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La quête de la paix et l’exercice de vérité au Mali

Le 15 mai 2015 est historique pour le Mali à double titre. C’est d’abord la date de signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale devant mettre fin à la cinquième rébellion touarègue, après près de quatre années de conflit armé dans le nord du pays et huit mois d’intenses négociations sous l’égide de l’Algérie, chef de file des Médiateurs. C’est aussi l’occasion pour l’hôte du jour, le chef de l’Etat malien de prononcer une allocution homérique.

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Du haut de la tribune de céans, en présence de personnalités venues de tous les horizons, le président Ibrahim Boubacar Keïta troqua au discours policé qui lui fut préparé un impromptu bien-pensant. En mettant les points sur les i, il répliqua au message du Secrétaire général de l’ONU Ban-Ki Moon lu par le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix Hervé Ladsous.

Impartialité

L’impartialité de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) fut fortement querellée. Elle fit polémique. Les responsables onusiens s’en défendirent, arguant le fait qu’ils aient été “critiqués à différentes périodes indifféremment par l’un et l’autre bord” montre qu’ils sont “bien au milieu”. Comment peuvent-ils tenir une telle position alors qu’une bonne partie du septentrion malien avec Kidal comme appendice est érigée en zone de non-droit?

Oui, une “no-go zone” où les symboles de l’Etat malien ont été souillés et ses représentants décapités au seul profit des terroristes, des narcotrafiquants et des séparatistes. Ceux-ci, ni désarmés ni cantonnés, continuent à écumer le désert en pillant, en assassinant et en embastillant. Et cela en toute impunité. Pour peu ou prou, l’armée régulière et les groupes armés dits pro-gouvernementaux sont rappelés à l’ordre. Dès lors, peut-on dénier la légitimité au président malien qu’il puisse s’insurger contre cette situation abracadabrante et demander “que les Nations Unies fassent preuve de justice et d’équité”?

Incompréhension 

Il faut le dire tout net l’occupation illégale de Kidal par les groupes irrédentistes est inacceptable. Elle est totalement inconcevable pour les populations maliennes. Les atrocités commises, encore moins. D’autant que cela se fait au nez et à la barbe de la Minusma et de Barkhane. Au vu et au su de tous. Et qu’à la suite, les Maliens au-dedans et au-dehors puissent se poser certaines questions de bon sens, est presque triviale. Est-il vrai que la communauté internationale défend l’intégrité du Mali, sa pleine souveraineté sur l’ensemble du territoire national ? Si oui, pourquoi cautionne-t-elle l’occupation de Kidal et d’autres villes du nord par des forces hostiles qui ne reconnaissent pas l’autorité du pouvoir central de Bamako?

Si oui, comment un autre drapeau que celui du Mali peut-il flotter sur les édifices publics des villes occupées? Si oui, comment le nom “Mali” peut-il être gommé, sans coup férir, au profit de “Azawad”? En une question comme en mille, Kidal est-elle toujours une ville malienne? Et on pourrait égrener à l’infini les points d’incompréhension. Les populations maliennes, ces derniers jours, sont sorties massivement -avec quelques incartades à déplorer- dans les rues pour exprimer ce qu’elles qualifient de “duplicité” des forces étrangères face à une “guerre asymétrique” imposée au Mali.

Que le président IBK se fasse l’écho du ressenti profond de l’opinion nationale relève simplement du droit constitutionnel. Conformément à l’article 37 de la Loi fondamentale, Ibrahim Boubacar Keïta n’a-t-il pas déclaré lors de sa prestation de serment du 4 septembre 2013 : « Je jure devant Dieu et le peuple malien […] de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national […] ».

Et c’est pour cette raison -notre déduction- que le président IBK apostropha l’Organisation des Nations Unies en ces termes: “Il est temps que les malices cessent. Ceux qui nous aident à parvenir à la paix, fassent en sorte que le jeu soit transparent, qu’il soit d’égal partage, que nul ne se méprenne et puisse prendre telle souplesse dans l’engagement, telle faiblesse pour un encouragement à persévérer dans l’erreur. Ce ne serait pas rendre service à la paix mondiale.”

Impéritie

La réalité sur le terrain a mis à nu les insuffisances des moyens de la Minusma, accusée à tort ou à raison de connivence, de complaisance et de pusillanimité. Et cela sur au moins trois points. Sur le plan humain, les effectifs actuels de la force onusienne déployés sur le terrain ne sont pas à la hauteur de la situation. Peut-être pas forcément en quantité -encore que cela peut être utile de la renforcer- mais plus en termes de périmètre et de mécanismes d’intervention, d’organisation, de méthode et de systématisation. Ces troupes ne disposent pas de toutes les ressources nécessaires pour contrer et même prévenir les incursions répétées et meurtrières des groupes armés et terroristes, très mobiles à pied, sur des engins à deux roues ou sur des embarcations de fortune.

Enfin, le mandat de la Minusma a été plusieurs fois questionné. Il est iatrogène -si la métaphore médicale sied au contexte. Et ce constat est partagé par tous. Pour le président IBK: “Les Nations Unies ont pour vocation à assurer la paix mondiale. Et l’organe en charge de le faire, c’est le Conseil de sécurité qui opine sur des rapports. Mais pourvu que ces rapports soient justes, équilibrés et qu’ils disent la vérité. Le Mali a souffert de cela”.

Fort heureusement, le réexamen du mandat par le Conseil de Sécurité d’ici la fin juin 2015 est presque un acquis comme l’annonça le Secrétaire général adjoint de l’ONU, Hervé Ladsous lors de sa rencontre avec la presse le 16 mai à Bamako: “le Conseil de Sécurité va renouveler le mandat de la Minusma d’ici la fin du mois de juin, le Secrétaire général va d’ailleurs soumettre dans ce but un rapport au Conseil de Sécurité dans les premiers jours de juin”. Mais “en toute impartialité” s’empressa-t-il d’ajouter.

Paix difficile mais vitale

Les sages ont raison de dire que le principe de “œil pour œil” ne laisse que des aveugles. La conquête du nord du Mali, l’exercice de la souveraineté et de l’autorité de l’État malien sur cette partie de son territoire ne se réaliseront pas par les armes. Ce n’est pas une conviction partisane, c’est maintenant une certitude partagée. Les enjeux sont protéiformes. La paix au Mali se gagnera par le dialogue et la vérité. Et il va falloir s’y résoudre définitivement, afin de faire l’économie de pertes en vie humaine, et d’efforts financiers et matériels qui seraient plus utiles à consacrer au bien-être des populations, du nord comme du sud.

Malgré la situation extrêmement difficile où toutes les passions peuvent se libérer et se déchaîner, il faut appeler au calme et à la sérénité. Ni la Minusma, ni la France ne sont et ne peuvent être les ennemis du Mali. Bien au contraire, ils sont les partenaires d’une paix au long cours, difficile mais vitale. Le Mali a besoin de paix. Il ne peut pas se payer le luxe d’un nouvel affrontement interne à l’issue duquel tout le monde est perdant: les Maliens certes, la communauté internationale aussi.

L’ancien banquier et homme politique ivoirien Charles Konnan Banny disait: “Aucune victoire par la force ne peut être tenue pour définitive, car le vaincu d’aujourd’hui fourbira ses armes dans l’espoir de devenir le vainqueur de demain”.

L’Accord du 15 mai est une chance pour le Mali. Il faut la saisir et la servir. Le président IBK a invité ses frères des groupes armés à faire la paix des braves. “Le temps est venu de nous faire confiance. […] le passé est certes douloureux, mais l’égrenez tous les jours, ne sert à rien. Avançons! Avançons résolument vers la paix […] Le monde entier a souci de nous. Ayons enfin souci de nous-mêmes pour que le Mali soit de nouveau parmi les Nations qui comptent”. Et les Maliens, dans leur écrasante majorité, ont reçu le message cinq sur cinq et disent -presque- à l’unisson: merci Monsieur le Président!

Cheickna Bounajim Cissé

Cadre dirigeant de Banque et co-fondateur du Club Madiba

Source: Huffingtonpost

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