Créée par l’ordonnance n°2014-003/P-RM du 15 janvier 2014, la nouvelle Commission vérité, justice et réconciliation, au lieu de la commission Dialogue et réconciliation tarde à voir le jour. Le Projet soumis à l’assemblée nation ale pour être ratifié attend toujours et ses 15 membres inconnus du grand public. Faisant l’objet d’une promesse du président IBK après son élection à la magistrature suprême, cette commission sera chargée d’une lourde mission et doit se plonger dans l’historique des rebellions de 1960 à 2013. Elle doit mener des enquêtes approfondies sur les cas de violations graves des droits de l’Homme perpétrées dans le pays, rechercher et établir la vérité, et proposer des modes de réparation. Elle aura aussi pour mission de mener des investigations et enquêtes sur les cas d’atteinte à la mémoire individuelle et/ou collective et au patrimoine culturel.
La commission sera chargée de sensibiliser les populations refugiées à l’extérieur à regagner le Pays, favoriser le dialogue intra et inter communautaire, la cohabitation pacifique entre toutes les communautés et restaurer le dialogue entre les populations et l’Etat. Elle s’attèlera à promouvoir auprès des communautés le respect de l’Etat de droit, le respect des valeurs de la République, de la démocratie, des valeurs socioculturelles et le droit à la différence.
Cependant et à mon humble avis, cette commission Vérité Justice et réconciliation aurait bien pu garder l’autre segment de son appellation –Dialogue- car les trois autres segments ne sauraient être que le résultat du dialogue d’abord. L’exemple le plus réussi auquel nous avions assisté est celui de l’Afrique du Sud.
De nos jours, il est de plus en plus question de commissions vérité-réconciliation. Ces commissions ont généralement pour mission de faire le point sur des périodes historiques du Pays, périodes qui ont été caractérisées à un moment ou à un autre par soit une guerre civile, une répression autoritaire, de la torture, des violations des droits humains etc. Dans les pays qui ont connu ces crises il a été difficile d’incriminer, d’accuser formellement, ou de punir un individu ou un groupe d’individus. Ce sera tout aussi difficile pour notre commission qui ne dispose pas de documentation précise, ni d’informations et qui traitera de dossiers dont certains acteurs ( bourreaux ou victimes) ne sont plus de ce monde. Dans tous les cas, la création d’une commission vérité-justice- réconciliation demeure une solution modérée, plus ou moins satisfaisante. La commission au lieu de chercher à établir une culpabilité, ou à retracer tout le conflit, favorisera plutôt le dialogue et la réconciliation nationale. Pour la réussite de sa mission, elle ne doit pas dans un premier temps se focaliser sur l’approche pénale ou le langage de la justice criminelle. Elle cherchera surtout à faire la lumière sur les événements du passé, sur les circonstances et sur les conséquences. Elle cherchera la justice, naturellement pour ainsi dire, éviter l’impunité des coupables et pour réhabiliter les victimes, parce qu’après tout une commission ne fait que renforcer et consolider un processus de paix encore fragile, mais elle doit prôner plus une justice réparatrice qu’une justice punitive.
Une commission vérité-justice-réconciliation doit enfin être suffisamment flexible. Elle doit tirer sa compétence du pouvoir de l’État, être temporaire, et disparaitre en aboutissant à son objectif final. Ce qui n’empêchera pas qu’une institution permanente, lui succède et reprenne ses principes et valeurs.
Au plan purement social la commission vérité-justice-réconciliation doit mettre en place un dispositif de consultation et d’échange dont la finalité serait d’amener les citoyens d’un pays à se parler, à débattre et plus tard à s’approprier le processus, parce que la paix elle-même est un processus.
Enfin les techniques, les stratégies les plus performantes, les plus savantes ne nous seront d’aucune utilité si les populations ciblées par ce dispositif, ne se sentent pas concernées, ou dignement représentées au sein de cette commission. C’est seulement à la connaissance de ce que nous voulons et souhaitons pour nous même, que cette commission pourra élaborer un programme, ou amorcer une démarche qui pourrait obtenir notre adhésion. Je crois même que c’est plutôt les communautés elles-mêmes qui doivent proposer à travers leurs élus locaux et les chefferies traditionnelles, les personnes qui siègeront au sein de cette commission. Ce qui facilitera l’adhésion des communautés.
Seul un citoyen convaincu de la pertinence d’une démarche, d’un projet, acceptera d’y prendre part, car il aura été mis en confiance par les hommes porteurs de ce projet.
Une commission Vérité-justice- réconciliation dépend enfin de ses capacités à mettre en œuvre un programme, à amorcer un débat inclusif, consultatif et participatif des populations. Seul le caractère inclusif du dialogue peut garantir le succès du processus, le valoriser, et réduire les tensions, par la restauration des rapports interethniques, intra et inter-communautaires. Une commission Vérité-justice- réconciliation dépend donc, et en grande partie, des hommes qui la composent.
A mon humble avis, cette Commission Vérité-justice- réconciliation doit être avant tout une plate-forme d’écoute, de reconnaissance des torts, faits aux victimes, à toutes les victimes, rechercher la vérité, identifier les causes des événements, évaluer leurs préjudices sur la vie des victimes, et évaluer les réparations morales et matérielles.
La commission doit comprendre des représentants de toutes les couches sociales du Pays, mais surtout de ressortissants du Nord. Elle doit être animée par des hommes intègres, d’une grande probité morale et surtout des hommes écoutés par leurs communautés. Le problème est d’ordre national, et tout le peuple malien en souffre, mais le théâtre de la tragédie demeure le Nord, et comme disait Nelson Mandela « Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi ».
Enfin, seul notre engagement en tant que MALIENS TOUT COURT déterminera notre coexistence pacifique, sans interférences, sans ingérence, une coexistence pacifique, fondée sur le développement de la démocratie, et l’esprit citoyen, au détriment du sentiment d’appartenance communautaire.
Qu’à cela ne tienne !
Mohamed Ould Sidi Mohamed (Moydidi)
jekaniya@yahoo.fr
Nouakchott – Mauritanie