Au bout de plusieurs tractations diplomatiques auprès de potentiels participants, le sommet Russie-Afrique 2023 a finalement vécu. Il a réuni, la semaine dernière, à Saint-Petersbourg (ancienne Leningrad), moins d’une vingtaine de chef d’Etat atour de Vladimir Poutine, qui n’en demandait pas autant pour nuancer l’isolement auquel l’a prédestiné ses adversaires occidentaux suite à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. On note, toutefois, que la deuxième rencontre de la Russie avec les pays africains a essuyé une nette baisse d’intérêt par rapport à la première édition de 2019 honorée en 2019 par la présence effective d’une quarantaine de dirigeants du continent dont de grandes figures comme Alpha Condé, Roch Marc Kaboré, entre autres.
À la baisse quantitative s’ajoute donc une indéniable différence qualitative entre Sotchi et Saint-Petersbourg, intervenu dans un contexte de renversements de plusieurs régimes que Moscou a visiblement récupéré au détriment de la qualité de ses interlocuteurs. Somme toute, le niveau du sommet et même la hauteur étatique en ont manifestement pris un coup avec des représentants de peuple descendus aux ras des pâquerettes. C’est le cas du putschiste burkinabé, Ibrahim Traoré, qui s’est offert en spectacle en transportant sur la scène russe les malaises les plus disgracieux d’un continent sur lequel les clichés et stéréotypes abondent dans l’imaginaire russe.
La tribune de Saint-Petersbourg, ville natale de V. Poutine, s’est tout aussi appauvrie par un spectacle inédit d’allégeances et de déférences parfois en deçà de la dignité étatique. Qui pour implorer les bonnes grâces du Kremlin, qui pour se mettre à ses petits soins en affichant sa reconnaissance au sauveur ou en réclamant les dividendes de son rejet de l’Occident, synonyme de préférence pour la Russie et d’adhésion à ses politiques les plus odieuses comme la guerre en Ukraine.
La lutte contre le fléau terroriste a certes eu droit au chapitre, notamment pour louer le précieux apport russe en instructeurs russes ou en armements mais jamais pour le nuancer par les atrocités imputables à «Wagner» ni par le trafic d’armes russes qui échouent massivement aux mains de l’ennemi djihadiste.
Il n’est pas surprenant, en définitive, que les deux jours d’échanges soient sanctionnés par un geste à la taille de certains interlocuteurs : celle de compenser les conséquences de la rupture des accords céréaliers par une aumône de 25 à 50 000 tonnes de blé selon les pays et que V. Poutine se charge d’acheminer vers les 6 pays bénéficiaires. Tandis que certains ont sauté sur l’occasion comme des naufragés sur une chaloupe, il s’est quand même trouvé une voix plus lucide pour s’élever au-dessus de la mêlée et attirer l’attention du président russe sur d’autres conséquences plus fâcheuses de sa guerre en Ukraine. Macky Sall, il s’agit de lui, a notamment mis l’accent sur les carences d’intrants et de fertilisants qui risquent d’affecter des productions céréalières locales beaucoup plus conséquentes que les miettes de blé promis par la partie russe. Le président sénégalais se sera en outre hissé au-dessus du lot, en invitant la Russie à inscrire ses actions dans une approche plus intégratrice des besoins du continent en développement. Avec tant de promesses antérieures restées en souffrance depuis le sommet de Sotchi, son plaidoyer peut paraître un vœu pieux, mais il a le mérite de sauver la face tout un continent par sa qualité.
A. KEÏTA
Source : Le Témoin