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La démocratie vue par Alioune Ifra Ndiaye : ‘’Bénkan fanga’’ ou le pouvoir du contrat social et non ‘’bèdièfanga’’ (le pouvoir de tous)

Pour nous, la démocratie est un ‘’benkan’’ – le pouvoir du contrat social – et non un ‘’bèdiè’’ (le pouvoir de tous) l’élu est un ‘’tchidén’’ (un mandataire) et non un ‘’faama’’ (détenteur de pouvoir).

Un des problèmes congénitaux de la dynamique démocratique au Mali a été l’absence d’une politique culturelle destinée à la construction, l’animation et l’entretien d’un univers symbolique en phase avec les valeurs de la démocratie.

Nous nous sommes installés dans une politique culturelle patrimoniale et folklorique, limitant ainsi la culture aux traditions et au divertissement dans l’imaginaire populaire et même dans les plus hautes sphères de prise de décision. Cette orientation a mitigé considérablement la dynamique démocratique du Mali et a contribué à l’émergence de citoyens qui ne définissent généralement leur présent que par le passé ; et très souvent par un passé réécrit au profit des princes du jour.

Rien sur…ce qui fait le Mali concret

Depuis le choix en 1991 de la démocratie comme mode de gouvernance, l’État a déserté l’espace de construction du récit national, laissant ce soin aux griots et surtout aux prêcheurs religieux qui ont inondé les radios, les places publiques et disposant de plus de 30 000 mosquées. Nulle part, par exemple, nous n’avons vu de série télé ou radio sur les valeurs et le fonctionnement du modèle de société choisie (la démocratie), notamment sur une mairie, une assemblée nationale, un hôpital, une Asaco, une caisse d’épargne, une école, des services de justice, des outils modernes de solidarité comme les services de l’Inps ou de l’Amo, un producteur de coton, un commerçant, un avocat, un policier, un mécanicien, un chauffeur ou un apprenti-chauffeur de sotrama, une gargotière, etc… Bref, ce qui fait le Mali concret. C’est grave pour un pays qui ne lit pas !

Je reste persuadé que l’absence de cet univers moderne dans le capital culturel du citoyen malien est l’essence même de notre crise multidimensionnelle. Si nous réglons ce dysfonctionnement structurel, nous aurons résolu une grande partie de notre crise.

C’est pour participer à la construction d’un univers symbolique moderne malien que BlonBa a été créé. Le positionnement de BlonBa est sans ambiguïté. Nous sommes un organe indépendant qui propose du service public culturel et d’éducation à la citoyenneté en partenariat public privé.

C’est comme ça qu’en 2004, nous avons été parmi les initiateurs et au cœur de la mise en œuvre de la Cnec (Campagne Nationale d’Éducation à la Citoyenneté) qui a permis à l’époque de multiplier par trois le taux de participation aux élections municipales de 2004. Dans ce cadre, j’ai créé la mini-série télévisuelle ‘’Fatobougou’’ avec le fantasque personnage ‘’Toundourou’’. Et autour de cette œuvre artistique, nous avons développé une série d’outils pédagogiques qui permettaient au grand public de comprendre le fonctionnement et les enjeux pour eux d’une collectivité locale.

En 2006, comme consultant du Pnud, j’ai été co-auteur du Pnec (Programme National d’Éducation à la Citoyenneté) avec la Canadienne Marie-Josée de Blois. Ce programme, dont l’ancrage institutionnel a été assuré par le ministère de l’Administration Territoriale et des collectivités Locales piloté par le Général Kafougouna Koné, a été écrit pour assurer une suite à la Cnec.

Prise en charge citoyenne du grand public

Dans sa mise en œuvre, à travers un court-métrage, j’ai créé le personnage «Banyengo» pour illustrer l’anti-citoyen. A partir de ce récit, nous avons développé une ligne éditoriale nourrie d’études socio-anthropologiques pour proposer des outils de prise en charge citoyenne du grand public.

C’est dans ce cadre que BlonBa continue à s’inscrire. Nous avons ainsi produit des dizaines d’œuvres, d’événements et de programmes artistiques et culturels avec comme axe éditorial l’éducation à la citoyenneté ; notamment les émissions de télévision comme «A nous la Citoyenneté !», «Citoyens, nous sommes», «Manyamagan», «Case Sanga»… ; des pièces de théâtre comme «Tanyinibougou», «Inch’Allah», «Hórón»,  des films comme Taane, etc.

BlonBa est donc ce laboratoire qui a construit des centaines d’artistes, de techniciens et de managers de la culture. Nous avons également inspiré la plupart des événements culturels actuels au Mali.

A notre humble échelle, nous avons travaillé et continuons à travailler au renouvellement du récit démocratique.

Pour nous, la démocratie est un benkan et non un bèdiè. Pour nous, l’impôt est un ‘’nansongon’’ et non un ‘’nissongon’’. Pour nous, le citoyen est un ‘’horon’’ et non un ‘’fassodén   ’’. Pour nous le contraire du ‘’horon’’ n’est pas un ‘’djon’’ mais un ‘’banyengo’’. Pour nous l’élu est un ‘’tchidén’’ et non un ‘’faama’’.

La fermeture de BlonBa n’est que provisoire 

Les œuvres audiovisuelles «Toundourou», «Banyengo » et «A yé zon bè» sont les illustrations de cette ligne. Elles illustrent aussi les 3 grands principes de fonctionnement d’une démocratie : le respect des règles et des engagements (Banyengo), le consentement à l’impôt (A yé zon bè) et le libre choix des autorités (Toundourou).

Nous sommes déterminés à poursuivre ce travail. Donc la fermeture de BlonBa n’est que provisoire.

Alioune Ifra N’Diaye

Le Challenger
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