les transferts des ressources humaines, dans les transferts des ressources financières et des progressivités dans la stratégie de mise en œuvre” a affirmé Ousmane Sy.

Dans cet élan, il rappelle : “Le 2e objectif est le développement des territoires régionaux et locaux pour la régionalisation qui n’est pas nouveau et qui vient après la communalisation pour le développement des territoires. La régionalisation n’est pas liée à l’Accord issu du processus d’Alger […].Elle est une recommandation pour approfondir la décentralisation. L’Accord n’a fait que matérialiser en prenant en compte des recommandations arrêtées par les représentants de l’ensemble des populations maliennes sur l’ensemble du territoire […]”, a-t-il dit.

Le conférencier a dénoncé la centralisation du pouvoir qui fait que tout est à Bamako. Ce qui, à ses dires, a dégarni et appauvri les territoires. “Nous ne pouvons pas continuer à maintenir nos territoires dans cet état de système acéphale où tout est à Bamako.  Il ne peut pas y avoir de développement, d’unité nationale quand on dépeuple et appauvrit les territoires sur lesquels les gens vivent.

Il faut aller à la régionalisation qui impose le changement de moralité, un vrai partenariat, la coopération des différentes gestions du territoire. Cela veut dire que l’échelle nationale doit se mettre à l’écoute et accepter de partager les responsabilités avec les territoires régionaux et locaux. Ce qui renforce la capacité d’Etat”, a-t-il conseillé.

Pour Ousmane Sy, malgré la décentralisation, le Mali reste toujours un pays centralisé du point de vue de la gestion politique. Il propose que l’Etat change en répondant aux questions pertinentes que les jeunes se posent et en tenant compte de l’augmentation de la population pour aller à la paix et à la stabilité.

                             Siaka DOUMBIA

Source: Aujourdhui-mali

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