Alors que les autorités de la transition s’apprêtent à consulter par voie référendaire les Maliens sur l’entrée dans l’ordonnancement juridique d’une nouvelle constitution, la crème dormante de la fronde de 2017 se met en mouvement. C’était à la faveur d’une conférence-débats animée par deux constitutionnalistes et deux éminents avocats, respectivement le Pr Mankan Fily Sissoko, Daba Diawara, Me Kassoum Tapo et Me Dourahamane Ben Mamata Touré.
Sous la houlette de l’Adema Association et de sa présidente, Mme Sy Kadiatou Sow, cette rencontre – dont l’objectif était d’échanger autour de l’avant-projet de la nouvelle – aura ratissé large avec la présence du Président de l’Adema PASJ, Marimatia Diarra, de son secrétaire général Yaya Sangaré, du Pr Ali Nouhoum Diallo, l’ancien premier Ministre Modibo Sidibé. Étaient également présents, Paul Ismaël Boro, Moustapha Dicko, Amadou Koïta. Bref, un mouvement presque hétérogène, regroupant d’anciens amis devenus protagonistes dans un passé récent, toujours autour de la même constitution, qui annoncent sans ambages les couleurs de sa contestation.
Pour l’ancien PM Modibo Sidibé, la refondation du Mali devrait se centrer sur les problèmes majeurs du Mali qui se résument, à ses yeux, aux pratiques politiques et démocratiques ainsi qu’au décalage entre la sphère institutionnelle et la population. Acteurs clé du mouvement de contestation, Ante Abana, pour lui, l’avant-projet manque tout simplement de vision. «On ne demande pas à une équipe d’experts d’écrire une constitution. C’est les politiques qui donnent la vision», a-t-il soutenu avant de déplorer la démarche unilatérale du processus. Et de marteler, allusion faite au préambule de l’avant-projet, que le combat du M5-RFP ne consistait pas à remettre en cause les acquis du mouvement démocratique.
Pour Amadou Koïta de PS Mali-Koura, la rédaction d’une nouvelle constitution est plus politique que juridique. Or, au plan juridique les autorités actuelles n’ont ni la légitimité ni la légalité pour faire réviser la constitution encore moins l’élaboration d’une nouvelle constitution. L’ancien ministre d’IBK – et non moins ancien compagnons d’ATT, s’en est également pris au titre 3 qui consacre le pouvoir de l’exécutif et décrit la proposition comme un passage d’un régime semi-présidentiel et semi-parlementaire à un régime présidentielle hybride. «Alors qu’on disait que le président de la République était roi dans la constitution de 1992, il est empereur dans l’avant-projet», a-t-il martelé tout en s’opposant au mécanisme de destitution du Président de la République, qui, selon lui, peut plonger le Mali dans une instabilité chronique.
Et pour conclure la présidente de l’association, dans le sillage d’une série de questionnements sur l’opportunité même d’une nouvelle loi fondamentale, a appelé les participants à se sentir de ce qui va être décidé au nom du peuple malien et à s’engager pour la campagne qui selon elle va déjà commencer à la faveur du « NON ». Il s’agit d’une position à peine voilée des participants à la conférence, qui ne sont autre que la crème dormante de la fronde de 2017 en gestation. Et tout porte à croire qu’ils vont en découdre avec les colonels au pouvoir, apparemment déterminés à parachever ce qu’ils appellent la «refondation», avec la bénédiction d’une large majorité de la population, qui voit en eux des rédempteurs.
Amidou Keita
Source: Le Témoin