Cette décision est hautement responsable, parce que le désormais ex-ministre de la Justice a été d’abord trahi par les siens dans l’affaire dite « Ras Bath », en l’occurrence par le Procureur Général, nommé par ses soins
Tard dans la nuit du lundi 27 novembre, les réseaux sociaux ont annoncé la démission du brillant ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Mamadou Konaté. Trente minutes après, l’ORTM, la passion du service public a confirmé l’information, à travers la lecture d’un Décret présidentiel remplaçant le démissionnaire par Hamidou Younoussa Maiga. Une page venait d’être tournée pour l’équipe Abdoulaye Idrissa Maiga (AIM), une nouvelle ouverte pour le célébrissime avocat, inscrit quelques mois avant sa nomination, au barreau de Paris. Après seize mois de bons et loyaux services pour la République, « Troutit » pour les intimes a pris une décision responsable en démissionnant du Gouvernement AIM.
Cette décision est hautement responsable parce que Me Konaté a été d’abord trahi par les siens dans l’affaire dite « Ras Bath », en l’occurrence par le Procureur Général, nommé par ses soins. Celui-ci relève directement du ministre et ne doit prendre des directives qu’avec ce dernier. Malheureusement, le procureur a reçu d’autres instructions différentes de celles de son ministre de tutelle. Résultats : Ras Bath a bénéficié d’un non-lieu dans la mesure où les éléments censés le compromettre n’ont pas été produits par le parquet général. De façon timide, celui-ci a demandé un report sans conviction. Il ne sera pas suivi par la Cour, sans grande surprise. Les dés étaient déjà pipés. Alors question : Pourquoi le parquet général, sachant bien la date du procès, n’a pas préparé ce dossier conformément à l’éthique et à la déontologie ? N’y a-t-il pas eu un sabotage, sachant bien que le poursuivant n’est autre que le ministre de la Justice, initiateur de la plainte?
Devant une telle situation, un homme honnête et digne ne pouvait pas rester indifférent. Me Konaté est bien de cette race. Il n’est donc pas étonnant pour ceux qui le connaissent et connaissent son parcours que « Troutit » démissionne.
Une démission, il faut le répéter, hautement responsable. Il a su prendre la mesure du sens de l’arrêt. En clair, il a été désapprouvé à la fois par le juge et le politique. C’est pourquoi, on le trouve amer dans sa lettre de démission en caractérisant la situation actuelle par : « l’ambiance délétère du moment nous conduit à courber l’échine devant les anomalies, à fermer les yeux devant les violations et à accompagner ces anomalies de peur des affres de troubles et de violations de rue. Le régime en donnant échos à une telle vertu se sauve sans la République… ».
Me Konaté avait le choix de se soumettre ou se démettre. Il a préféré dignement la dernière option en tant que praticien pur et dur du droit. Un homme politique aurait pu accepter d’avaler ces couleuvres. Un homme de droit, de réputation internationale (n’en déplaise à ses détracteurs) ne peut pas s’accommoder avec des violations répétées de droit sans réagir convenablement. Les latins disent : Dura lex sed lex (la loi est dure mais c’est la loi). Malheureusement avec le gouvernement Abdoulaye Idrissa Maiga, l’application de la loi est la chose la moins partagée. Ceux qui ont tué, violé, volé, pillé se promènent tranquillement dans la République, sans être inquiétés. Un ministre de la Justice, de la trempe de Me Konaté, très engagé et déterminé à combattre ces maux, ne peut pas continuer à s’arranger avec « un piège sans fin ». Il ne peut donc pas exercer sa fonction de ministre comme il l’entendait. Il a donc fait le meilleur choix de partir parce qu’il ne peut assumer une telle mission que s’il avait les mains libres. Ce qui n’était manifestement pas le cas. La primature d’Abdoulaye Idrissa Maiga détient la réalité du pouvoir judiciaire, au grand dam de Montesquieu, et bien sûr de Me Konaté.
A suivre
El Hadj Chahana Takiou
22 Septembre