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La révolution piétine au Mali, l’analyse rétrospective

Au Mali, la révolution pacifique lancée par la jeunesse,  une fois déclenchée, ne devrait plus s’arrêter ou se laisser distraire avant d’atteindre ses objectifs, d’un pays de démocratie réelle, uni et indivisible, juste, prospère et souverain.

drapeau mali vert jaune or rouge couleur flotte

Le Mali aurait pu une fois de plus, donner à l’Afrique et au reste du monde, un bel exemple, de l’éveil  historique de la conscience du peuple,  de prise  en main de son destin, et de défense de sa souveraineté, dans une situation contraignante d’autocratie et de gouvernance calamiteuse.

La révolution malienne de Mars 1991 contre la dictature militaire, avait réussi  grâce à un sacrifice en vies humaines, et une forte convergence des idées et des intérêts de toutes les tendances sociales et politiques.

A l’époque la société civile, les organisations des jeunes et les partis politiques, avaient rapidement compris que la division dans leurs rangs, et l’absence d’une  idéologie  canalisatrice ne pouvaient  conduire qu’à un échec fatal, dans la tentative de remise en cause du régime des généraux militaires, de refondation de la société, et de l’introduction d’une démocratie plurielle dans la vie politique malienne.

Après l’ultimatum de désobéissance civile, issu par la plateforme des patriotes du mouvement le mercredi 16 Août 2017, tous les signes de basculement du pouvoir  de l’Etat dans la rue, étaient devenus visibles. Le mouvement patriotique n’a pas été en mesure d’exploiter pleinement la situation et pendre en main, au nom du peuple malien, la destinée du pays, politiquement ou de fait.

En d’autres termes, à défaut de contrôler le pouvoir, l’opportunité était gracieusement offerte au mouvement patriotique, d’imposer au régime RPM un cadre politique consensuel, de redressement économique et social prenant en compte les préoccupations du peuple malien .Une révolution ne suit jamais une dynamique figée. Elle se mue de jour en jour, et même d’heure en heure, tout en gardant la ligne de conduite de son idéologie de base.

La rencontre inattendue du porte-parole des comités CDR (comité de défense de la république), avec le guide de la congrégation religieuse ANSARDINE, considéré comme un allié incontournable du régime RPM, a donné le coup de semonce, qui poussa les partis politiques de l’opposition républicaine, à revoir leur stratégie d’accompagnement du mouvement, et qui a freiné d’une certaine manière, l’élan révolutionnaire en poupe de la jeunesse.

Pour preuve, les manifestations contre le terrorisme, et l’occupation djihadiste, dans les régions du Nord et du Centre, devant l’ambassade de France, au lendemain de la déclaration de l’ultimatum, reflètent la dualité du phénomène du soulèvement populaire au Mali, surtout quand les grands leaders de la révolution, des partis politiques et des associations religieuses, avaient brillé par leur  absence sur la place des martyres à Bamako. Cette manifestation essentielle pour la lutte politique de reconquête de la souveraineté du Mali, n’avait pas été relayée dans les autres régions du pays et de la diaspora en dehors de New York.

La convergence épisodique en un seul point, des composantes de la lutte, est une règle stratégique cardinale dans toutes les révolutions. De toute évidence, ces moments d’hésitation, d’incompatibilité des stratégies de combat du mouvement, et d’incohérence de la marche révolutionnaire,  ont été  mis à profit par le régime RPM, qui par reflexe politique tactique, adopta un profil bas et conciliant face à l’escalade de la contestation du peuple malien.

Dans la précipitation, la ceinture de sauvetage conçue par le régime RPM, et taillée pour la circonstance,  cousue de division pour régner, de menace, de manipulation, d’injustice, d’intimidation, d’ostracisme, de tentative d’assassinat politique, de corruption à grande échelle, et de leurre, s’est plutôt, avérée porteuse d’illusion et de turbulence, que de succès politique,  d’apaisement social, ou de climat de paix. Quelques jours après la déclaration historique de l’ultimatum, le régime RPM  et ses allies  tenus en échec par la volonté du peuple malien et la détermination du mouvement révolutionnaire,  étaient  contraints de reculer, en signe de défaite, face au mouvement de la plateforme du  < NON, ANTE ABANA>.

L’alibi de la révision constitutionnelle était devenu pour le pouvoir au Mali, la pilule  magique, qu’il fallait  à tous les coups, faire avaler au peuple malien, profondément divisé entre les partisans du OUI et du NON, pour le divertir, le dévier de ses aspirations humaines nobles et l’endormir pour mieux l’exploiter.

Les leaders des congrégations religieuses et les autorités coutumières ont été sollicités pour secourir le régime impopulaire du RPM, dans des conditions circonspectes pour le commun du peuple. Ces derniers n’ont pas dérogé à leur rôle de conciliabule habituel et de recherche de compromis, tout en restant fidèles a’ leur tradition, très  proche de tous les pouvoirs, depuis  le temps colonial à ce jour, condition indispensable à la préservation de leur influence sur la société malienne. La médiation discrète et sage, qu’ils ont organisée entre le Chef de l’Etat et le Mouvement patriotique ANTE ABANA, a fini par apaiser les ardeurs sociales, détendre le dialogue politique, et surtout, elle a permis d’éviter une collision frontale, entre les partisans du OUI et du NON, et des pertes insensées en vies humaines.

Le discours prononcé par le Président de la République, Chef de l’Etat, à l’issu de cette médiation, était articulé exclusivement autour de l’acte du Referendum de la révision constitutionnelle, et il disait en substance: j’ai décidé de surseoir au referendum sur la révision constitutionnelle, au nom de l’intérêt supérieur du peuple malien. Le Président de la République, dans sa  rhétorique, n’a fait que faire valoir sa prérogative constitutionnelle, de renoncer à la convocation du collège électoral jusqu’à une date ultérieure, qu’il s’est gardé de dévoiler. Le retrait pur et simple, sine die,  du texte de la loi de révision constitutionnelle, n’était pas à l’ordre du jour.

En se prêtant à ce langage, bien qu’ambigu, il était certain de désamorcer la colère des partisans du< NON, TOUCHE PAS A MA CONSTITUTION>, tout en rassurant les partisans du <OUI, AN SONA, POUR LE REFERENDUM>, que le régime qu’il pilote, n’a pas encore chaviré et, il poursuivra sa trajectoire jusqu’à terme et  sans péril.  Il faut donc continuer à  espérer que le régime du tiendra sa promesse, et que le sursis du retrait annoncé, en présence des gardiens des valeurs sacrosaintes traditionnelles de la nation, tiendra jusqu’à la passation du témoin en Septembre 2018.

Le Mouvement Révolutionnaire venait d’encaisser un coup dur, auquel elle ne s’attendait pas, et qui a mis à nu l’inexpérience candide et la vulnérabilité de son leadership. Les partis politiques de l’opposition ont certes temporairement remporté une victoire, dans le bras de fer qu’ils ont engagé contre la majorité présidentielle. Dès le début de lancement du processus référendaire, il y a six mois au niveau de l’Assemblée Nationale, ils ont initié le combat politique et juridique contre la révision constitutionnelle, et ont  insinué l’éventualité de haute trahison de l’Exécutif qui se profilait à l’horizon, à l’issu du référendum.

La jeunesse révolutionnaire est sortie des grandes marches de protestation contre la révision constitutionnelle, visiblement désorientée, mais plus déterminée à poursuivre sa quête pour le changement, à savoir la réforme du système judiciaire, une politique  performante et compétitive d’éducation-emploi, l’absorption du chômage des jeunes, des  conditions adéquates  de santé, la liberté d’expression, la sécurisation et l’intégrité du territoire, la souveraineté nationale, la  culture de l’excellence, de l’honneur et du patriotisme, l’alternance du pouvoir en 2018, le droit  du citoyen a’ un niveau  de vie décent,  la lutte contre la corruption et l’exploitation abusive et barbare, du peuple malien par une minorité inconsciente d’hommes politiques. L’idéologie du changement  perçue  comme un danger imminent, a contraint les tenants du pouvoir  à déployer d’importants moyens pour brouiller les idées et les pistes.

Pour la première fois, le régime RPM, pris d’angoisse, ne s’était pas  trompé de jugement dans son analyse de la situation politique et sociale ambiante, après les méga manifestations de mécontentement du peuple, et les déclarations de la plateforme ANTE ABANA, visant à  déclencher un mouvement de désobéissance civile et de mise en accusation du chef de l’état pour haute trahison. Aucune disposition étatique légale ou administrative préventive, ne pouvait s’opposer à cette démarche respectueuse de la légalité  constitutionnelle.

L’usage d’une force  de répression du mouvement par le régime RPM,  pour barrer la route aux manifestants, ne pouvait entrainer qu’un bain de sang dans les rues, plonger le pays dans un chaos sécuritaire sans précédent, et obliger les militaires à sortir de leur astreinte d’armée républicaine, pour faire régner l’ordre. Dans l’état de convulsion causée par la  défaite du régime, le discours du chef de l’état, ne pouvait exprimer rien d’autre, que sa préférence du statut quo  républicain,  à un coup d’état militaire.

Le retrait temporaire du processus référendaire par le Chef de l’Etat, autrement incendiaire pour le régime RPM en période préélectorale, ne saurait alors, être interprété comme une expression de patriotisme, ou  de souci , mais bien au-delà, il met l’accent sur le caractère invétéré de l’attachement du régime au pouvoir, et le besoin inassouvi de conservation des avantages, et autres délices dont il bénéficie, jusqu’à la fin du mandat présidentiel en Septembre 2018.

L’Assemblée Nationale n’ayant pas encore, été saisie officiellement  par un décret  présidentiel de retrait du texte de loi sur la révision constitutionnelle, elle pourrait en toute légitimité continuer, à statuer sur la validation des amendements  de la Cour Constitutionnelle, y afférant, dès la rentrée parlementaire prochaine en Octobre 2017.

En attendant, le peuple malien est sorti guéri, de la fièvre des  protestations de rue. Il se sent à présent  grandi, honoré, uni et averti, après la décision verbale du chef de l’état de sursoir au référendum de la révision constitutionnelle. Il reste néanmoins  sur ses gardes, prêt à manifester sa désapprobation contre toutes les manœuvres politiques malicieuses, oppressives, les dialogues archaïques et humiliants avec les ennemis du peuple malien, et au moindre signe de retournement de situation. Trêve à la fausse modestie et à la complaisance trompeuse, car le peuple malien n’est plus dupe, et il reste très vigilent.

Le vent de la révolution pacifique continue de souffler sur le pays et  au-delà,  pour le bonheur et la souveraineté du MALI. La valorisation de la qualité du leadership national et local, la restauration de l’autorité de l’état, le développement fondé sur une économie dynamique et compétitive, l’engagement  républicain et responsable des cadres, la reconnaissance des compétences et du mérite, et la condamnation des méthodes dégradantes de gouvernance qu’elle prêche, vont s’imposer en 2018 a’ tous les maliens.

La voie du changement est dorénavant  tracée. Les démocrates sincères, les patriotes convaincus, la jeunesse dans toutes ses composantes,   et les dignes héritiers des valeurs léguées par les héros nationaux, suivront le sillage de cette révolution citoyenne pacifique, car ils se sentiront plus que jamais interpellés devant l’histoire du Mali et de l’Afrique.

 

Pr. Mahamane Kalil Maiga, médecin à la retraite.

 

La rédaction

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