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La chronique satirique de Tiekorobani : 20 nouveaux généraux sur la liste d’attente

En nommant, à titre exceptionnel, au grade de  général le capitaine Sanogo et d’autres, Koulouba ouvre une loi des séries qui l’oblige à promouvoir une multitude d’autres officiers. Avec, à la clé, le risque de vider la marmite nationale

L’armée malienne bat tous les records mondiaux de généraux au regard de ses ses maigrGalons

es effectifs et des tout aussi maigres ressources de l’Etat. De Modibo Kéita, père de l’indépendance, au « Vieux Commando », en passant par Balla, l’homme aux boubous brodés, la liste des généraux n’a cessé de s’allonger comme la route Bamako-Ségou. Au 22 mars 2012, date de la fuite nocturne du« Vieux Commando », on comptait 63 généraux et assimilés dans l’armée (rien de moins !) et dans la police (on les appelle ici inspecteurs généraux).

 

Des galons qui  coûtent cher

 

Si un général se contentait de porter des galons de  velours teints à l’indigo ou au kaolin, nul ne s’en plaindrait. Cela aurait d’ailleurs fait le bonheur de nos teinturières traditionnelles et de la COMATEX de Ségou. Mais il se trouve que tout général, qu’il soit de brigade ou de corps d’armée, est logé, nourri et blanchi  aux frais du contribuable. Et quand je dis logé, nourri et blanchi, cela veut bien dire logé, nourri et blanchi ! Cérise sur…le galon, notre général gagne un salaire mensuel respectable (environ 500 000 FCFA), des indemnités (pour quelles blessures ?), des frais de mission (même s’il s’agit  juste d’effectuer le tour d’une caserne), des véhicules (pour le tourisme ?) et du carburant à foison (un vrai émir pétrolier, hein ?). Sans oublier le personnel affecté à sa garde et les autres commodités : électricité et eau gratuites. En deux mots, ces hauts gradés coûtent au trésor public autant que des ministres d’Etat.Petite différence cependant: un ministre travaille jour et nuit, de peur d’être limogé ; par contre, un général reste général jusque dans la tombe, en temps de paix comme en temps de guerre; il garde ses galons même s’il  s’enfuit par flanc de colline  comme dans le cas du« Vieux Commando ») qui se repose de sa longue chevauchée nocturne à Dakar.

 

 Pourquoi cette épidémie de généraux ?

Si l’éminent biologiste Louis Pasteur vivait encore, il aurait peut-être identifié le virus responsable de l’épidémie de généraux qui frappe nos contrées. Ce virus s’avère, en tout cas, plus difficile à dépister que celui de la rage car on se serait attendu à des promotions après une victoire militaire, mais non après une défaite. Je constate, pour ma part, que la plupart de nos généraux doivent leur grade, non à une carrière bien remplie sur les dunes de sable du nord ou dans les montagnes du sud, mais plutôt à une promotion exceptionnelle. La loi a institué ce genre de promotion pour gratifier des officiers qui, par leurs hauts faits d’armes, ont mérité la reconnaissance de la patrie. Chez nous, les faits d’armes en question ne consistent ni à ramener sur un plateau kaki la tête du jihadisteIyad Ag Ghali ni à donner la chasse au terroriste Belmokhtar; on préfère sous-traiter ces ingrats travaux aux commandos français et tchadiens et prendre un raccourci: le putsch. Sous nos cieux, un putsch assorti d’un bon communiqué à la télévision suffit à bénéficier du festin, pardon !, de la promotion exceptionnelle. Cela ne date pas d’hier. Ainsi, Balla, après avoir déposé Modibo Kéita et ses miliciens, a été tellement applaudi que la population n’a pas remarqué qu’entre-temps, le brave lieutenant passait général d’armée. Le « Vieux Commando », pour avoir renversé Balla, est passé de lieutenant-colonel à général de brigade. Sur la foi de cette jurisprudence du galop militaire, l’homme qui a mis le« Vieux Commando » en fuite a bondi de sept grades : de capitaine à général de corps d’armée ! Pour justifier ces sauts olympiques en grades, galons et… gâteaux, le gouvernement met la Constitution entre parenthèses et sert au bon peuple des salades du genre « services rendus à la nation » et patati et patata !

 

Eh bien, puisqu’ils sont déjà là et qu’on ne peut plus les ramener au rang de caporaux, à quoi servent-ils, tous ces généraux ?

 

A manger et à boire en paix, bien sûr ! En effet, craignant comme la peste les généraux promus par le« Vieux Commando », l’ex-junte les a mis au placard : les uns se morfondent dans des bureaux au milieu des paperasses; d’autres ne font strictement rien de leurs dix doigts; le reste du contingent prend du thé vert de Chine à longueur de journée ou passe le plus clair du temps à se mirer dans ses étoiles rendues inutiles par le putsch. Résultat: le contribuable entretient en pure perte la majorité des généraux du « Vieux Commando ». Quant aux généraux promus sous Balla, les deux tiers ont depuis longtemps passé l’arme à gauche : on ne peut pas, même par décret, interrompre leur dialogue avec les anges d’Allah Soubahanawatallahpour leur confier des troupes ! Les généraux promus sous Alpha Oumar Konaré ? La plupart se trouvent à la retraite et, de toute façon,  l’ex-junte ne les consultait pas, les confondant aux amis du « Vieux Commando ». C’est dire qu’en fait, les vrais généraux en activité sont ceux nouvellement promus par Dioncounda Traoré et LadjiBourama. Les autres n’existent que sur le papier de…paie ou de pension.

 

 

Loi des séries

 

Dioncounda a été atteint par le syndrome de Stockholm en tombant sous le charme des putschistes. Il a pris sa plus belle plume pour décréter, le 14 août 2013, la nomination du capitaine Sanogo au grade de général de corps d’armée et du colonel Moussa Sinko Coulibaly au grade de général de brigade. Ces impressionnantes personnalités rejoignaient ainsi dans le sérail des généraux deux de leurs amis ex-putschistes: l’ex-ministre de la Défense Yamoussa Camara et l’actuel chef dc’état-major général des armées Ibrahim Dahirou Dembélé, promus aux premières heures de la Transition.Eminent mathématicien, Dioncounda s’est rendu vite compte que son équation promotionnelle souffre d’une inconnue: il a, par conséquent, rajouté à la liste des heureux généraux le colonel-major Didier Dacko qui, lui, n’avait pas participé au putsch du 22 mars 2012.

 

 

En procédant à ces nominations, le président de la Transition a oublié une règle militaire de base: toute élévation d’un officier en grade impose presque toujours d’accorder une promotion similaire à ceux qui se trouvent dans la même ou dans une meilleure situation professionnelle que lui. Cette règle tend à éviter les jalousies, les frustrations et l’indiscipline qui en découle. Par exemple, on peut difficilement justifier, selon les standards militaires, la promotion au grade de général du capitaine Sanogo et du colonel Moussa Sinko Coulibaly alors que deux de leurs frères d’armes (et de putsch) restaient simples colonels : le ministre des Transports Abdoulaye Koumaré et le directeur de la Sécurité d’Etat Sidy Alassane Touré. De même, on ne peut promouvoir en grade le colonel-major non-putschiste Didier Dacko et priver de ce privilège deux autres officiers non-putschistes ayant combattu au nord à ses côtés : le colonel-major arabe Mohamed AbdrourahmaneOuldMeydou et le colonel-major touareg El-Hadj Ag Gamou. C’est pour réparer ces torts que le nouveau président, LadjiBourama, a décrété, le 18 septembre 2013, l’accession, à titre exceptionnel,  au grade de général des colonels Koumaré, Sidy Alassane Touré, Gamou et OuldMeydou. Sachant que les caisses de l’Etat sont, pour le moment, vides comme un pot de mendiant, LadjiBourama annonce que la mesure de promotion entre en vigueur à partir du 1er octobre 2013. Chemin faisant, LadjiBourama a tenu à réparer un autre tort à nommant au grade de général deux très vieux colonels-majors qui, sans sa charité islamique bien connue, seraient partis à la retraite en cet état: SadaSamaké, actuel ministre de la Sécurité, et Salifou Koné, gouverneur de Kidal lors de la chute de cette région en 2012 et secrétaire général sortant du ministère de la Défense.

 

 

LadjiBourama, en prenant  ce décret, croyait en avoir fini avec les généraux et pouvoir tranquillement égrener son chapelet, inch Allah.

 

Erreur ! Je le répète, cette affaire de promotions est un puits sans fond. Elle ouvre une loi des séries qui oblige de nommer encore et toujours plus de généraux. Qu’on en juge ! Les généraux récemment promus, de Sanogo à Gamou en passant par OuldMeydou et consorts, dépendent du commandement d’Ibrahim Fané, le chef d’état-major de l’armée de terre qui, fort curieusement, reste colonel ! Il va donc falloir le promouvoir lui aussi et en vitesse. Et Fané ne peut devenir général en laissant dans le lac le chef d’état-major de l’armée de l’air, le colonel Bamba, et le chef d’état-major de la garde nationale, le colonel Moussa Diawara. Or lesdits colonels – Fané, Bamba et Diawara – n’ont pas plus de droit à porter des étoiles de général que les chefs d’états-majors assimilés qui, aujourd’hui, valent une grosse vingtaine. Le saviez-vous ? Ont rang de chefs d’états-majors assimilés les hauts galonnés suivants:

 

– l’adjoint du chef d’état-major général de l’armée;

 

– le directeur du service social des armées;

 

– le directeur du génie militaire;

 

– le directeur du service de santé des armées;

 

– le directeur du service des transmissions et des télécommunications des armées;

 

-le directeur du commissariat des armées;

 

– le directeur de l’information et des relations publiques des armées;

 

-le directeur du musée des armées;

 

– le directeur des écoles militaires;

 

– le directeur de la sécurité militaire;

 

– le directeur de la musique militaire;

 

– le directeur de la gendarmerie nationale;

 

– les conseillers techniques (militaires) du ministre de la Défense (leur nombre frôle la dizaine).

 

Nul besoin d’un satellite de la NASA pour voir qu’une interminable file d’attente s’est déjà formée devant la porte des généraux .

 

Au bout du compte, notre pays atteindra bien une centaine de généraux. Sans compter  les colonels qui, de retour de formation à l’étranger, exigeront des galons supérieurs. De là parler d’armée de généraux, il n’y a qu’un pas, n’est-ce pas ? Après tout, si chaque Malien pouvait avoir un général dans sa rue, il dormirait tranquille et LadjiBourama aurait tenu son pari. Petit problème de détail: un adulte, au Mali ou ailleurs, ne dort point quand il a la faim au ventre. Or au train où vont les choses, les généraux risquent de vider la marmite nationale !

 

Tiékorobani

SOURCE: Procès Verbal
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