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Kamissa Camara, cheffe de la diplomatie Malienne : « La MINUSMA n’a pas vocation à rester »

Invitée de TV5 Monde la semaine dernière, Mme Kamissa Camara estime s’inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs tout en réadaptant la Diplomatie malienne et l’outil diplomatique «qui a d’ailleurs besoin d’être mis à jour, en fonction de nos intérêts stratégiques à travers le monde».

Mme Kamissa Camara est aujourd’hui l’une des plus jeunes Ministres du continent africain. Elle détient l’un des portefeuilles clés du Gouvernement Soumeylou Boubèye Maïga, celui des Affaires Etrangères et de la Coopération internationale. Femme issue de la diaspora malienne, la jeune Ministre a fait un tour d’horizon des sujets cruciaux de la vie du pays sur les antennes de TV5 Monde.

 

TV5 : On vous présente comme le nouveau souffle de la Diplomatie malienne. C’est à ce statut que vous vous assumez ?

 

La Ministre Kamissa Camara: C’est à ce statut que j’ai la lourde tâche d’assumer. La tâche du Ministre des Affaires étrangères est de défendre l’intérêt du pays et de ses citoyens à l’étranger. J’ai la belle tâche de remplir, donc, de défendre l’intérêt du Mali et des Maliens à l’étranger.

 

Pourquoi on parle de nouveau souffle ?

 

Je suis jeune, je suis une femme issue de la diaspora. Donc, c’est du nouveau.

 

On est en train de vous faire valoir avec cette étiquette de jeune ?

 

Non, je pense que j’ai des compétences à faire valoir justement pour le bénéfice du Mali et du Gouvernement.

 

Vous êtes la quatrième Ministre des Affaires étrangères du Président IBK en cinq ans. Comment vous comptez marquer la rupture avec vos prédécesseurs ?

 

Alors, il ne s’agit pas de marquer de rupture avec mes prédécesseurs. Mes prédécesseurs ont eu des succès, je citerais notamment la coordination de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Maintenant ce dossier est confié à un autre Ministère, mais le Ministère des Affaires étrangères et le Ministre des Affaires étrangères sont toujours le porte-voix du Mali à l’étranger. C’est cette tâche que je compte mener.

 

Donc, vous êtes dans la continuité de vos prédécesseurs ?

 

Non seulement de la continuité de mes prédécesseurs, mais lorsque le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a présenté la lettre de mission au Premier Ministre, il a fait une mention spéciale à la Diplomatie et à l’Outil diplomatique qui a, d’ailleurs, besoin d’être mis à jour, d’être réadapté en fonction de nos intérêts stratégiques à travers le monde. Encore, une fois, la diaspora étant un des piliers de cette nouvelle Diplomatie, puisque j’en suis issue, peut-être je suis la meilleure personne pour le faire.

Qu’est-ce que va changer avec vous dans la Diplomatie malienne?

C’est une question à laquelle je me préparais. La question n’est pas de savoir qu’est-ce qui va changer, mais de ce que le nouveau Mali va pouvoir faire. Le Mali a traversé des crises depuis 2012, je dirais que nous avons été soutenus par des partenaires à l’étranger, mais le Mali a également des choses à offrir. Nous avons des succès que nous rencontrons, nous avons une croissance économique de près de 6%, nous sommes le premier producteur de coton, nous sommes le troisième producteur d’or sur le continent africain, nous avons des choses à offrir et le pays est prêt aux investissements. C’est le message que je veux faire passer à nos partenaires.

 

On va parler de gros dossiers. D’abord le G5 Sahel toujours en quête de financement, ça fait plus d’un an que ça dure, qu’est-ce que ça dit, ces difficultés financières alors que l’urgence est là.

 

Alors, l’urgence est sur plusieurs fronts. Effectivement, la Force du G5 Sahel qui est la pièce maitresse du G5 Sahel peine à récolter des fonds pour pouvoir être opérationnelle. Nous avons besoin de 423 millions. En ce moment, nous ne sommes qu’à quelques pour cent de ce financement-là. Il s’agit, je pense, de sensibiliser nos partenaires internationaux, et de leur faire comprendre que la force conjointe de G5 Sahel, le G5 Sahel en lui-même a été créé justement pour que les pays de la Région du Sahel puissent s’approprier de leur sécurité. Et, sur le long terme, cet outil nous pourra être bénéfique. Et, donc, il permettra aux partenaires internationaux qui n’ont pas vocation à rester de partir lorsque nous serons prêts pour cela.

 

Et pourquoi les cinq pays de la Sous-région n’ont pas pris le taureau par les cornes et financent eux-mêmes ce G5 Sahel? Ils sont les premiers bénéficiaires ?

C’est une très bonne question. Nous avons tous des tensions, il ne s’agit pas tout simplement de financement, de soutien à la formation des Forces du G5 Sahel, vous n’êtes pas sans savoir que les forces du G5 Sahel sont en faites des forces nationales qui doivent communiquer, qui doivent ensemble établir leurs stratégies de mise en œuvre. Il s’agit plus que de financement.

 

Sur le plan sécuritaire, au Mali, on n’arrête pas, en ces derniers moments, de relater des violences entre les communautés, notamment dans le Centre. D’abord peut-on parler d’une ethnicisation du conflit dans le Centre du Mali?

 

Je dirais que l’ethnicisation, c’est peut-être la partie visible de ce conflit-là. Le Mali connait des conflits superposés, ou des défis superposés. Au sujet du Centre du Mali, il ne s’agit pas, selon moi, d’une ethnicisation, mais d’un sujet structurel qui prend des proportions énormes en raison des défis sécuritaires et de la fragilité au niveau de la sécurité qui, donc, descend du Nord vers le Sud.

 

Pourquoi les communautés s’entretuent alors ?

 

Il ne s’agit pas de communautés. Si vous voyez bien, il s’agit surtout des pastoralistes en quête des terres pour leurs bêtes. Nous avons, donc, des tensions surtout sur la gestion des ressources naturelles dans ces zones.

 

Autres signes inquiétants, nous avons appris par nos confrères de la BBC que des milliers d’écoliers à seulement 140 km de Bamako ne peuvent plus aller à l’école à cause des jihadistes. Alors cette menace terroriste qui se rapproche de la capitale, c’est d’accord pour dire que la situation est fragile.

 

C’est une situation qui est fragile, précaire. Mais nous avons des Forces de sécurité et de défense qui sont en train de monter en puissance. Elles sont en train d’être formées. Depuis 2013, le Mali met en œuvre des réformes de son secteur de la sécurité, et je pense que nous sommes en mesure d’enrayer cette situation.

 

Et quel est votre objectif d’ici à cinq ans en tant que Ministre des Affaires étrangères sur la question de la sécurité ?

 

Rappeler que la question de sécurité doit être une question dont le Mali doit s’approprier.

 

C’est un objectif, ça pour vous ?

 

C’est un objectif concret de savoir que le Mali pourra prendre en charge sa sécurité dans les prochaines cinq années.

 

Donc, que besoin de la MINUSMA par exemple ?

 

La MINUSMA n’a pas vocation à rester. Par contre, le Mali restera toujours le Mali. Et ses forces de défense et de sécurité qui ont pour mission de défendre le pays et de défendre ses frontières devraient être en mesure de le faire sans assistance internationale.

 

Autre dossier récent, le Rapport de l’ONU a mis en lumière le double jeu des Groupes armés qui ont pourtant signé l’Accord pour la Paix d’Alger, actes terroristes, crimes mafieux, des Responsables-mêmes en sont cités. Qu’est-ce que le Gouvernement a entrepris sur ce dossier ?

 

Nous avons un régime de sanctions que nous avons mis en œuvre, en partenariat avec les Nations Unies. Ce régime de sanctions poursuit les signataires de l’Accord qui ne seraient pas de très bonne foi ou qui empêcheraient la mise en œuvre de l’Accord. Nous restons, donc, dans le cadre de ce régime de sanctions pour poursuivre ces signataires De l’Accord qui n’obéiraient pas à l’Accord comme intérêt crucial.

 

Cela veut dire que certains Responsables ont été poursuivis ? C’est ce que vous dites ?

 

Pas pour le moment. Mais ce régime de sanction est appliqué.

Aujourd’hui, l’Accord de paix d’Alger n’est pas totalement appliqué. Est-ce que cet accord n’est pas obsolète par rapport à l’évolution de la situation ?

L’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger est un processus. Il ne s’agit pas d’un Accord qui est censé être mis en œuvre en l’espace de quelques mois. C’est un processus qui a un niveau de confiance qui devait être établi entre les différentes parties signataires. De 2015 à aujourd’hui, je peux dire que nous avons évolué sur des pans importants de l’Accord, notamment une confiance qui règne maintenant entre les parties signataires et le Gouvernement, qui parlent d’une seule et même voix. Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons réussi à organiser des élections présidentielles à Kidal, qui est vraiment un bastion, entre guillemets, rebelle. Nous avons commencé le processus de DDR accéléré dans les Régions de Gao, Ménaka et Tombouctou. Je pense que ce sont des avancées notables.

Une question sur la francophonie, Louise Mushikiwabo a été élue à la tête de l’OIF. Le Mali aurait soutenu la candidature de Michaëlle Jean. Est-ce vrai ?

Le Mali s’aligne par solidarité aux décisions de l’Union Africaine qui a décidé de soutenir la candidature de Louise Mushikiwabo.

Au départ, vous souteniez Michaëlle Jean non ?

Je n’ai jamais soutenu Michaëlle Jean, je parle au nom de la République du Mali qui s’aligne aux décisions de l’Union Africaine.

Et qu’est-ce qu’elle incarne pour vous, Louise Mushikiwabo ?

C’est une Africaine. Une femme, elle a une carrière brillante et Ministre des Affaires étrangères pendant dix ans. Elle est une personne qui pourrait faire rayonner la francophonie au niveau de l’Afrique.

C’est modèle pour vous ?

C’est une femme exemplaire.

Propos transcrits par CYRIL ADOHOUN

 

L’Observatoire

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