PARIS – Il s’agit d’une décision inédite en France. Le Conseil d’Etat vient de contraindre le Ministère de l’Intérieur à délivrer un visa à un homosexuel sénégalais vivant au Maroc afin qu’il puisse se marier.
Il s’agit d’une décision de justice inédite, qui servira probablement de précédent à d’autres affaires. A l’issu d’une longue procédure judiciaire, un sénégalais a obtenu un visa pour se marier en France avec son conjoint de nationalité française. Cette décision le Conseil d’Etat l’a prise au nom de la liberté fondamentale à se marier dont dispose chacun.
Le 26 mai 2013, après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, dite loi Taubira, ce sénégalais avait déposé une demande de visa court séjour au consulat de Casablanca, ville dans laquelle il réside depuis quatre ans avec son ami. Le 16 juin, il apprend que sa demande est rejetée. Il décide alors de faire appel devant le tribunal administratif de Nantes qui la rejette à nouveau. Il porte donc l’affaire devant le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative de France. Hier, mardi 8 juillet, celui-ci a rendu sa décision. Il est fort probable qu’elle serve de précédent à d’autres cas identiques à celui-ci, et plusieurs spécialistes du droit considèrent déjà qu’il s’agit d’une décision capitale.
Afin de la rendre, le Conseil d’Etat a tenu compte de différents éléments. Tout d’abord, il considère que la liberté de se marier est une liberté fondamentale, et qu’en priver un individu est une atteinte grave à ses libertés individuelles. Ensuite, il rappelle que la loi Taubira mentionne que, si un époux est de nationalité française et, l’autre est ressortissant d’un pays où le mariage homosexuel est interdit alors, le mariage ne peut pas être célébré par les autorités consulaires et doit avoir lieu en France. Etant donné que les unions entre personnes de même sexe ne sont pas autorisés au Sénégal ni au Maroc, pays de résidence des deux amoureux depuis plus de quatre ans, ils ne peuvent que se marier en France. Enfin, le juge a pris en compte la situation personnelle du requérant sénégalais : établi depuis quatre ans à Casablanca, il dispose d’un emploi stable ; son mariage est planifié pour le 12 juillet prochain depuis un an déjà et il dispose d’un billet d’avion retour vers Casablanca ; les différentes demandes de visa qu’il avait faites auparavant avaient pour motif de partir en vacances avec son ami. En conséquence, la différence d’âge avec son conjoint (35 ans) ne peut pas être interprétée comme une intention de détourner l’institution du mariage.
Au vu de ces considérations, le Conseil d’Etat a obligé le ministère de l’Intérieur à délivrer un visa dans les 24 heures qui suivent au requérant sénégalais. Par ailleurs, il l’a condamné à verser 5.000€ de dédommagements au futur marié, pour les gênes occasionnés par les deux refus qu’il avait auparavant reçu. L’homme pourra donc séjourner en France jusqu’au 29 juillet prochain.
Par cette décision, le Conseil d’Etat entérine définitivement la sacralisation du droit et de la liberté de chacun à se marier. En outre, cela introduit une obligation morale pour la France : permettre à tous les couples binationaux homosexuels de célébrer leur union sur le territoire français.
Il faut savoir que la loi française ne prévoit pas de visa spécifique pour les mariages. Dans de nombreux cas, ils sont même refusés, car la célébration peut être accomplie dans un autre pays, à la suite de quoi le couple peut faire retranscrire son mariage en France. Ces refus de visa sont généralement liés à une même crainte : celle que l’institution du mariage soit détournée afin de permettre l’immigration de certaines personnes.
Source: Afriquinfos