Quelques jours après sa démission du Parti pour le développement économique et social (Pdes) pour rejoindre l’Union pour la République et la démocratie (Urd), nous avons tendu notre micro à l’ancien ministre de l’Artisanat et du Tourisme, N’Diaye Ba.
Aujourd’hui : Vous venez de rejoindre l’Urd, quelles raisons ont-elles motivé cette décision ?
N’Diaye Ba : C’est juste une question de conviction personnelle et de cohérence. Nous avons animé, avec l’Urd, le Front uni pour la défense de la République (Fdr) créé après le coup d’État du 22 mars 2012 pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel. Ainsi, les réunions se tenaient au siège de l’Urd. Aussi, lors de l’élection présidentielle de 2013, nous avons soutenu le candidat Soumaïla Cissé dès le premier tour. J’ai fait les campagnes électorales dans mon fief de Kayes.
J’ai lu le projet de société du candidat Soumaïla Cissé et les axes qui sont dans ce programme peuvent tirer le Mali de la situation dans laquelle il se trouve. Ces axes tournent autour des questions de développement, de sécurité, de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et des infrastructures. Je pense que c’est un programme cohérent qui peut aujourd’hui nous tirer d’affaire. Donc, mon adhésion à l’Urd est un problème de conviction et de cohérence. Et je vous annonce par la même occasion que je suis candidat sur la liste régionale de l’Urd à Kayes. Je suis avec le ministre Iba N’Diaye.
Parlant des élections régionales, l’Urd est-elle en alliance avec d’autres formations politiques ?
Nous sommes en alliance avec la Convergence pour le développement du Mali (Codem). C’est là aussi les incohérences de notre démocratie. Des discussions avec toutes les formations politiques de la région de Kayes, seule la Codem a voulu partir en liste commune avec l’Urd.
Quelles sont les stratégies que vous comptez mettre en place pour séduire l’électorat de la Cité des rails ?
En politique il n’y a pas de secret. Il faut avoir un programme cohérent, spécifique et adapté à la région. Il faut chercher à savoir les problèmes auxquels la région de Kayes est confrontée. Nous avons un problème de développement. Kayes, c’est une région qui vit beaucoup des apports de nos compatriotes vivant à l’extérieur, notamment en Europe, en Afrique, aux États-Unis… À Kayes, nous sommes une région pacifique. Nous ne voulons que le développement. Aujourd’hui, le développement, pour nous, c’est le désenclavement, l’électrification des villages et des cercles de la région, la construction des centres de santé, le développement de l’agriculture et les mines.
Dans notre programme, nous voulons que les mines attribuent un certain pourcentage de leurs ressources au développement de la région. On voit la population de Kayes par la couleur de l’or, mais nous ne voyons pas l’impact réel des mines sur le développement socioéconomique. Vous savez, la route de Kayes-Sadiola-Kénieba n’est pas encore bitumée. Nous ne sentons pas l’apport de l’or sur le développement de la région. Donc, il faut corriger cette disparité pour faire de Kayes une région émergente et une région développée.
Quelle lecture faites-vous du traitement infligé à nos compatriotes par les autorités algériennes et libyennes ?
C’est difficile ! Aujourd’hui, nos compatriotes prennent le chemin de l’exil parce qu’ils n’ont pas de perspectives. Le Mali traverse une crise sécuritaire très aigüe. Et, en situation d’insécurité, il n’y a pas d’investissements. S’il n’y a pas d’investisseurs, il n’y a pas de développement. Ainsi, tous les jeunes sont obligés de partir à n’importe quelle condition. Notre vision, c’est d’abord de ramener la sécurité. Cela est primordial, nous ne pouvons rien faire sans la sécurité. Aujourd’hui, nous devons (les partis politiques de l’opposition et de la majorité) nous donner la main pour que la sécurité revienne dans notre pays. Cela doit être la priorité des priorités. Ces jeunes, ils vont à l’aventure parce qu’il n’y a aucune perspective.
En Lybie et en Algérie, les Maliens vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Le traitement infligé à nos compatriotes dans ces pays n’est pas acceptable. Je crois que nos autorités doivent parler surtout aux autorités algériennes avec lesquelles nous avons des relations d’amitié et de fraternité. Nous devons parler. Même si ces jeunes doivent retourner au Mali, que ces expulsions se fassent dans les conditions humaines acceptables. On ne doit pas les mettre comme des colis puis les renvoyer chez nous. Ce n’est pas normal.
Pouvez-vous nous parler globalement de la situation sécuritaire de notre pays ?
C’est notre pays qui est menacé dans ses fondements. Nous devons nous donner la main aujourd’hui. Avant, seule la région de Kidal était confrontée à l’insécurité. Maintenant, elle s’étend comme un feu de brousse sur tout le reste du pays. Elle a gagné le nord, elle est en train de gagner le centre du pays. Il est temps que tous les Maliens réfléchissent sur la question de l’insécurité. Même s’il faut organiser même une conférence nationale sur la sécurité, il faut le faire. Mais nous devons nous donner la main pour juguler cette insécurité afin que notre pays revienne à ses valeurs fondamentales de paix, de tolérance, de solidarité.
Est-il possible de tenir les prochaines élections dans le contexte actuel d’insécurité ?
Il est très difficile de tenir ces élections. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas tenir les élections dans les régions de Kidal, Ménaka, Taoudéni, Tombouctou, Mopti, une partie des régions de Ségou et de Koulikoro. Je pense qu’il faut reporter ces élections pour qu’on se mette ensemble et réfléchir sur l’avenir de notre pays.
Que vous inspire la proposition de Seydou Badian d’instaurer une période transitoire à partir de 2018 ?
Ce sont des propositions qu’il faut explorer en profondeur. Normalement, nous souhaitons avoir un président légitime parce qu’une transition c’est un peu de l’aventure. Mais, si c’est cela l’intérêt du pays, je pense qu’on peut explorer ces pistes.
Quelle lecture faites-vous du rejet de la requête de mise en liberté provisoire des militaires détenus dans l’affaire des bérets rouges ?
Je ne maitrise pas tous les tenants et les aboutissants de ce dossier. Mais je crois à la justice de mon pays.
Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit des Maliens ?
J’invite les Maliens à dépasser les clivages politiques et idéologiques. Je pense que le Mali est au-dessus de nous tous et nous devons tout faire afin que le bateau Mali tangue, mais ne chavire pas. Nous sommes tous, les fils de ce pays. C’est notre bien commun à nous tous. Nous devons réfléchir au-delà des passions pour sauver ce pays-là.
Propos recueillis par Boubacar PAÏTAO
Source: Aujourd’hui-Mali