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LA STRATEGIE ECONOMIQUE ET DE DEFENSE DE L’ALLEMAGNE : Un exemple à suivre

Résumé : L’une des conséquences la plus importante du conflit en Ukraine est l’inexorable effritement de la solidité du front antirusse. Tout est bon pour casser la Russie sur instruction et ceci depuis 2014 date à laquelle le président  ukrainien démocratiquement élu est renversé au profit d’un mouvement  pro-américain ce fut le scénario de Maïdan.

 

Depuis le président au pouvoir n’a pas cessé de mener la vie dure au Donbass peuplé de populations russophones il y aurait eu plusieurs milliers de morts et de blessés. Certes la France et l’Allemagne ont pu faire signer les accords de Minsk I et II. Ils n’ont jamais été appliqués par les ukrainiens. Ceci a amené la Russie à intervenir. Ce fut le piège tendu par l’OTAN. Tous les pays européens se saignent pour aider l’Ukraine et au passage deviennent vulnérables Les sanctions ont profité aux États-Unis qui vend le GNL quatre fois plus cher que le gaz venant de Russie et boycotté.

La guerre en Ukraine agit comme un tsunami : Elle fait bouger la tectonique des plaques de l’architecture de sécurité de l’Europe. Ainsi des craquements se font sentir concernant la solidarité de l’Alliance avec les deux pays leaders Allemagne et France, l’Allemagne ayant décidé de s’armer auprès des Américains. La stratégie économique et militaire de l’Allemagne qui commence à bousculer les anciens équilibres que « certains » croyaient gravés dans le marbre pour l’éternité l’énergie nucléaire est une science allemande dont ont profité les Américains les français les Russes. L’Europe à l’ancienne a vécu. L’exemple de résilience de travail bien fait et de réalpolitik de l’Allemagne devrait être une boussole pour les pays arabes qui veulent sortir de la dimension magique des « accabya » et se mettre au travail pour ne pas avoir à être des esclaves du monde qui se dessine. Ils devraient méditer l’exemple sur l’inanité d’une richesse éphémère. Pour sa part, l’Algérie devrait sans tarder miser sur le savoir créateur de richesse  seule source pérenne à laisser aux générations futures.

L’Europe et sa défense : Avant de développer les stratégies de trois pays majeurs de l’Union européenne que sont l’Italie la France et l’Allemagne nous allons donner un aperçu de ce qu’est la politique de défense de l’Europe 27. Pendant longtemps et avant la crise ukrainienne, l’Europe dépensait moins de 2% comme contribution au budget de l’OTAN. Le président Trump a même signifiait aux Européens de s’occuper de leur défense. C’était l’époque où l’OTAN était en mort cérébral ». La guerre en Ukraine a remis en selle la nécessité d’une défense commune qui comme nous verrons s’arrête aux vœux pieux. Delphine Deschaux-Dutard écrit : « Le 25 mars 2022, le Conseil européen a adopté la boussole stratégique européenne, en chantier depuis 2020. Est-ce enfin celle d’une autonomie stratégique pour l’UE ? Il semble d’ailleurs que chaque avancée en matière de réflexion stratégique européenne soit redevable à une crise  (…) Face à la nécessité d’agir dans le contexte de la guerre russo-­ukrainienne, il est frappant de constater la vitesse avec laquelle les Européens sont parvenus à s’unir (au moins sur le principe) autour des différents trains de sanctions contre Moscou, et l’évolution qui s’est produite dans la politique de sécurité allemande avec une augmentation inédite et immédiate du budget de la Bundeswehr de 100 milliards d’euros et l’autorisation par le Bundestag, pour la première fois dans l’histoire allemande d’après 1945, de la livraison d’armes létales dans un pays en conflit ». « Plus précisément, poursuit la journaliste la boussole stratégique européenne se décline sous la forme de quatre piliers : agir, investir, sécuriser et coopérer avec les partenaires. Parmi les mesures les plus emblématiques figurent notamment la décision de mettre sur pied, d’ici à 2025, une capacité de réaction rapide européenne de 5 000 hommes. En ayant collectivement accepté de livrer des armes à Kiev, l’UE a profondément modifié son logiciel stratégique, l’UE doit se donner les moyens d’une action de sécurité robuste si nécessaire. Si l’on peut déjà se féliciter des éléments qui figurent dans la boussole, elle ressemble surtout à une déclaration d’intention des États européens. Sur le plan industriel ensuite, si la boussole exhorte les États européens à augmenter leurs budgets de défense et à coopérer plus, rien n’est davantage précisé quant à la mise en place pourtant nécessaire d’une base industrielle de défense européenne qui ouvrirait la voie à un véritable marché européen de défense. Or si les États européens augmentent leurs budgets et investissent dans des armes américaines, cela revient au fond à fragiliser l’émergence d’un tel marché. (…) Enfin, sur le plan de l’autonomie stratégique européenne, là encore, la boussole établit clairement la priorité de l’OTAN comme garante de la sécurité collective du continent, conduisant d’aucuns à estimer que cette boussole pointe délibérément vers l’Ouest (…) ». Dans le même ordre les politiques européens affirment qu’ils sont d’un bon côté de l’histoire. Ils se battent contre les pénuries d’énergie en stockant l’énergie : « (…) Pour, la ministre allemande des Affaires étrangères, l’Europe a peut-être obtenu du gaz russe à bas prix par le passé, mais elle payait dans le même temps un prix élevé en termes de sécurité. Si la Russie a attaqué l’Ukraine, c’est en effet parce qu’elle était convaincue que l’UE serait trop divisée et trop dépendante de l’énergie russe pour réagir. (…) Il ne s’agit pas cependant de nous replier sur nous-mêmes (…)  La guerre n’est pas terminée, et le régime de Poutine dispose encore d’atouts. Mais avec la stratégie occidentale actuelle, le temps et l’histoire sont du côté des Ukrainiens, à condition que nous restions fidèles à notre stratégie ».

Les vieilles alliances du passé, au mieux, se décomposent de façon accélérée, ou, au pire, se retournent radicalement depuis quelques mois. Ainsi : « la brouille entre Macron et Olaf Scholz éclate au grand jour ! (…) Macron a très mal pris les décisions unilatérales allemandes et son attitude de franc-tireur sur les questions de défense européenne sous l’égide de l’OTAN, dont la France fait partie mais où Berlin a joué sa propre carte sans concertation avec l’Élysée. (…) les États-Unis sont pratiquement maîtres du jeu en Europe. Plus personne ne semble avoir ni l’influence ni la volonté suffisante pour contrecarrer le processus d’escalade avec la Russie. (…) Privée d’autonomie énergétique et diplomatique, l’Europe n’a pas grand-chose à envier au Royaume-Uni (considérée depuis le Brexit comme vassale des États-Unis) (…) Et le match planétaire se déroule avec une France reléguée en seconde division des nations ».

L’Italie et sa politique de défense : Un autre pays important qui n’a pas de rapports privilégiés ni avec la France ni avec l’Allemagne essaie de tracer son chemin. Ainsi, il y a des frictions avec la France concernant le dossier libyen. Le gouvernement italien accuse la France d’être à l’origine de la crise migratoire er du chaos actuel en Libye, conséquence de son intervention militaire en 2011 qui visait à destituer le colonel. La Libye est aussi au coeur d’importants d’enjeux économiques, pétroliers via les groupes Eni (pour l’Italie) et Total (pour la France), tous deux présents dans le pays ». « Traditionnellement partagée entre un Nord tourné vers l’intégration européenne et un Sud regardant vers de la Méditerranée, l’Italie doit tenir compte d’une dichotomie, qui, pour être une richesse, l’entrave parfois dans la définition de ses intérêts vitaux. L’Italie est continuellement amenée à se positionner au milieu du jeu des grandes puissances. Hier entre les mastodontes américain et soviétique, aujourd’hui avec la Chine, dont elle a rejoint les « nouvelles routes de la soie » voilà maintenant deux ans. (.. ) À la fois géographiquement proche du cœur économique européen, l’Italie, en dépit de sa situation géostratégique à la croisée des mondes européens, africains et du Levant, ne demeure pas moins exclue de l’axe franco-allemand, traditionnel moteur de l’Union européenne. Tout au long de ses quelques soixante  années d’appartenance au projet européen, elle n’a pas non plus su – ou pu ! – développer une orientation politique alternative au tropisme franco-germanique. (…) Rappelons que l’Italie a toujours été favorable à la constitution d’une Europe de la défense. Sans atteindre la dimension des arsenaux britanniques et français, le pays dispose d’une industrie de l’armement diversifiée, au même titre que l’Allemagne, l’Espagne et la Suède, ce qui lui permet d’entretenir le troisième programme spatial européen. À l’image de nombre de ses partenaires, Rome devra veiller à moderniser ses équipements militaires moyennant une politique d’investissement   De fait, à rebours des déclarations du président Macron sur l’état de « mort cérébrale » de l’Alliance atlantique, l’Italie milite pour une plus grande coopération des forces de l’OTAN et de l’Union européenne »5.

La singularité de la position allemande : l’éveil qui fait peur : On ne peut pas comprendre la position nouvelle d’indépendance dans ses décisions souveraines, sans nous n’avons pas en tête l’histoire. L’Allemagne est un grand pays qui a eu à se battre conte pratiquement toutes les nations développées durant la première moitié du XXe siècle. Dépecée une première fois par le traité de Versailles, elle le sera à partir de 1945 et a mis près de vingt ans pour payer ses dettes. Les réparations allemandes sont les indemnités de guerre que furent contraintes de payer l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est aux gouvernements alliés à l’issue de ce conflit. L’Allemagne de l’Ouest versa des réparations à plusieurs pays en équipements industriels des usines allemandes démantelées. Les Alliés confisquèrent un nombre significatif de brevets, de droits d’auteur et de marques allemandes. Les brevets, les plans et les équipements physiques pris en Allemagne comprenaient des articles (ou des plans de) tel que des microscopes électroniques, des cosmétiques, des machines textiles, des magnétophones, des insecticides Konrad Adenauer déclara que les brevets appartenant à IG Farben avaient donné à l’industrie chimique américaine une avance d’au moins 10 ans. Les expéditions d’installations industrielles allemandes  à l’ouest commencèrent le 31 mars 1946. 11 100 tonnes de matériel furent expédiées à l’Est en Union soviétique. C’est dire si l’Allemagne revient de loin pour en définitif payer une dette énorme réussir la  réunification  des deux états allemands qui fut vainement bloquée par la France et la Grande Bretagne. La résurgence de vieilles hantises de l’Allemagne colosse, dictant sa loi en Europe, n’avait jamais disparu des analyses du président Mitterrand rappelant ainsi  la fameuse phrase de l’écrivain François Mauriac « J’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il y en ait deux. »

Les relations économiques entre la France et l’Allemagne : Malgré un période difficile, l’Allemagne a remonté la pente et on parle à juste titre, de « miracle allemand » notamment avec la période de Me Merkel. Les deux pays importants de l’Europe sont l’Allemagne et la France. Comparons les performances : « En 2021, l’Allemagne demeure de loin, le premier partenaire commercial de la France. La France est le quatrième partenaire de l’Allemagne. Les échanges franco-allemands représentent 13,9% des échanges totaux de la France, l’Allemagne représente environ 29% des échanges de la France avec la zone euro et 26% de ses échanges avec l’Union européenne. L’Allemagne est, de loin, le premier client et fournisseur de la France. Ajoutons que la dette allemande est à 50% et celle de la France à 112% du PIB. L’Allemagne devance ainsi amplement, en tant que client de la France, l’Italie (8,1%) et en tant que fournisseur, la Chine (10,7%). La part des échanges franco-allemands dans les échanges totaux de la France atteignait presque 17% de 2013 à 2016. Les exportations françaises vers l’Allemagne s’élèvent, en 2021 à 68,4 Md€  et les importations françaises depuis l’Allemagne à 80,8 Md€ le déficit commercial s’est creusé passant de -11,0 à -12,4 Md€ (contre -15,1 Md€ en 2019) ». « La France se maintient depuis 2017 en quatrième position des échanges commerciaux de l’Allemagne (6,4% des échanges allemands totaux en 2021) derrière la Chine (9,5%), les Pays-Bas (8,0%) et les Etats-Unis (7,5%). La France constitue le sixième fournisseur de l’Allemagne et son troisième client. La France est le sixième investisseur en Allemagne avec un stock de 57 Md€ tandis que l’Allemagne est le cinquième investisseur en France avec un stock de 86 Md€ l’Allemagne est devenue en 2021 le premier investisseur en France avec près de 300 projets, devant les États-Unis (247 projets), environ 4500 entreprises emploient 320 000 personnes en France 5700 entreprises françaises sont implantées en Allemagne la 5ème plus importante présence entrepreneuriale étrangère en Allemagne après la Suisse (9400 entreprises), les États-Unis (8800), les Pays-Bas (8800) et le Royaume-Uni (7900) »[6].

L’effritement des solidarités devant la realpolitik : On comprend dans ses conditions le sauve qui  peut : « Berlin entend se doter d’une défense aérienne dernier cri : elle se tourne vers les États-Unis au lieu de s’associer avec la France après avoir commandé une trentaine de chasseurs américains hors de prix. Après « une série d’actes inamicaux » envers la France, l’Allemagne semble aujourd’hui assumer de faire cavalier seul. Le chancelier allemand, dans un récent discours exposant sa doctrine en matière de défense, a opposé une fin de non-recevoir aux propositions réitérées d’Emmanuel Macron. Plus de 70% de l’aide militaire apportée à Kiev est d’origine américaine. L’industrie européenne d’armement serait bien en peine de s’y substituer. (…) De son côté, dessillée de ses illusions pacifistes, l’Allemagne lance dès mai un fonds de réarmement de 100 milliards d’euros. L’Allemagne va acheter ses avions aux États Unis elle ne veut plus d’une association pour concevoir des armes avec la France ; Elle vient de confier son bouclier antimissile aux américains et israéliens ; la France ne pèse plus dans l’échiquier allemand ; En Allemagne on ne parle pas de couple franco-allemand moteur de l’Europe mais de partenariat. L’Allemagne s’émancipe définitivement de la France et de sa  puissance surfaite. L’armée française doit maintenir la parité avec l’Allemagne (…) Vu que la Bundeswehr ne supporte pas le coût de la dissuasion comme l’armée française, elle peut devenir la première armée d’Europe d’un point de vue budgétaire »7.

Les ambitions « impatientes » mais légitimes de l’Allemagne : Graduellement on s’aperçoit que l’unanimité de façade ne cache pas les ambitions spécifiques de chaque pays. Mises à part les 6 pays initiaux qui avaient une certaine complémentarité la majorité des ex pays de l’Est adoubés par les six n’avaient pas le même niveau de vie, mieux ils profitent des subsides de l’Union européenne mais prêtent allégeance aux États-Unis où ils achètent leurs armes. En clair l’union militaire est une vue de l’esprit. On comprend dans ces conditions la décision souveraine de l’Allemagne de chercher ses intérêts. Pour Guillaume de Calignon : «  La guerre en Ukraine a réveillé une Allemagne désarmée, qui tente de reprendre le leadership en fédérant ses voisins pour créer un bouclier antiaérien européen. Mais en s’appuyant sur des solutions américaine et israélienne. Des dizaines de milliards d’équipements sont en jeu. Alors que la guerre en Ukraine s’intensifie, la coopération franco-allemande dans la défense devient de plus en plus erratique. Le plan allemand de 200 milliards d’euros pour aider les ménages et les entreprises à passer la crise énergétique risque de faire diverger les économies des pays européens encore un peu plus. La zone euro en sortira plus fragilisée encore. (…) L’ambition de dépenser 200 milliards d’euros fait peur, surtout en ce qui concerne l’industrie. La France et l’Italie, beaucoup plus endettées que l’Allemagne, ne disposent pas de la même capacité budgétaire que leurs voisins pour soutenir leur industrie. Les usines allemandes bénéficieront donc d’un avantage concurrentiel important si elles paient l’énergie moins chère que les autres, la différence étant subventionnée par l’État ». Que reste-t-il du partenariat « couple » Allemagne-France ? C’est un fait, en France, l’esprit est encore celui de la rencontre de Gaulle Adenauer en 1962, perpétué par les différents présidents et qui veut que les deux destins soient liés ; la France parle de couple franco-allemand, l’Allemagne parle de partenariat… En clair toute décision doit être discutée. Ainsi de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer le souhait de l’Allemagne de faire cavalier seul d’abord en aidant ses entreprises avec un chèque de 200 milliards d’euros. On l’accuse de ne pas avoir demandé la permission. On l’accuse de prévoir un budget de 100 milliards d’euros pour son armement et d’acheter des F35 américains enterrant du même coup toute vélléité d’une industrie militaire européenne. L’Allemagne semble aujourd’hui s’assumer « Pour Jean-Louis Thiériot (LR), la difficile situation économique de la France a contribué à la décrédibiliser aux yeux de son partenaire historique. Berlin prétend devenir la première puissance militaire conventionnelle en Europe. « Bientôt, l’Allemagne aura la plus grande armée conventionnelle d’Europe », a assuré le chancelier Olaf Scholz. (…) Depuis, une révolution des esprits est en cours à Berlin, où l’on assume de parler de puissance et d’armée. Même au SPD, traditionnellement réservé, on appelle à la « Führungsmacht », c’est-à-dire au leadership politique, qui s’ajouterait à la puissance économique ». De fait, les griefs français sont au nombre de cinq  comme nous le lisons sur cette contribution : « La relation entre Olaf Scholz le taiseux et Emmanuel Macron le volubile n’est pas chaleureuse. Mais dans un monde qui change et se durcit, le « couple » franco-allemand (Berlin,   parle de « tandem »). La guerre en Ukraine et la perspective d’élargir l’Union européenne à l’Est et aux Balkans, ardemment soutenue par Scholz, conduit Berlin à se tourner vers son voisinage oriental. Dans son discours du 29 août à Prague, Olaf Scholz a trouvé moyen de ne pas parler de la France, pourtant premier partenaire de l’Allemagne. La guerre en Ukraine a eu pour effet de saper l’influence du tandem franco-allemand. Les accords de Minsk en 2015, qui avaient calmé le jeu dans le Donbass dont Français et Allemands étaient garants, sont réinterprétés, comme trop favorables à Moscou »10.

« Sur l’énergie, Paris et Berlin divergent. L’un produit l’électricité à partir de l’atome, l’autre à partir du gaz. Mais la divergence s’accroît d’un désaccord sur un système européen de plafonnement du prix du gaz. Le modèle allemand reposait sur la protection militaire américaine, le gaz russe bon marché et l’ouverture du marché chinois. Il est triplement sinistré. Du coup, Berlin veut réagir mais le fait en solo. Fort de son matelas financier, Scholz vient de débourser 200 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et ménages allemands : un choix ressenti à Paris, et pas seulement, comme une concurrence déloyale ». « Enfin une coopération militaire qui bat de l’aile. Le volet militaire franco-allemand est carrément sinistré. La guerre d’Ukraine a réveillé en Allemagne le penchant pour l’OTAN. Les 100 milliards mis par Berlin dans son armée servent d’abord à acheter des avions F-35 américains. Et le « bouclier du ciel européen » qu’elle propose inclut 14 pays mais pas la France, ni l’Italie »[10].

La réalité dans le futur : L’Allemagne aura la plus grande armée conventionnelle d’Europe : En fait, les pays européens et surtout l’Italie et la France s’étaient habitués à une Allemagne vache à traire, championne dans l’économique mais qui ne doit pas avoir une possibilité de se défendre. À tort ou a raison l’émancipation de l’Allemagne fait peur. On se souvient tous du traité de Potsdam qui a dépecé l’Allemagne entre les vainqueurs L’URSS, les États-Unis, la Grande Bretagne et la France. « La politique de défense de l’Allemagne unifiée écrit Michel Drain est toujours marquée par l’héritage des premières années de la Bundeswehr : La fin de la guerre froide et l’unification ont cependant profondément modifié la situation stratégique de l’Allemagne : accès à la pleine souveraineté, éloignement des lignes de confrontation militaire, influence politique renforcée en Europe et dans le monde. Dans un premier temps, l’Allemagne unifiée a semblé vouloir assumer des responsabilités nouvelles dans la gestion des crises internationales. On observe toutefois, une réorientation de la politique militaire allemande qui accorde désormais de fait la priorité à la défense du territoire de l’Alliance atlantique. Ce contexte, auquel s’ajoutent les pressions américaines, conduit l’Allemagne, à vouloir renforcer ses capacités militaires. (…) Par ailleurs, le rôle de l’arme nucléaire dans la politique de sécurité allemande et européenne reste controversé ». Depuis la fin de la guerre froide, a nettement réduit les effectifs de son armée, à tout juste 200 000.

Mais l’invasion de l’Ukraine a agi comme un électrochoc : « L’Allemagne lit on sur le journal le Figaro est en train de bâtir la plus grande armée conventionnelle européenne au sein de l’OTAN, a affirmé mardi 28 juin son chancelier Olaf Scholz, après des investissements massifs décidés à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine. Actuellement l’Allemagne fournit, aux côtés des États-Unis, « certainement la plus grande contribution » à l’Alliance atlantique, « La plus grande armée conventionnelle en Europe dans le cadre de l’OTAN est en train de se constituer, et cela est important pour la capacité de défense de l’OTAN dans son ensemble ». Dans la foulée de l’invasion russe le 24 février, le gouvernement avait annoncé la mise en place d’un fonds exceptionnel de 100 milliards d’euros visant à moderniser son armée, la Bundeswehr, dont les équipements sont vétustes (…) Pour la première économie européenne, il s’agit d’assurer la défense de son territoire et de remplir ses engagements envers l’Alliance atlantique, en atteignant l’objectif de consacrer 2% du PIB national par an à la défense »12.

Pour Jacques Attali la guerre entre la France et l’Allemagne redevient possible à la fin du siècle ! Doit-on pour autant menacer d’une guerre même à terme ? Est-ce à dire que le contentieux mémoriel est toujours actuel Jacques Attali se permet d’énoncer que la puissance militaire c’est la France, mais que l’intendance serait l’Allemagne : « Il ne s’agit en rien d’une dispute de personnes, il s’agit d’une différence profonde d’intérêts stratégiques à long terme. Pour la France, qui dispose de l’arme nucléaire, la question de la défense ultime de son territoire ne se pose pas. Et celle de son accès à l’énergie se pose en termes moins extrêmes que pour d’autres (…) Mais la compétitivité du pays est trop faible pour lui permettre de survivre seul dans un monde ultra-compétitif : la France a absolument besoin de l’Euro pour ne pas s’enfoncer dans la spirale mortelle qu’elle a connue dans le passé, elle dispose donc d’une souveraineté stratégique mais pas d’une souveraineté économique. Pour elle, qui ne veut pas faire dépendre sa souveraineté du bon vouloir d’un allié dominateur, il n’y a pas d’autre avenir qu’une Europe intégrée et stratégiquement autonome »13.

Dénigrant l’Allemagne la ramenant à un exportateur de voitures et de machine outils il écrit : « Pour l’Allemagne, dont la compétitivité reste exceptionnelle, la question de la puissance économique ne se posait pas, aussi longtemps qu’elle pouvait exporter ses voitures et ses machines-outils et importer son énergie de Russie. Enfin il lui reproche de ne pas demander la permission à la France : « Cependant, pour sa défense, elle ne peut que s’en remettre aux États-Unis. Elle dispose d’une souveraineté économique ; pas d’une souveraineté stratégique. Ce que Berlin vient d’entreprendre, en projetant de se doter d’une protection antimissile américaine, sans concertation avec la France. Cette divergence dans les intérêts fondamentaux des deux nations n’est pas nouvelle. De plus, ces deux pays n’ont jamais réussi à s’intégrer culturellement, démographiquement, socialement : ces deux nations se connaissent encore très mal. Beaucoup d’entre eux pensent d’ailleurs que la paix entre nos deux nations est une donnée garantie pour les siècles à venir. C’est dramatiquement faux. Si nous ne reprenons pas au plus vite le chemin du progrès dans l’intégration européenne, en faisant chacun des concessions à l’autre, toute la construction des soixante dernières années s’effondrera. Une nouvelle guerre franco-allemande, redeviendra possible, avant la fin de ce siècle ».

Jacques Attali devrait se souvenir que ce sont des physiciens allemands qui ont développé l’énergie nucléaire et jeter les bases de la conception de la bombe atomique. L’Allemagne serait en droit d’avoir un arsenal nucléaire et prétendre à un siège permanent au Conseil de sécurité. Si l’Allemagne se retire de l’Union européenne ce sera la débâcle du chacun pour soi avec l’effondrement de l’euro et le sauve qui peut en terme de stratégie. C’est peut-être cela qui est attendu avec cette drôle de guerre ce clair-obscur dont parle Antonio Gramsci qui verra la naissance de monstres, prélude à une troisième guerre qui, selon Einstein, sera la dernière avant la quatrième qui se fera avec des pierres et des bâtons.

Et l’Algérie dans tout cela ?  Le monde devient de plus en plus dangereux et imprévisible. L’exemple de l’Allemagne est à méditer. Voilà un pays qui a été dépecé en 1945. Elle s’est reconstruite, elle revendique un rang comme troisième puissance mondiale. Elle construit ses défenses immunitaires sans état d’âme ! La dure réalité de la valeur intrinsèque est la seule qui compte. L’Algérie devrait prendre exemple sur la résilience allemande. L’Algérie devrait réévaluer ses relations avec l’extérieur dans un aggiornamento lucide  pour savoir où sont ses intérêts. À l’évidence, elle ne peut pas réconcilier des pays arabes qui n’apprécient pas à sa juste valeur cet effort et font tout pour le minimiser. Et pourtant un monde arabe rationnel aurait eu des possibilités de perdurer dans le futur monde des puissances technologiques.

L’Algérie devra en tirer les conséquences et plus que jamais enfin s’assumer sans état d’âme dans ses spécificités maghrébines ouvertes sur l’Universel. S’agissant des efforts énormes qu’elle a fait pour la tenue du Sommet Arabe dont les résultats sont appréciables recevables. À l’évidence malgré son empathie, elle est mal appréciée par les pays arabes. L’exemple de résilience de travail bien fait et de realpolitik de l’Allemagne devrait être une boussole pour les pays arabes qui veulent sortir de la dimension magique des « accabya ».

L’Algérie devra travailler à marcher forcée pour sa visibilité scientifique et technologique seule défense immunitaire dans un monde sans pitié pour les faibles. Pour cela  devra aussi sans tarder tracer une vision du développement durable basée sur un mix énergétique avec le Sahara « pile électrique solaire » de 2 millions de km2. Elle pourra ainsi fabriquer l’hydrogène à la fois pour l’exportation et pour ses propres besoins. C’est une rente de l’intelligence pérenne après le déclin des énergies fossiles. Elle développera des partenariats winn winn avec des pays européens sur une base d’égale dignité sans sentimentalisme sans lendemain.

Source : Réseau International.net

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