Les Maliens ne devraient pas se tromper de combat. C’est la reconquête de la paix, fortement perturbée depuis 17 longues années déjà, qui est devenue leur priorité. La preuve : les dépenses occasionnées par la défense du territoire national et la lutte contre l’insécurité occupent la tête des investissements budgétaires, détrônant l’éducation sur ce registre. Pourtant c’est contre toute attente que débuta le drame, sous un régime constitutionnel normal. Le président Amadou Toumani Touré, homme de paix et de consensus, s’évertuait à améliorer le quotidien de ses concitoyens, tout en continuant à renforcer la cohésion sociale mise à mal par les premières années de pratique démocratique!
C’est à partir du 23 mai 2006, date à laquelle une certaine ‘’Alliance pour la démocratie et le changement’’ a signé ses premiers coups de main sanglants au nord du Mali, que le Mali est passé de Charybde en Scylla. De jour comme de nuit, de paisibles populations tombent sous les balles meurtrières de psychopathes manifestement en mission dans notre cher pays. Combien de nos concitoyens sont-ils passés de vie à trépas dans des conditions aussi atroces sans en connaître les raisons ? Des milliers ? Des millions? Seule certitude : le bilan humain et économique n’a cessé de s’alourdir avec le feu propagé par le démon dans le reste du pays.
Toutefois à lire ou écouter des Maliens, on se demande si ce drame vécu suscite quelque compassion en dehors des personnes touchées d’une manière ou d’une autre par la mort de proches, comme les orphelins, veuves et autres parents de victimes. La vie humaine n’est-elle pas plus sacrée que n’importe quelle autre valeur ou principe ? Des enfants massacrés sans état d’âme par de mercenaires équipés de lourds armements de guerre ! De paisibles femmes surprises par une mort violente dans la tranquillité de leur foyer ou dans leur champ ! Des chefs de famille, époux, pères, notables, leaders religieux tués pendant qu’ils vaquent à leurs occupations ! Des villages entiers décimés et leurs habitants massacrés ! Des innocents étiquetés ‘’déplacés internes’’ ou ‘’refugiés’’ parce que contraints de fuir les terres de leurs aïeuls à cause de ces violences ! Des agents civils de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions séquestrés, violentés et passés par les armes sans autre forme de procès ! Que de porteurs d’uniformes sacrifiés pour la défense de la patrie et la sécurité de leurs concitoyens ! Que de familles malheureuses et inconsolables à cause de cette sale guerre?
Notre priorité, c’est de voir notre pays enfin débarrassé de ces hordes de criminels. Notre priorité, c’est de chercher à sortir de ce cycle infernal de violences malgré l’impressionnante présence de forces onusiennes venues semble-t-il nous aider à combattre le terrorisme !
Avons-nous conscience que ce pays peine encore à prendre son destin en main pour le bien-être de ses populations ? Après les difficiles conditions dans lesquelles son accession à l’indépendance a été formalisée en 1960 ? Après le farouche combat contre le président Modibo Kéita du fait de son indéfectible attachement à la pleine souveraineté du Mali et au respect de la dignité de ses fils ? Après l’ordre kaki instauré en 1968 qui a joué aux prolongations avec un régime constitutionnel monopartiste?
A l’épreuve de l’exercice du pouvoir, les autorités de la 3è République n’ont pas tardé à comprendre les limites de leur marge de manœuvre : le colon, plus glouton que jamais ! Son soutien à l’avènement de la démocratie au Mali n’était pas désintéressé. Les États n’ont pas d’amis, mais des intérêts, plutôt ceux de leurs vrais patrons que sont les capitaines d’industries au profit desquels ils obtiennent, au forceps s’il le faut, de juteux contrats sur nos ressources.
Les valeurs universelles comme les droits de l’homme et la démocratie ? Ils s’en servent juste pour combattre un régime qui refuse de collaborer à l’aide de faux rapports commandités, commentés et repris en boucle selon leur bon vouloir par des nègres de service, acteurs politiques et médiatiques.
En revanche un autocrate, coopératif ou installé par leurs soins, peut s’éterniser aux affaires des décennies d’affilée, commettre les pires entorses au droit voire les pires atrocités. Les exemples foisonnent.
C’est avec l’argument de la force et non la force de l’argument que les trafiquants négriers, puis les armées coloniales ont traversé l’Océan pour piller nos ressources pendant des siècles. Hélas, la domination continue à travers ‘’les peaux noires, masques blancs’’ ! Les drones à visage humain téléguidés par les descendants de ‘’leurs ancêtres les Gaulois’’.
Dèbè Tall
Le Challenger