Avec une production moyenne de 70 tonnes par an, les mines d’or du Mali génèrent des centaines de millions de dollars par an.
Mais l’Etat malien, lui, n’y voit que du feu. A cause, notamment, du système d’exploitation mis en place par les sociétés minières, seules bénéficiaires de cette manne.
« Parce qu’il n’a pas le moyens d’extraire son or et que la Banque mondiale en a décidé ainsi, le gouvernement malien n’est qu’un actionnaire minoritaire des entreprises exploitantes, présentes sur son sol », déplore la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH).
Dans un rapport d’enquête, publié en 2007 déjà, elle lève un coin du voile sur la gestion faite de l’or malien par les multinationales.
Avec une production, estimée à environ 70 tonnes par an, le Mali se classe au rang de 3e sur le plan mondial.
Malgré tout, le Mali se classe parmi les pays les plus « miséreux » du monde. Pire, 90 % de sa population vit avec moins de deux dollars par jour.
Sur les sites miniers, indiquent le rapport de la FIDH, les populations locales sont victimes de toutes sortes de maux : fausses couches, asthénie, goitre, destruction du cyanure utilisé dans le traitement du ‘‘métal jaune’’. En 2005, des populations entières de singes et d’oiseaux rares ont été décimés. Soit, pour avoir bu l’eau ou brouté l’herbe contaminées par le cyanure, en divagation dans la nature.
Pendant que le cours de l’or monte sur les marchés internationaux, les conditions de vie des populations se dégradent. Avec, à la clé, la multiplication de maladies, jusqu’alors, inconnues sur les sites miniers.
Le paradoxe des paradoxes
A l’origine de ce paradoxe, un plan diabolique, pensé et mis en place par la Banque moniale.
Et au profit des multinationales.
Surendetté, le Mali n’avait d’autre choix que de se soumettre au Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Une ordonnance prescrite, à notre pays, par les Institutions de Bretton –Wood. C’était dans les années 80.
Pour la Banque Mondiale, les Etats africains sont inaptes à disposer d’une industrie minière ; c’est-à-dire, trop pauvres pour assumer des investissements liés aux capacités techniques et à la gestion des industries minières.
Du coup, son diagnostic tombe, comme un couperet : exiger de nos pays qu’ils se dotent d’un code minier attractif ; c’est-à-dire profitable aux multinationales.
C’est ainsi qu’en 1995, 35 pays africains reforment leur code minier. Au Mali, la reforme du code minier est intervenue dès 1991. Car, la Banque mondiale menaçait de fermer le « robinet à sous » à notre pays.
L’Etat malien clochardisé
La brèche étant ouverte, les multinationales s’y engouffrent. Avec, sous les bras, leurs capitaux.
Au rang de celles –ci, une quinzaine d’entreprises canadiennes, appelées « juniors »
Selon le rapport d’enquête de la FIDH, ces « juniors » lèvent, à la bourse de Toronto, des fonds destinés à l’Afrique. Notamment, au secteur minier.
Ainsi, une fois que ces « juniors » découvrent le « métal précieux » dans un pays africain, ils s’allient avec d’autres sociétés minières pour l’exploiter.
Au Mali, trois multinationales détiennent le monopole de l’or : Anglogold Ashanti avec 38 % de la mine de Sadiola ; 40 % de la mine de Yatela et 40 % de la mine de Morila.
Rangold, lui, s’est arrogé 40 % de la mine de Morila et 80 % de la mine de Loulo. Enfin, Iamgold détient 38 % de la mine de Sadiola et 40 % de la mine de Yatela.
Cette gestion, pour le moins mafieuse de l’or malien, relègue l’Etat malien au rang de ‘‘paria’’. Avec, seulement, 20 % des capitaux par mine, au sein des multinationales. Qui décident de tout : l’exploitation de l’or, son raffinage et sa commercialisation sur les marchés internationaux.
Sur ce plan, précise le rapport de la FIDH, la mine de Morila en est la parfaite illustration. En juillet 2000, explique le rapport, Rangold cède 40 % de son permis d’exploitation à Anglogold.
Ensemble, ils créent Morila limited qui, avec l’Etat malien, actionnaire à hauteur de 20 % seulement, donnera naissance à une société fantôme, dénommée « Morila –SA ». C’est cette dernière, qui rémunère Anglogold Ashanti –services Mali –SA, comme opérateur minier.
Ainsi, 1 % des ventes d’or lui reviennent au titre de frais de gestion. A titre d’exemple, cette société fantôche a perçu, en 2005, un million de dollars de frais de consultation. Pour avoir fait, vous demandez –vous ? Rien ou presque.
Autre exemple de la gestion ‘‘mafieuse’’ de l’or malien, selon la FIDH : Morila –SA, à son tour, ne traite que le minerai extrait. Son extraction, elle, est confiée à une autre société : SOMADEX.
Filiale du Groupe français Bouygues, cette société s’attribue la part du lion. Pour avoir investi, seulement, dans le matériel d’extraction du minerai.
Voilà, schématiquement, comment les fonds générés, par l’or malien, sont repartis entre les multinationales et les sociétés dites de sous-traitance. De ces millions de dollars, qui passent d’une main à l’autre, l’Etat malien n’y voit que de la poussière… d’or.
Les retombées de l’or se font, toujours, attendre
A en croire un rapport, élaboré en 2007 par la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, les quatre mines industrielles du Mali ont, après neuf ans d’exploitation, injecté 690 milliards CFA, seulement, dans l’économie nationale. Soit, l’équivalent de 76 milliards CFA par an.
Sur cette manne financière, le Trésor public a empoché 341 milliards CFA, sous forme de taxes et impôts ; les fournisseurs des mines, 45 milliards CFA.
« Ces sommes cumulées ne représentent que 6,5 % des fond générés par l’or malien, sur les marchés mondiaux », relève le rapport de la FIDH.
Quant aux populations installées sur les sites miniers, elles n’ont bénéfice –en neuf ans d’exploitation des quatre mines -, que de 9 milliards CFA. Soit, l’équivalent de 1,3 % des fonds générés par l’or malien.
Conséquence : le Mali reste pauvre. Très pauvre. Neuf Maliens sur dix vivent, selon le rapport de la FIDH, en dessous du seuil de pauvreté.
L’espérance de vie est de 48 ans. Et la mortalité infantile, estimée à 122 pour 1000 nouveaux –nés.
Bref, vingt ans après le boom de l’exploitation aurifère au Mali, les populations attendent, toujours, de bénéficier de ses retombées.
Vivement donc, la révision des contrats miniers annoncée, par Dr Boubou Cissé, tout –nouveau ministre des Mines. « Un inventaire complet de tous les contrats en cours sera fait », a t –il promis.
Avant de conclure : « S’il y a des contrats qu’il est nécessaire de revoir dans l’intérêt du Mali, nous entamerons des négociations avec les partenaires concernés ».
Oumar Babi