Le rendez-vous du 6 octobre à Prague pour fonder une « Communauté politique européenne » permettra de montrer à Moscou, au reste du monde et à nous-mêmes que nous sommes unis en tant qu’Européens, estime, dans une tribune au « Monde », Luuk van Middelaar, historien et philosophe politique.
Le 6 octobre, les ruelles de la capitale tchèque doivent être le théâtre d’un ballet de voitures officielles, à l’occasion de la réunion au château de Prague de la quasi-totalité des dirigeants du continent pour fonder une « Communauté politique européenne » (CPE). Lorsque le président Macron en présentait l’idée, le 9 mai à Strasbourg, rares étaient ceux prêts à parier sur cette initiative aux contours ambigus. Serait-ce encore un piège français ? La Communauté comme voie de garage pour les aspirants à l’Union, tel est le soupçon qui prédomine alors à Kiev, Varsovie ou même Berlin. Le souvenir d’un projet de confédération lancé par François Mitterrand à la suite du grand choc continental de 1989, peu apprécié en Europe centrale et orientale, plane encore. Au mois de juin, le très symbolique voyage en train à Kiev des dirigeants français, allemand, italien et roumain apporte une première clarification. L’Ukraine appartient à la « famille européenne » et « peut compter sur nous », déclarent Emmanuel Macron et ses homologues. Dans la foulée, le Conseil européen accorde à Kiev le statut convoité de pays candidat à l’adhésion. Cet engagement officiel se révèle indispensable et lève l’hypothèque sur les intentions françaises. A terme et sans ambiguïté, l’Union européenne (UE) offrira le foyer dont l’Ukraine a besoin. Dans les couloirs de Bruxelles, on admet toutefois que l’adhésion prendra du temps : au moins dix ans, peut-être plus. Lire aussi : Les ambitions pour l’Europe d’Olaf Scholz Puisque l’Union n’est pas en mesure d’offrir dès aujourd’hui à l’Ukraine cet ancrage vital, il faut inventer une autre communauté, plus large et à effet immédiat. Fin août, le chancelier allemand se rallie au projet lors de son discours à l’université Charles de Prague. Olaf Scholz souligne que « communauté politique » et « adhésion » sont deux voies distinctes mais parallèles. La première ne doit pas être « une alternative au prochain élargissement de l’UE », mais un forum « d’amis et partenaires », permettant un échange régulier au sommet. Nouvelle ligne de démarcation La guerre de Poutine transforme profondément le continent européen, qui se réorganise à Prague. Une nouvelle ligne dure de démarcation le traverse désormais, ce qui rend intenable la situation des Etats pris entre les deux blocs – l’Ukraine, mais aussi la Moldavie, la Géorgie et la Biélorussie. Il n’y a plus de place pour l’ambiguïté stratégique. Dans ce contexte, le soutien au peuple ukrainien ne passe pas uniquement par la livraison d’armes, l’accueil des réfugiés et les sanctions contre Moscou. Afin d’assurer l’avenir de l’Ukraine en tant qu’Etat, il faut en outre lui offrir une nouvelle place géostratégique dans le « concert européen ». Il vous reste 58.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source: Le Monde