Hier, jeudi 22 avril 2021, le Conseil national de transition (CNT) a interpellé des membres du gouvernement sur la situation du pays comme la justice, l’impunité, la corruption, l’insécurité, l’absence de l’Etat au centre du pays et la flambée des prix des produits de première nécessité en cette période de Ramadan. «Le peuple malien attend beaucoup de la justice afin de mettre fin à l’impunité et à la corruption…Le peuple malien a vraiment soif d’une bonne justice, il a faim et est atteint dans sa dignité », révèlent les membres du CNT. Face à ces préoccupations, trois membres du gouvernement s’expliquaient et tentaient d’apporter des éléments de réponse. Il s’agit du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Sida Dicko, du ministre la Réconciliation nationale, Col. Major Ismaël Wagué, et du ministre de l’industrie, du commerce et de la promotion des investissements, Arouna Niang.
Les travaux de la séance plénière étaient présidés par le président du CNT, Malick Diaw, en présence des autres membres du CNT, des membres du gouvernement et d’autres personnalités. Les deux premières questions orales, celle de Aboubacar Sidick FOMBA et celle de Sidi SOUMAORO, tous membres du CNT, étaient adressées au ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Sida Dicko. « Le peuple malien attend beaucoup de la justice afin de mettre fin à l’impunité et à la corruption généralisée dans un contexte d’injustice sociale jamais égalée. Où en sommes-nous avec la mise en œuvre de la loi de programmation et de réforme du secteur de la justice ? Quelle est l’évolution des dossiers en lien avec la lutte contre la corruption, la délinquance financière et économique ? Le dossier concernant les tueries lors des évènements des 10, 11 et 12 juillet 2020 va continuer à dormir jusqu’à quand ? Que fait la justice concrètement pour améliorer les conditions de détention des personnes en milieu carcéral ? », questionne Aboubacar Sidick FOMBA. Répondant à ces questions, le ministre de la justice, Mohamed Sida Dicko, a fait savoir que la lutte contre la délinquance économique et financière n’est pas un slogan. Pour preuve, dit-il, il y a au Mali, le contrôle administratif, juridictionnel et parlementaire. Cependant le ministre dira que le problème constaté dans la lutte contre la délinquance économique et financière se trouve au niveau de la mise en œuvre, du respect des textes et du choix des Hommes. Aux dires du ministre, la lutte contre la délinquance économique et financière doit être faite de façon globale. Par rapport aux tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Bamako, le ministre Mohamed S. Dicko a fait savoir que le tribunal de la commune III du district de Bamako est déjà saisi du dossier et un juge d’instruction y travaille. Par ailleurs, le ministre a parlé de la réhabilitation de plusieurs maisons d’arrêts à travers le pays. A ses dires, l’alimentation des détenus qui était de 999 millions de FCFA en 2017 est actuellement à 1 milliard 740 millions de FCFA grâce à la loi de programmation et de reforme du secteur de la justice. L’objectif final pour le ministre est d’avoir une bonne distribution de la justice et cela passe par la formation. N’ayant pas été satisfait des réponses apportées par le ministre, l’interpellateur Aboubacar S. Fomba revient encore à la charge pour attirer l’attention du ministre sur les revendications des surveillants de prison. « Nous avons été saisis par rapport aux doléances des surveillants de prison. Il y a un ministre chargé du dialogue social. L’amélioration des conditions de vie de tous les travailleurs de la justice nous interpelle », a déclaré le ministre. Aujourd’hui, ajoute le ministre, la meilleure lutte contre la corruption est l’exemplarité et la transparence. En outre, le ministre a garanti qu’il n’y aura pas d’impunité au Mali. « Le ministre de la justice seul ne peut pas lutter contre l’injustice sociale. Le gouvernement est en train de tout faire pour que les choses ne soient plus comme avant. L’Etat est un sujet de droit. Et si l’Etat ne tient pas le bon bout, le magistrat n’hésitera pas à le condamner », a martelé l’orateur. Quant au président du CNT, Malick Diaw, il dira que « le peuple malien a vraiment soif d’une bonne justice », d’où cette deuxième interpellation du ministre de la justice par Sidi Soumaoro. Ce dernier voulait connaître la situation des trois dossiers transmis à la justice par l’OCLEI (office central de lutte contre l’enrichissement illicite) dans son rapport d’activité couvrant la période du 04 juin 2017 au 31 décembre 2018, contre des fonctionnaires possédant chacun 17 Maisons d’Habitations et plusieurs parcelles non bâties. Sur ce point, le ministre dit qu’il n’a rien à faire là-dessus sauf s’il y a des manquements dans le traitement des dossiers. « Tout comportement qui discrédit la justice, nous serons sans complaisance », a-t-il dit. Selon le ministre, l’OCLEI est une autorité administrative indépendante rattachée à la primature. Enfin, l’interpellateur, Sidi Soumaoro, a invité le ministre à aller sur le terrain, car sans justice il n’ y a pas de paix.
«Sans justice, il n’ya pas de réconciliation »
Le deuxième ministre interpellé était celui de la Réconciliation nationale, Col. Major Ismaël Wagué. Cette interpellation a été faite par Housseini Saye, membre du CNT. « Est-ce que depuis que vous êtes là vous avez lancé un appel solennel aux Maliens et invité toutes les parties en conflit à la retenue ou à la trêve au regard de votre mission et du risque d’embrasement ? Qu’est ce qui s’est réellement passé dans le cadre de la visite de votre chargé de mission à Koro? Pourquoi il n’ya pas eu de rencontre à Bandiagara et Bankass et Mopti comme à Koro ? Quelle est la place de la justice dans votre département pour la mission de réconciliation ? Qu’est ce que vous avez pu obtenir depuis 5 mois, monsieur le Ministre ? », interroge Housseini Saye. Répondant à ces questions, le ministre Wagué a fait savoir que le Mali est victime de plusieurs maux : occupation, crise multidimensionnelle, problème de gouvernance, d’où l’avènement de cette transition. Avant de signaler qu’il a appelé toutes les parties à la retenue. Selon lui, la rencontre de Koro (Mopti) a permis de signer un accord entre les communautés. Et d’ajouter que les rencontres du même type sont prévues à Bandiagara et Mopti. « Nous sommes persuadés que sans justice, il n’ya pas de réconciliation. Il y a des politiques de réparation », a-t-il dit. Comme résultat engrangé au cours des 5 derniers mois, le ministre Wagué a cité les actions de réconciliation et de bons offices dans certaines zones; la réalisation de dialogues intercommunautaires etc. Le ministre reconnaît qu’il y a des zones où la présence de l’Etat se fait désirer. Cependant, il affirme que l’Etat ne cautionne pas des accords entre la population et les jihadistes. Pour lui, il y a moins d’attaque maintenant parce que l’armée est plus performante. A l’en croire, les armes se sont tues au niveau de plusieurs endroits comme Niono, Farabougou etc. « La réalité est que l’Etat est absent au centre du Mali. Il faut que l’Etat revienne au centre. Nous avons envie de voir nos militaires sur le terrain», a dit l’interpellateur. A la fin de son allocution, il a invité le ministre à intensifier le dialogue.
La dernière interpellation a été faite par Dina Dolo. «Nous assistons à une flambée du prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité, quelles sont les raisons de cette situation, surtout pour le pain, le ciment et la viande ? Quelles sont les mesures envisagées ? Quel est le niveau de la subvention du Mali par rapport à ces situations ? Quel est votre rapport avec l’association des consommateurs ? », veut savoir Dina Dolo. Selon le ministre Harouna Niang, le mois de ramadan arrive au moment d’une période de soudure favorable à la tension des prix. En outre, le ministre évoquera la crise, l’embargo et la pandémie de covid-19 qui ont eu des répercussions sur le prix des produits. « A la date d’aujourd’hui, les prix sont revenus à la normale à l’exception de la viande et d’huile », a-t-il dit. Avant de signaler que l’Etat a consenti des efforts pour obtenir la diminution des prix en réduisant les taxes. A l’en croire, l’Etat a plus de 10 milliards de FCFA de manque à gagner à cause des exonérations pour la stabilisation des prix. « Le peuple malien a vraiment soif d’une bonne justice, il a faim et est atteint dans sa dignité », a déclaré Dina Dolo à la fin de son allocution.
Aguibou Sogodogo
Source: Le Républicain- Mali