L’on en convient aisément : l’adresse faite, le samedi 24 septembre dernier, par le premier ministre intérimaire, au palais de verre de Manhattan abritant la plus importante rencontre annuelle de la communauté mondiale, était particulièrement déplacée. Mais le Colonel Abdoulaye Maïga, décrit comme habituellement placide, était au bord de l’hystérie après la posture prise, deux jours auparavant (le 22 septembre, date commémorative de l’indépendance du Mali) par la CEDEAO dans l’affaire des 46 soldats ivoiriens détenus à Bamako pour » mercenariat « .
Outre que l’organisation sous-régionale a fait fi de l’opposition véhémente du gouvernement malien à sa saisine par la Côte d’Ivoire qu’il jugeait inappropriée, tout en redoutant une éventuelle « instrumentalisation« , elle a » condamné avec fermeté l’incarcération continue des soldats ivoiriens ; dénoncé le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire; demandé la libération sans condition » des personnes concernées.
Un revers humiliant dont sont comptables, aux yeux du successeur temporaire de Choguel Maïga, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guteres, le président en exercice de la CEDEAO, le bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló, le président du Niger, Mohamed Bazoum, tous coupables d’avoir soutenu , par voie de presse, la cause ivoirienne avant la tenue du sommet extraordinaire de New-York ayant prononcé ces décisions. Bien sûr, le président Alassane Dramane Ouattara, responsable désigné de l’envoi de « mercenaires » au Mali et présenté comme l’adversaire le plus acharné de la transition malienne (ce que son homologue Bazoum dément) n’a pas été épargné. De même que l’ancienne alliée stratégique dans la lutte contre le terrorisme, la France, dont les dirigeants sont traités de » junte » pour avoir, entre autres monstruosités, » commandité et prémédité des sanctions inédites, illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali « .
L’ire, qui habitait le Lieutenant-colonel Maïga, au point de s’affranchir de la rhétorique diplomatique habituelle, avait une deuxième motivation. Depuis le 15 août dernier, son gouvernement a saisi le Conseil de sécurité d’une plainte contre la France pour « violations répétées de son espace aérien, fourniture de renseignements et d’armes de guerre à des groupes terroristes » et réclamé une réunion urgente de l’exécutif onusien pour faire cesser « ces atteintes graves à la sécurité et à la souveraineté du Mali « . Près d’un mois et demi plus tard, il attend toujours qu’une suite soit donnée à sa requête. Et pour cause: des manœuvres de coulisse prêtées à la France qui, au surplus, assure la présidence du Conseil de sécurité durant tout le mois de septembre.
La leçon que l’on peut tirer de ce nouvel épisode new-yorkais, réédition en plus dramatique de celui animé par Choguel Maïga en 2021, est qu’il a mis en relief l’isolement diplomatique du Mali au double plan sous-régional africain et international. Bamako ne peut continuer à nourrir les adversités contre lui dans un contexte mondial de plus en plus éprouvant pour les pays les plus enviés. A cet égard la mission de Haut niveau, mandatée auprès de lui par le sommet extraordinaire de la CEDEAO, délocalisé dans la grande métropole américaine, doit être perçue comme une opportunité à saisir pour normaliser les rapports avec la Côte d’Ivoire (un voisin précieux) et retrouver une dynamique apaisée et constructive avec l’espace CEDEAO dans son entièreté.
» Une politique se juge par ses résultats » écrivait Charles Mauras. Cette pensée doit constamment inspirer nos décideurs.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant