Les beaux yeux d’une jolie femme chatouillent le cœur et la chair de Djibril, ce trentenaire employé dans une unité industrielle. Mais les cadeaux valent parfois mieux qu’un torrent de compliments bien choisis. Le jeune homme ne veut point en ce début de semaine recycler les vieilles techniques entendues en son lieu de travail ou autour d’un verre de thé avec des amis pour parvenir à ses fins ou pour flatter l’ego de votre sa partenaire. Bien entendu, les éloges et les compliments possèdent la caractéristique d’agir comme un aimant auprès de Mamie. Il sait comment s’y prendre et son répertoire est bien fourni, en dépit des mois passés ensemble. Jusque-là, il tape juste. Mamie se tort de rire, de plaisir.
Djibril veut simplement changer de registre, vaincre la monotonie préjudiciable à long terme à la complicité, c’est-à-dire l’entente. Il sait quoi lui offrir pour marquer le coup ? Des billets de banque craquants. Pas de panique ! Son maigre salaire ne suffit point. Un monsieur rond s’intéresse à la parcelle que le défunt mari de » sa sœur aînée a laissée à sa postérité. Ne sachant ni lire ni écrire, cette dernière lui confie le titre de propriété. Mal lui en pris, puisque le voilà acheminer le papier contre des billets de banque. L’acheteur ne se fait pas prier. A un tel prix de cession- 1 million de F CFA – il fait une très bonne affaire.
Mamie, bien qu’elle traîne son côté villageois bon teint, n’est pas en panne d’inspiration. Elle tremble de tout son corps en prenant possession des 200.000 F CFA. Elle a dans un passé récent travaillé en qualité d’aide-ménagère à Hamdallaye, un modeste quartier de Bamako, jamais elle n’a gagné autant d’argent. Avec une telle fortune, elle s’achète plein les yeux : téléphone, maquillage, deux robes de soirée, que sais-je encore ?
La métamorphose de la petite sauvageonne ne passe pas inaperçu. A 17 ans, Mamie prouve sa pleine capacité en donnant naissance à une fille qui passe une grosse partie de la nuit à pleurer. Et passe les rares moments de répit au sein de sa maman. La pauvre perd de jour en jour du poids, au point de flotter dans ses anciens habits. Les nouveaux corrigent une situation qui se prolonge. Ses vœux de réussite qu’elle formule régulièrement chaque fois que le père de son enfant passe à la maison commencent à porter fruits. Elle en est persuadée. Le devin a textuellement dit en présence de son compagne qu’elle porte chance.
Pendant des jours cette conviction ne la quitte pas. Puis éclate le scandale. Djibril baisse la tête, pour ne pas affronter son regard, mais aussi celle de sa sœur aînée qui l’a soustrait de la rue après que la famille l’ait chassé au motif qu’il avait subtilisé un million. Voilà qu’elle aussi n’échappe pas ses larves brûlantes. Point de trace de document foncier, après les vives remontrances d’un voisin qui se plaint d’être tenu ignoré de la vente de la parcelle objet de sa surveillance. La veuve surprise dans un premier temps, fait l’effort de vérifier la présence en lieu sûr du papier. Alors, elle attend de pied ferme le retour de son frérot du travail. Qui aussitôt rentré essuie critiques vertes et interrogations dérangeantes. Au préalable, elle prit soin de téléphoner à son voisin afin qu’il exerce un œil à bon escient sur la parcelle. Moins d’une heure plus tard, le nouveau propriétaire arrivé au chantier confirme l’identité du vendeur : le nommé Djibril qui a joint à l’attestation de vente la photo et la copie de la carte d’identité du mari de sa sœur, en plus de l’original du permis. L’aveu ne tarde pas à tomber.