Tout en restant impassible dans son lamento sur l’application poussive de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, la Coordination des mouvements armés (CMA) a trouvé le moyen de frapper un grand coup et provoquer l’émoi au sein d’une opinion fleur de peau avec l’annonce de la création, dans le Gourma, d’une Zone de Défense et de Sécurité relevant de l’Etat-major Général de la CMA. Il y a-t-il matière à chicaner ?
Conformément aux dispositions de sa charte et sur convocation de son Président en exercice, Monsieur Alghabass AG INTALLA, le Comité Directeur de la CMA s’est réuni en session ordinaire les 25, 26, 27 et 28 Janvier 2021 à Kidal. Deux point étaient incrits à l’ordre du jour de cette rencontre : le bilan des activités durant les 7 derniers mois et états des lieux à ces jours ; la passation solennelle des consignes entre le président en exercice Alghabass AG INTALLA et le président entrant Sidi Brahim OULD SIDATT.
Au terme de la rencontre, une feuille de route qui se décline sous deux axes principaux, à savoir politique, militaire, a été adoptée. Sur le plan militaire, les participants ont recommandé : ‘’la création de 2 zones militaires dans la Région de Gao (le Haoussa et le Gourma) avec une coordination unique’’
Aussitôt dit aussitôt fait. Dès le lendemain des assises, le président entrant de la CMA, Sidi Brahim Ould SIDATT, par Décision N°011/Pdt CMA Portant création de la zone du Gourma, prescrit : ‘’il est créé dans le Gourma une Zone de Défense et de Sécurité relevant de l’Etat-major Général de la CMA dans le but de mieux contribuer à la sécurité des personnes et de leurs biens en partenariat avec les forces nationales et internationales’’.
Sur la forme, il serait difficile de déceler une bravade dans cette décision de la CMA. En effet, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger stipule en ses article 29 et 30 : ‘’les Parties réitèrent leur engagement à combattre le terrorisme et ses multiples connexions que sont le crime organisé et le trafic de drogue, y compris à travers les stratégies et mécanismes régionaux existants’’ ; ‘’les Parties conviennent de la mise en place, en tant que de besoin, d’unités spéciales aux fins de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée’’.
Donc, c’est l’Accord qui est la ‘’base légale’’ de l’engagement de la CMA dans la lutte contre les terroristes. Et c’est certainement en surfant sur cette ‘’légalité’’ que la sécurisation de certains centre de vote est sous-traitée aux mouvements armés qui viennent en appoint aux Forces de défense et de sécurité nationales.
L’opération «Ménaka sans armes» est une autre illustration de la collaboration entre les FAMa et les mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Selon une répartition des positions, les FAMa et les Casques bleus de l’ONU patrouillent en ville. Quant aux combattants du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), du «GATIA», ils tiennent une dizaine de check-points aux alentours de Ménaka. « On a mis une ceinture tout autour de Ménaka pour que tout ce qui entre ou sort puisse être contrôlé », explique Moussa Ag Acharatoumane, le leader du MSA.
Alors, faudrait-il jouer à la vierge effarouchée et lancer des cris d’orfraie, parce que d’autres mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation sont déterminés à renforcer la sécurité des personnes et de leurs biens ?
Sur le fond, c’est une mission régalienne de l’Etat qui abdique sur ses prérogatives qui est accomplie par des mouvements armés qui ne devraient avoir aucune existence légale. La faute à des ambiguïtés dans l’Accord pour la paix et la réconciliation qui permet aux FAMa et à des mouvements armés d’agir concurremment.
En cause également, l’attitude conspiratrice et expansionniste de la CMA qui ne concourt nullement au sacro-saint principe un pays une armée. Une turpitude qui est exacerbée par une bonne dose de forfanterie et de brocarde. Qu’est-ce que cela aurait coûté à la CMA de créer ses Zones de Défense et de Sécurité sans mettre l’opinion en ébullition par une propagande inutilement irritante, un effet d’annonce, trop risqué, politiquement improductif? Rien.
Au-delà des réactions épidermiques, une analyse froide de la situation révèle un Comité Directeur qui agit en tant que Gouvernement qui s’assume pleinement. Ce qui fait revivre l’image cauchemardesque d’un état dans un Etat. Et là, il ne s’agit pas de procès en sorcellerie, mais d’un fait aux allures de ballon d’essai, un autre d’une série.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : INFO-MATIN