Une nuée de satellites surveillent la Corée du Nord. Mais celle-ci devient de plus en plus douée pour dissimuler son programme d’armement nucléaire et les analystes qui se servent des images à haute définition prises de l’espace n’ont pas la tâche facile.
L’essai nucléaire de la Corée du Nord du 6 janvier et son tir de fusée dimanche ont mis en lumière l’importance de ce jeu de cache-cache perpétuel.
Les analystes étudiant les données des satellites commerciaux qui tournent autour de la Terre en sont réduits bien souvent à émettre des hypothèses sur les capacités balistiques et nucléaires nord-coréennes car Pyongyang perfectionne ses techniques de camouflage.
Les images satellites existent depuis des dizaines d’années mais furent pendant longtemps à usage quasi exclusif des Etats et des militaires. Ce n’est que depuis le début du XXIème siècle que des images commerciales sont disponibles pour les civils.
Les photos prises par des sociétés comme DigitalGlobe et Airbus DS ont ouvert un champ de possibilités nouvelles pour en savoir plus sur l’un des pays les plus hermétiques au monde.
Le site d’essais nucléaires de Punggye-ri, dans le nord-est, et le site de lancement de satellites de Sohae, dans le nord-ouest, sont les principaux lieux surveillés.
“Dès le début, les demandes d’analyses documentées sur la Corée du Nord surpassaient celles concernant les autre pays, sauf peut-être l’Iran”, explique Allison Puccioni, analyste en imagerie satellite.
“La ferveur, en particulier médiatique, autour du site de Punggye-ri, est inégalée”.
Les analystes doivent être dotés de solides connaissances dans des domaines comme les cycles du combustible nucléaire ou les systèmes d’armements avancés.
Au fil du temps, les Nord-Coréens “ont mis en oeuvre de nouvelles mesures de dissimulation”, poursuit Mme Puccioni. “Ils sont clairement au fait des trajectoires orbitales des satellites et opèrent en fonction pour éviter toute détection”.
Travailler la nuit ou par mauvais temps sont aussi de bonnes façons de se cacher.
Dans un message posté sur le site 38 North de l’Institut américano-coréen de l’université Johns Hopkins, l’analyste Jack Liu relève que le quatrième essai nucléaire nord-coréen a pris la communauté internationale complètement par surprise.
“A la différence de l’essai de 2013, lorsqu’on avait pu constater un regain d’activités les semaines précédentes, très peu d’activité était visible” avant le 6 janvier, écrit-il.
– Une précision améliorée –
“Les Nord-Coréens ont continué d’améliorer leur sécurité opérationnelle et leurs procédures de camouflage, limitant ce qui peut être vu par les satellites commerciaux”.
Le site 38 North est spécialisé dans l’analyse de l’imagerie satellite de la Corée du Nord, étudiée également par Jane’s IHS et l’Institut pour la sécurité internationale et la science de Washington.
Jenny Town, du 38 North, explique que les Nord-Coréens se sont rapidement adaptés aux satellites.
“Ils savent ce qu’on cherche, alors ils ont appris quand il ne faut pas faire les choses”, dit-elle à l’AFP.
Le Nord a recouvert ou déplacé certaines structures pour les cacher aux regards.
C’est le cas en particulier à Sohae. Une fusée peut désormais être transportée, assemblée, érigée sur un pas de tir et échapper aux objectifs.
“On voit du mouvement, mais on ne sait pas ce qui est déplacé, ou si quelque chose est effectivement déplacé”, ajoute Mme Town.
Lors des préparatifs du premier tir réussi de fusée nord-coréenne en décembre 2012, les images satellite avaient montré la fusée à trois étages sur le pas de tir.
L’engin tiré dimanche n’a jamais pu être photographié. Une image datée de la veille montrait simplement un camion qui contenait “peut-être” le troisième étage.
“C’est dû aux techniques de camouflage. Ils n’ont pas montré ce qu’il se passait pendant les heures des satellites”, souligne encore l’analyste.
Les efforts de dissimulation de Pyongyang sont partiellement contrebalancés par les progrès techniques.
En juin 2014, la loi fédérale américaine autorisait les entreprises à vendre des images avec une résolution de 25 centimètres par pixel, soit un degré de précision amélioré de 400% par rapport à l’existant.
Autres outils, les radars et l’imagerie infrarouge. “Avec les radars, on a des retours y compris sur des objets cachés car ils percent les camouflages”, explique Mme Puccioni.
Parallèlement, le nombre d’entreprises qui fournissent ces images augmente. D’ici les cinq prochaines années, environ 70 nouveaux satellites seront lancés, qui s’ajouteront aux 14 engins déjà en orbite. “La constellation sera beaucoup plus vaste”, conclut-elle.
Source: Yahoo