LE PLUS. Bandiougou Traoré est un jeune Malien de 21 ans. Il y a 6 ans, grâce à Catherine Cabrol (dont nous avons publié le témoignage la semaine dernière), il a découvert le cécifoot à Bamako. Depuis, il est devenu champion de France de la discipline avec l’équipe de Saint-Mandé. Témoignage.
J’ai découvert le cécifoot il y a cinq ans. Une version du football que l’on pratique les yeux bandés avec un ballon, des buts sonorisés et qui permet aux aveugles et aux autres de jouer ensemble.
Avant, on s’entraînait avec des bidons en plastique
C’était à Bamako, au Mali, d’où je suis originaire. Je ne suis pas aveugle de naissance, je souffre d’une microphtalmie. À cause de cette pathologie, j’ai perdu progressivement la vue. Si bien qu’aujourd’hui, à 21 ans, je distingue seulement la lumière et les couleurs.
J’ai toujours aimé le foot. Quand j’étais plus petit, on s’entraînait avec des bidons en plastique de trois ou quatre litres sur des terrains naturels. Comme ça, ça faisait du bruit et on pouvait repérer où était l’objet qui nous servait de ballon.
Avec le cécifoot, j’ai réalisé un rêve
En 2011, alors que je n’avais pas entendu parler du cécifoot, Catherine Cabrol est venue à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako, où j’avais fait une partie de mes études. Avec son association “Libre Vue” et son projet Solidarité Aveugle, elle a récolté de l’argent et des dons pour que l’on puisse jouer avec de vrais ballons, sur un terrain, avec un vrai équipement… comme des chaussures.
À ce moment-là, j’avais déjà quitté l’école pour le lycée. C’est l’instructeur de l’Institut des jeunes aveugles qui m’a rappelé pour me proposer de jouer, parce qu’il avait déjà repéré mes qualités physiques. Je n’ai pas hésité.
C’est comme si j’avais réalisé un rêve. Pourquoi ? Parce que quand j’étais petit, je me demandais vraiment quand je pourrais avoir un ballon et jouer au football normal. Sans compter aussi sur le fait que ma mère s’inquiétait beaucoup pour ma sécurité. Effectivement, sans chaussures et sans ballon, on se blessait très souvent les pieds. Quand je lui ai dit qu’on allait pouvoir jouer avec des vrais ballons, elle m’a dit : “Ok, vas-y, pas de souci.”
Un objectif, la coupe d’Afrique 2015 au Cameroun
Au fur et à mesure, on a bien progressé grâce aux trois ou quatre entraînements qu’on avait par semaine. Pour autant, on ne pouvait pas faire compétition parce que notre centre n’était pas reconnu internationalement (ce qui a changé depuis). J’ai continué à jouer pendant près de trois ans.
En mai 2014, on a reçu une invitation pour les Handicapades de Fontenay-Sous-Bois. Pendant 10 jours, nous sommes venus faire de la sensibilisation autour du cécifoot mais aussi faire connaître notre équipe. C’est à ce moment-là que la formation a été repérée et reconnue. Depuis, on monte le dossier pour pouvoir participer à la coupe d’Afrique de cécifoot qui doit se dérouler au Cameroun en octobre 2015.
J’ai marqué pour Saint-Mandé, on est devenus champions de France
De mon côté, j’ai quitté le Mali pour la France il y a un an dans le cadre de mes études universitaires. Je suis étudiant en langues étrangères appliquées à l’université de Cergy, en anglais et en allemand. Arrivé ici, puisque j’étais amené à rester, je me suis dit que j’allais chercher un club de cécifoot en France. C’est ainsi que je suis tombé sur celui de Saint-Mandé, qui est un des meilleurs d’Île-de-France.
Quand je suis arrivé au sein du club, je me suis rendu compte que je n’étais pas forcément au même niveau que mes camarades, qui avaient pu s’entraîner depuis plus longtemps et dans de meilleures conditions.
J’étais un peu moins bon mais j’ai bien évolué au fil du championnat, si bien que pour les trois derniers matchs, l’entraîneur m’a fait confiance. Lors de la dernière rencontre, j’ai marqué. Ce qui a permis à mon équipe d’accéder au titre de championne de France. Sur le moment, j’ai été très heureux d’inscrire ce but. J’aime être un bon attaquant et maintenant, j’ai davantage confiance en moi, je me sens plus solide. Je n’aurais jamais pensé pouvoir remporter une telle compétition après seulement 5 ans d’entraînement.
Maintenant, il ne me reste qu’à continuer. Je vais rester en France pour aller jusqu’au bout de mon master 2. Ensuite, on verra bien ce que l’avenir me réserve.
Source: leplus.nouvelobs.com