Pour François Hollande, tout s’est accéléré en quelques heures, jeudi dernier. Dans l’après-midi, l’ONU votait une résolution autorisant l’usage de la force en Centrafrique. L’occasion pour le chef de l’État d’annoncer le lancement «immédiat» de l’opération Sangaris, préparée de longue date par l’état-major. Puis, dans la soirée, le président sud-africain annonçait le décès de Nelson Mandela. Depuis, tous les regards sont tournés vers l’Afrique et la classe politique parle – presque – à l’unisson, rendant hommage au père de la nation arc-en-ciel et avalisant la sécurisation des faubourgs de Bangui.
Une aubaine pour le président, très affaibli sur la scène intérieure par une grogne fiscale qui transcende les partis et les catégories socio-professionnelles. Exit, pour un temps, les récriminations des Bonnets rouges et les manifestations du Front de gauche. Revoilà François Hollande chef de guerre, représentant des Français à l’étranger, qui s’offre même le luxe de jouer la carte de la réconciliation avec Nicolas Sarkozy le temps d’un hommage à «Madiba».
L’occasion pour l’hôte de l’Elysée de se «représidentialiser» et de grappiller quelques points dans les sondages? A l’Elysée, on se souvient encore des bénéfices tirés de l’intervention malienne: à l’issue d’une guerre éclair, le chef de l’État avait été accueilli en libérateur par la foule à Bamako et avait profité d’un regain de popularité en France. Avec son opération Sangaris, François Hollande souhaite reproduire le scénario de Serval: il promet une intervention «qui n’a pas vocation à durer» et dont il peut être «sûr du succès».
La «lassitude» de l’opinion vis-à-vis des opérations extérieures françaises
Mais l’annonce de la mort de deux soldats français à quelques heures de la visite surprise du chef de l’État à Bangui est venue refroidir les ardeurs de l’Elysée. «Cet événement va probablement bouleverser la séquence du chef de l’État et la perception du conflit chez les Français», note Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique de l’Ifop. Selon l’institut de sondage, seuls 51% des Français se disaient favorable à l’intervention en Centrafrique au lendemain de l’arrivée des premiers soldats sur le terrain. Un degré d’approbation moins élevé que lors de l’entrée en guerre au Mali (63%) et en Libye (66%), et qui pourrait s’éroder à mesure que le conflit s’allonge.
«Quelques jours suffisent pour faire décrocher l’opinion publique, commente Jérôme Fourquet. Si les embuscades se multiplient et que des résultats probants ne sont pas rapidement présentés, comme au Mali, on va rapidement s’enfoncer dans l’image du bourbier». Plus globalement, le sondeur insiste sur la «lassitude» de l’opinion vis-à-vis des opérations extérieures françaises à répétition, un sentiment renforcé par la crise économique. «Rapidement, la question du coût de l’intervention est posée, a fortiori pour des conflits très éloignés des préoccupations des Français».
Pour François Hollande, le répit ne sera donc que de courte durée. Le chef de l’État, qui a stabilisé sa côte de confiance aux alentours de 24%, sait qu’il est davantage attendu sur sa promesse d’inverser la courbe du chômage avant la fin de l’année que sur sa politique internationale.