Diallo se dit convaincu d’un possible sauvetage de la société, mais indique ne plus pouvoir se battre seul
La société minière Wassoulou’or connaît des moments très difficiles. Le climat social n’y est pas bon et les appréhensions du personnel sont nombreuses. Pourtant tout est loin d’être perdu. Tel est le constat dressé par le président de la société, Alou Boubacar Diallo, dimanche dernier lors d’une conférence de presse sur les difficultés de la société. Le patron de Wassoulou’or n’a rien cherché à cacher sur les incertitudes du moment. Il est, a-t-il dit, le premier à reconnaître l’étendue des problèmes qu’affronte la société. Il faudrait rappeler que Wassoulou’or est une société minière au capital de 171 milliards de Fcfa, détenu à 54 % par Alou Boubacar Diallo lui-même, 25 % par une société de droit allemand, 20 % par l’Etat malien et le reste par deux « petits » porteurs.
La société lancée en 2012 est aujourd’hui engluée dans des difficultés bien plus inextricables que ne l’admet son principal actionnaire. De sa création à ce jour, elle n’a pas réussi à produire le moindre bénéfice. Il faut reconnaître que les circonstances ne lui ont pas été très favorables. Wassoulou’or a en effet été une des victimes collatérales de la grave crise politique et sécuritaire que le pays a connue. Après le coup d’Etat du 22 mars 2012, les cadres expatriés qui y étaient employés avaient commencé à s’interroger sur le danger qu’il y avait pour eux de rester au Mali. La tentative de « contre-coup » du 30 avril qui s’est soldée par un nombre indéterminé de soldats tués notamment dans la troupe des bérets rouges a incité les opérateurs canadiens de faire leur valise. Le départ précipité de ces spécialistes a pris au dépourvu la société qui n’avait pas eu le temps de pourvoir à la relève, a expliqué le président. Wassoulou’or a été très longtemps handicapé par le non remplacement de ses spécialistes. En effet, les techniciens recrutés sur place se sont révélés incapables de tenir les responsabilités qui leur avaient été confiées. La société n’a pas eu plus de succès avec des experts venus du Maroc.
Lourdement pénalisée par le défaut de maîtrise dans son fonctionnement, l’usine n’a jamais pu dépasser les 30 % de sa capacité. La sanction ne s’est pas fait attendre : dans cette branche d’activités, toute société qui n’arrive pas à gagner de l’argent en perd forcément. Les dettes de Wassoulou’or ont donc grossi. Jusqu’à pour atteindre la somme de 168 milliards de francs CFA. Le président Diallo, qui a affirmé avoir une longue expérience dans la gestion de situations difficiles, a entrepris tout ce qu’il pouvait pour sauver l’entreprise. Dans cette opération, il a injecté jusqu’à 115 milliards de ses fonds propres. Ce ballon d’oxygène couvrait 68 % de la dette, donc bien plus que la part de Diallo dans le capital (54 %). Mais cela n’a pas suffi pour faire revenir la société à l’équilibre. Aujourd’hui, Wassoulou’or doit à l’autre actionnaire allemand 38 milliards de franc CFA, aux banques 7 milliards, aux fournisseurs 6,7 milliards. La société est également en retard de paiement d’une somme de 400 millions à l’Etat et à l’INPS.
D’AUTRES SCÉNARIOS DE SAUVETAGE. Alou B. Diallo a assuré s’être démené de tous les côtés pour sortir la société de cette passe difficile. Depuis un certain temps, a-t-il assuré, il dépense 300 millions par mois pour subvenir à certains besoins prioritaires. « Je n’en peux plus », a-t-il avoué. C’est donc contraint et forcé que Diallo a décidé de mettre au chômage technique 230 agents, le temps d’essayer de faire évoluer la situation. Il y a une dizaine de jours un conseil d’administration a été réuni afin d’examiner d’autres voies de salut. Au lendemain de cette session, Diallo s’est envolé pour un pays du Golfe où des partenaires avaient manifesté de l’intérêt pour une participation à Wassoulou’or. Car l’arrivée de nouveaux partenaires avec de l’argent frais est indispensable pour redresser la société. Malheureusement il n’a pas été possible pour les parties en présence d’arriver à la conclusion d’un accord immédiat. Les fils de la négociation ne sont toutefois pas rompus. Entretemps, le patron de la société se penche sur d’autres scénarios de sauvetage qui impliquent des banques maliennes ou des partenaires marocains.
Dans le contexte qu’il affronte, Alou B. Diallo a indiqué ne pas comprendre certaines attaques dont il est l’objet. Aujourd’hui, a-t-il indiqué, certains sous-traitants qui doivent un peu plus de 6 milliards à la société et certains délégués du personnel réclament de lui plus d’efforts pour sauver Wassoulou’or. Ils lui reprochent aussi de financer ses autres sociétés (Pétroma ici au Mali et une autre société minière de droit ivoirien) à partir des fonds de Wassoulou’or. A ses contradicteurs, Diallo a fait remarquer qu’il est certainement la personne qui a le plus à perdre dans la mauvaise santé de la société minière. Il s’est aussi interrogé de savoir par quel tour de passe-passe pourrait-il financer une autre entité à partir d’une société qui ne gagne pas d’argent et qui en perd même beaucoup. L’espoir du patron de Wassoulou’or est de voir d’autres partenaires s’impliquer à ses côtés pour trouver une solution. La situation est telle que certains actionnaires et lui se demandent s’il n’est pas temps que l’Etat prenne des initiatives pour sauver les emplois.
Pour Alou Boubacar Diallo, les grandes difficultés ne sont pas insurmontables par les sociétés minières. Il a rappelé que Kalana, SIAMA, Morila et Tabakoto ont connu des moments au moins tout aussi difficiles que ceux que connaît sa société, mais ont tout recommencé à faire des profits. Certaines unités ont fermé plus de trois fois, mais ont toujours rouvert. Le temps du profit va donc finir par arriver pour Wassoulou’or, mais il faut s’investir et se donner la main. Au plan technique, des initiatives engagées peuvent donner un résultat sous peu. Mais il y a une chose que Diallo assure ne plus pouvoir faire : continuer à renflouer la société.
A. LAM