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La France, gendarme de l’Afrique ? Quelles perspectives pour le continent ?

Depuis 2001 et la «crise ivoirienne», les opérations militaires de la  France sur le continent se multiplient.Ainsi on peut se demander si en s’engageant en Rca après le Mali, la France ne montre-t-elle pas sa détermination à endosser le costume de gendarme de l’Afrique, rompant ainsi le consensus ayant prévalu après la chute du mur de Berlin sur l’absence d’intérêt stratégique du continent !

france drapeau

Bien sûr, encore une fois comme l’avait fait l’Amérique au plus fort de son engagement international, l’ancienne puissance coloniale refusera de se rendre chez le maître tailleur, même si tout porte à croire qu’elle mériterait au moins la casquette d’auxiliaire gendarme. Mais  pour tous les observateurs avertis, cette posture n’est point fortuite et transcende même les chapelles politiques.Au demeurant, le Livre blanc sur la défense  et la sécurité nationale, document de référence qui définit pour une période donnée les objectifs de la politique de défense et de sécurité, considère l’intervention come un mode d’action  «essentiel des forces armées, particulièrement à l’extérieur du territoire national…. Garantissant nos intérêts stratégiques et nos responsabilités internationales», notamment en cas de riposte à des actions ponctuelles dirigées contre les  intérêts de la France !  En effet, il faut remonter à 2001 avec «l’opération Licorne en Cote d’Ivoire», à 2011 dans le cadre de la coalition anti-Kadhafi suivi en 2013 de  «l’opération Serval» au Mali et «Sangaris» en Rca pour appréhender la cohérence du choix stratégique de la France de faire de l’Afrique, le pivot de sa politique extérieure inextricablement liée à la lutte contre le terrorisme et à la nécessité d’engranger  des parts de marché en configurant une zone d’influence économique à la dimension de ses ambitions. Ce «mouvement stratégique», comparable à celui amorcé par la France et les alliés entre 1939-45 pour faire face à l’offensive allemande,  a pour conséquence le retour du continent à la périphérie du «Heartland»,  cette «citadelle de la puissance terrestre au cœur du grand espace continental à la surface du globe», selon Mackinder. Il faut aussi noter que dans bien des cas, la France a d’abord assisté sans réaction aux changements anticonstitutionnels en cours avant de décider de porter secours au pays pour éviter le chaos. Ainsi, devant le  brusque intérêt de l’ancienne puissance pour le continent,  il est tout à fait légitime de se pencher sur l’analyse géopolitique et opérationnelle du volet  militaire de l’engagement de la France en Afrique  à l’aune des interventions  au Mali et en Rca. Dans ces deux pays, l’opération militaire avait pour but d’éviter «la somalisation» ou la désintégration de l’Etat. Ces pays sont aussi d’anciennes colonies françaises. Mais là, s’arrêtent les similitudes entre les deux engagements qui se déroulent dans des contextes géopolitiques différents, des conditions opérationnelles différentes et auront nécessairement des résultats différents.En fait, l’embourbement que les non-initiés à la stratégie militaire redoutaient au Mali aura probablement lieu en Rca, du moins un enlisement, puisqu’il n’existe aucune force d’opposition capable de menacer le dispositif français, mais un milieu hostile et volatile dans lequel les forces françaises risquent de donner des coups d’épée dans l’eau de vie  des «Balakas» et «anti-balakas» et de s’engager dans des opérations de maintien de l’ordre auxquelles les forces militaires sont mal préparées. Par contre au Mali, «l’opération Serval», du nom de ce félin de la savane «qui urine plus de 30 fois par jour pour délimiter sont terroir», est le type d’engagement dont rêve tout chef militaire. «Serval» s’est  déroulée dans un environnement géopolitique stable avec des Etats viables, tous favorables à l’opération. En plus, en face de «Serval», se dressait un ennemi parfaitement identifié contrôlant un territoire qu’il entendait défendre dans un rapport de force «asymétrique» largement en faveur des forces françaises et africaines déployées dans le cas de la Minusma.A ces avantages tactiques, s’ajoute le rejet quasi-unanime par les populations des zones occupées de ces envahisseurs, ces «Saint Just» en turban,  décidés à faire régner la loi et l’ordre au prix de sévices corporels inadmissibles et de destructions incompréhensibles du patrimoine culturel et religieux auquel ces populations s’identifient.Dans ces conditions, «Serval» n’avait même pas besoin «d’uriner» autant de fois pour mettre hors d’état de nuire les forces d’opposition en rupture de ban, avant de transférer «le contrôle de zone» aux forces africaines et d’adopter une posture de «Forces de réaction rapide» (Frr) avec des effectifs réduits au strict minimum.A l’opposé,  l’opération «Sangaris», du nom de ce papillon de collection censé voler au gré des alizés, est le type même d’engagement que les chefs militaires redoutent le plus. En effet «Sangaris» n’a pas d’ennemi identifié, ne peut déterminer  «l’avant» et «l’arrière» et doit se déployer face à toutes les directions et  se préparer a toutes les éventualités.Sur le plan géopolitique, le théâtre  centrafricain est caractérisé par la présence d’un «Arc de feu»  à l’Est et Sud, formé du Darfour, du Soudan du sud, en pleine ébullition et de la République démocratique du Congo et de l’autre côté  à l’Ouest et au Nord par un «demi-chapelet» de pays assis sur des braises du fait de transitions mal engagées ou d’une démocratisation sans alternance.Dans ce contexte, le  «overwhelming force» devenait un géant aux pieds d’argile et les piliers sur lesquels reposait  l’opération, annoncés solennellement par le Président Hollande, portaient en eux-mêmes les germes de l’enlisement !Le premier pilier,  «l’interposition», ne peut être traduit en réalité tactique à moins d’anticiper la scission du pays le long de la fracture religieuse, ce qui serait un échec ! Le deuxième pilier, «l’intransigeance», risque d’entraîner les forces militaires, peu préparées au maintien de l’ordre  dans des bavures et des «interventions à la carte» préjudiciables à l’objectif de stabilisation de la situation dans le pays.Enfin le troisième pilier, «la neutralité», devient de la lâcheté pour les uns, une invite à l’action pour les autres  au gré des rapports de forces entre  belligérants.Dans une situation pareille, les risques d’enlisement étaient  réels et les récents progrès sur le plan politique confirmés par  la mise en place des institutions de la transition,  et l’arrivée d’une force onusienne sont à saluer mais ne doivent point pousser à  un quelconque  optimisme !Pour rappel, en 1994 au Rwanda, c’est au cours de la mise en place des institutions de la transition, après le déploiement de la Mission des Nations-Unies pour le Rwanda (Minuar) et  le remplacement de Agathe par Twagiramungu, que le pays a plongé dans l’horreur !!!Mais l’enlisement n’est pas une fatalité et peut être évité au prix d’un engagement fort de faire de la force onusienne un «robust peacekeeping» dont le Général Babacar Gaye,  actuel commandant des forces, est le plus grand concepteur.Il faudra aussi veiller à l’équilibre de la force qui lui assure sa neutralité de fait et à sa «liberté de manœuvre» sur toute l’étendue du territoire et sur toute partie des frontières où sa présence est nécessaire à l’accomplissement de la mission.   Dans cette configuration, les forces françaises pourraient adopter comme au Mali une posture de Force de réaction rapide et de réserve d’intervention laissant le terrain au  nouveau dispositif. Aujourd’hui «l’opération Barkhane», destinée à lutter contre le terrorisme dans toute la région du Sahel, préfigure déjà de la zone d’influence que la France entend configurer en Afrique avec un Etat-major interarmées à Ndjamena, des bases opérationnelles avancées à Tessalit (Mali), Madama (Niger), Faya-Largeau (Tchad) et trois  bases arrière à Dakar, Abidjan et Libreville sans oublier les bases principales à Niamey, Gao et Ouagadougou !  Ainsi, à partir de l’analyse du volet militaire de l’engagement de la France en Afrique,  on peut sans risque de se tromper considérer le brusque intérêt de l’ancienne puissance pour le continent comme un choix stratégique délibéré dans le but de  configurer une  «profondeur stratégique» face à la crise économique d’après 9/11 comme jadis face à d’autres types de menaces.L’outil militaire est ici employé pour configurer cette  zone d’influence  à la mesure de l’ambition de la France de  sortir du costume suranné  de  «vieille Europe» et d’intégrer  le gotha des grands pays admis à pousser les pions sur l’échiquier mondial car quand l’Angleterre a le regard tourné  vers l’Atlantique, la France fait les yeux doux au continent, surtout que la Chine se plaît à son jeu favori d’encerclement !Pour l’Afrique, c’est un retour remarqué à la périphérie du «Heatland», charge aux décideurs africains et aux élites d’en faire une opportunité pour l’émergence du continent en donnant à la réflexion stratégique, la place qu’elle mérite.
Colonel (er) Mamadou  ADJE
Ministère du tourisme et des transports aériens

 

Source: lequotidien.sn

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