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Karidjigué Laïco TRAORE : «Etre franc avec les gens, c’est leur indiquer la voie à suivre pour réussir»

Né à Ouahigouya en Haute Volta, actuel Burkina Faso, en 1946, de Djigui Laïco Traoré, qui était instituteur dans ce pays, Karidjigué Laïco Traoré est un artiste complet qui maîtrise presque toutes les formes d’expression culturelle. Au cours de sa riche carrière, il a été créateur, artiste, directeur des Arts, enseignant. Aujourd’hui, après avoir passé onze ans à l’ORTM, Karidjigué Laïco est à la retraite. Il est marié à trois femmes, dont deux résident à Bamako et une à Paris, et père de onze enfants. Nous l’avons rencontré le premier maître de cérémonie de la République du Mali, des premières biennales à la dernière édition Sikasso 2010, il reste modeste, toujours égal à lui-même. Et malgré son âge, il a conduit sa moto jakaarta pour nous rejoindre à Le Reporter, pour cette interview sur sa vie.

Karidjigue laico traore instituteur artiste Conservatoire arts multimedia Balla Fasseke KouyateQui est Karidigué Laïco Traoré ? 

Karidjigué Laïco Traoré : Je suis un Technicien Supérieur des Arts et de la Culture à la retraite. J’enseigne la danse traditionnelle au Conservatoire des arts multimédia Balla Fasséké Kouyaté et à l’Institut national de la jeunesse et des sports. J’assure aussi la fonction de maître de cérémonies de temps en temps. J’encadre des groupes, je participe à l’encadrement et à l’organisation de certains festivals.

Comment êtes-vous arrivé dans le monde de la culture ?

Je crois que cela m’est venu depuis que je suis tout gosse. Une fois, alors que j’avais six ans, mon père, qui était instituteur à Ouahigouya au Burkina Faso, m’a conduit à un spectacle de Kéïta Fodéba. C’est un spectacle son et lumières et il y avait des chants et des danses qui m’ont captivé. J’ai commencé à fredonner ces chants, à exécuter souvent certains pas de danse. Mon père a dit “Oh ! celui-là, il finira par faire du théâtre”. Par la suite, je suis monté sur scène à l’âge de 11 ans. C’était à Nara, à l’école fondamentale, pour la pièce de théâtre de fin d’année. J’ai eu une intuition que de grands metteurs en scène ont utilisée après. J’étais sur scène, j’ai eu envie de descendre dans le public. Je suis descendu et j’ai fait mon jeu. Après, j’ai été sérieusement grondé par mon grand-frère qui, à l’époque, était dans l’encadrement. J’ai fini par véritablement embrasser la vie du théâtre. Voilà comment je suis venu dans ce monde. Quand j’étais instituteur, j’ai participé aux activités des troupes locales à Bafoulabé, Kita, à la troupe régionale de Kayes, aux semaines de la Jeunesse, à la Biennale, etc.

Pouvez-vous nous dire le nombre de films dans lesquels vous avez joué ? 

Non, pas avec exactitude. Le premier film dans lequel j’ai joué c’était “Baara” de Souleymane Cissé, avant “Finyé” du même réalisateur, “Siya, le rêve du python”, “Kabala”, “Ba faro”. Il y a aussi les feuilletons comme “N’Tonronkélé”, “Sanoudjé” et j’en oublie.

Vous êtes aussi réputé dans le monde de la culture pour votre franc-parler ?

Si vous ne parlez pas franchement aux gens, vous les mettez sur de fausses pistes. Quand vous dites à un artiste qu’il est très bon, je dis : parlez-lui franchement. Cela ne veut pas dire tout le temps d’insulter les gens, de les réprimander. C’est plutôt leur montrer les voies à suivre afin qu’ils puissent réussir. Par exemple, ceux qui commencent à chanter, se qualifient d’artistes au bout de deux ans. Si vous prenez l’étymologie, le sens même du mot, artiste veut dire quelqu’un qui possède son art. À un an, deux ans d’exercice, on ne peut pas posséder son art, on n’est pas encore un artiste. Quand vous dites à ces gens d’apprendre, parce qu’ils n’ont pas encore fini de le faire, ils pensent que vous voulez les diminuer, alors que moi, à soixante et un ans, je continue d’apprendre, je n’ai pas fini d’apprendre. Les artistes sont comme les vieilles marmites, qui font toujours la meilleure sauce. C’est ce que je répète aux jeunes artistes, mais nombre de ceux qui commencent cette année veulent, dans deux ans, être des internationaux, avoir tout l’argent du monde tout de suite. Cela n’est pas possible. Il faut donc leur dire la vérité, pour qu’ils se remettent en cause et puissent être sur bonne rampe de lancement.

Comment avez-vous pu intégrer l’ORTM ? 

De 1982 à 1991, j’étais pratiquement le seul maître de cérémonie de la République du Mali, je cornaquais toutes les grandes manifestations, comme les Biennales. Puis, j’ai été nommé directeur du Ballet National, directeur du Théâtre National, directeur national du Théâtre et des Marionnettes pour Enfants. Cela m’a permis de connaître les artistes. À l’époque, l’ORTM voulait relancer une émission qui s’appelait “L’artiste et sa musique”, lui donner un nouveau souffle. L’ORTM a demandé à que je vienne pour le faire. À l’époque, je dépendais du ministère de la Culture. C’était après les événements de 1991. Un de mes camarades de  promotion était directeur de l’Office, c’était Abdoulaye Sidibé, un ami, Daouda N’Diaye, était directeur de la télé. Il y avait aussi Mamadou Koly Keïta. Ils ont manifesté le désir de me voir venir à la télévision pour présenter cette émission et je me suis retrouvé à l’ORTM.

Pendant combien de temps ? 

Je suis arrivé à l’ORTM en 1995 et j’y suis resté jusqu’à ma retraite, le 1er  janvier 2006. J’ai donc passé 11 ans à l’ORTM et j’en ai profité pour créer deux émissions, dont “Dallol” sur les danses traditionnelles. Je vous ferai remarquer que je fus le premier à donner un nom de chez nous à une émission de télé, toutes les autres portaient des titres en français. Dallol est un mot tamasheq qui veut dire la danse. J’ai aussi créé ” Histoires et légendes “, qui n’est pas allé très loin. Il y a eu beaucoup de calomnies. On a dit que je disais sur les antennes que les gens ne connaissaient rien, qu’ils ne valaient rien. On a tout dit. Les émissions sont enregistrées, on peut s’y référer. Je suis enseignant avant d’être animateur à la télévision. Un enseignant sait punir. Il sait dire les choses pour que les gens se corrigent, mais un enseignant ne dit jamais «ce n’est pas bon». Il dit toujours “c’est passable, c’est à peu près ça, tu peux faire mieux”.

Comment appréciez-vous l’éclosion des festivals dans notre pays ?

Je vois ça en bien. Mais je dis une chose : le développement de notre culture ne passera pas par les festivals, tels que nous les avons aujourd’hui. Cela n’engage que moi. Je dis que, concernant le développement de notre culture, depuis les premières années de l’indépendance de la République du Mali, j’ai l’impression qu’on a mené une politique plus artistique que culturelle. J’appelle politique culturelle une politique qui se baserait sur nos traditions. Je veux parler de nos villages, de nos villes, de nos gros villages. Je veux parler du N’Domo, qui était une base culturelle à laquelle une certaine génération participait et évoluait. C’était comme à l’école européenne : vous commenciez par le primaire pour vous retrouver au supérieur. Cette classification était naturelle dans nos sociétés. Pourquoi, à un certain moment, n’a-t-on pas approché les connaisseurs, les grands savants de chez. Car il y en a ! Nos grands intellectuels n’ont pas assez cherché comment on pouvait valoriser ces choses, les faire évoluer et les inscrire dans le système moderne. Par exemple, j’ai été ravi d’entendre le docteur Simaga évoquer le Japon. C’est un pays développé aujourd’hui, mais le petit Japonais, quand il rentre à la maison, se déchausse pour saluer ses parents. C’est un élément de la culture de ce Japonais. Le Japon s’est basé sur sa culture pour se développer. Je pense que nous aussi nous pouvons le faire. Les festivals, c’est très bien, mais ils devraient s’intéresser beaucoup plus à l’élément culturel qu’à l’élément artistique.

Comment vivez-vous votre retraite ? 

J’ai coutume de dire que je suis un retraité mal traité, parce que maintenant je bouge beaucoup plus que quand je travaillais. Aujourd’hui, vous me rencontrez à Ségou. La semaine dernière, j’étais à Mopti, pour la rentrée culturelle. Ces gens pensent que je peux encore servir, donc ils m’utilisent. En outre, comme je vous l’ai dit, j’enseigne au Conservatoire, à l’INJS. J’assure six heures de cours par semaine. C’est pourquoi je dis que je suis un retraité mal traité, mais c’est bien. C’est le travail et je m’en sors bien.

Un mot pour la fin ? 

Je pense tout d’abord que nous sommes sur la bonne voie par rapport au développement de nos éléments artistiques et culturels. Mais il faut que nous percevions qu’il est indispensable que nous inscrivions ce développement dans les Nouvelles technologies de l’information, les NTIC. C’est très, très important. Je ne connais pas bien les NTIC, mais aujourd’hui je sais que ça peut permettre d’avoir ce que vous les connaisseurs vous appelez le village planétaire. Il faut que chacun ait sa place dans ce village. La mondialisation c’est bien, mais il faut que chacun y apporte sa part, comme le disait le président Modibo Kéïta. Lorsque j’étais plus jeune, les échanges culturels constituaient l’oxygène des civilisations. Grâce aux NTIC, ils peuvent être plus rapides et beaucoup plus fiables.

Kassim TRAORE

Source: Le Reporter

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