Sous un soleil de plomb, Ténimba Doumbia, septuagénaire et plusieurs de ses camarades ‘’chiffonnières’’ ont célébré la journée internationale des droits des femmes (8 mars), sur des tas d’ordures en quête de leur subsistance.
« Nous n’avons pas d’autres choix. La journée du 8 mars pour nous, elle se fête dans les ordures. Car nous avons des bouches à nourrir et bien d’autres charges à assurer pour nous et notre famille», déclare Ténimba Doumbia. Jeudi 8 mars sur la colline de Balabougou, le soleil est presqu’au zénith, la chaleur est torride. A quelques mètres de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion se situe l’une des plus grandes décharges de la rive droite du District Bamako. La foule de chiffonnières se bouscule à l’arrivée de chaque charrette chargée d’ordures. Ces braves dames ont toutes une histoire triste les unes que les autres. Septuagénaire, chapeau glissé sur le crâne, un vieux masque sur le nez, seuls moyens de protection pour elle, Ténimba Doumbia s’affaire dans les ordures. Chiffonnière depuis plus de 20 ans, elle travaille environ 10heures par jour et six jours dans la semaine.
« Je ne me repose que le vendredi dans la semaine», affirme-t-elle. Couverte de poussières, les mains nues, dans une odeur nauséabonde, Ténimba trille dans le tas d’ordures, des matières récupérables: sachets plastiques, des bouteilles d’eau, de boisson ou de parfum, les vielles assiettes, chaussures et autres objets en plastique, des restes de nourriture entre autres. Le kilogramme de sachets en plastique est cédé entre 100 et 150FCFA en fonction des catégories, tandis que celui des autres objets solides en plastique est cédé entre 250 et 300FCFA.
Quant aux restes de nourritures, ils sont séchés et vendus aux éleveurs de bétail à 1500FCFA le sac de 50kg. Mais cela nécessite plusieurs jours de travail.
« Par jour, nous gagnons entre 500 et 1500FCFA» raconte Ténimba, avec un regard mélancolique. Veuve depuis une quinzaine d’années, elle a à sa charge, six enfants dont deux enfants de l’une de ses petites sœurs décédées.
« Avec mes maigres moyens, j’ai pu scolariser deux des six enfants. Les plus âgés d’entre eux viennent souvent m’aider à trier les ordures. On n’a pas d’autres choix que d’y faire face » dit-elle. A côté d’elle, Molobali Doumbia, la quarantaine révolue montre une de ses larges cicatrices au pied gauche. L’année dernière, elle s’est fait couper par un éclat de verre.
« La blessure était très grave, j’ai perdu beaucoup de sang. Les médecins l’ont cousu au centre de santé du Quartier-Mali, je suis restée à la maison environ un mois. Ici chaque jour que Dieu fait, une d’entre nous tombe malade ou se blesse. Mais on fait avec !», témoigne-t-elle. Epouse d’un commerçant ruiné et sans emploi, Molobali vit de la force de ses muscles depuis 15 ans pour nourrir ses deux enfants.
La situation d’Aissata Sidibé semble encore plus dure. Son époux précédemment employé à la CMDT à Dioïla, victime d’un grave accident de circulation est inactif depuis trois ans.
« Nous avons vendu nos bœufs de labour et dépensé toute notre économie pour le soigner. La blessure physique a été soignée mais il ne jouit plus de toutes ses facultés mentales. Il a été durement touché à la tête par l’accident. Je me débrouille comme je peux avec mes huit gosses», lâche-t-elle, le visage fermé.
Face ce coup pénible de la vie, ces femmes s’assument et affrontent le destin avec courage. Aucune d’entre elles ne bénéficient d’une aide de l’Etat, d’ONG ou des organisations féminines de défense des droits des femmes. « Nous nous faisions photographier et filmer par des gens autrefois. Ils nous font croire qu’ils nous cherchent de l’aide, mais nous n’avons jamais vu la couleur de leur aide. En réalité ils font de nous leur fonds de commerce. C’en est assez… », s’agace Ténimba Doumbia.
Pour elle et ses camarades le 8 mars ce n’est pas une affaire de ‘’chiffonnière’’ au Mali.
Lassina NIANGALY
Tjikan