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Iyad Ag Ghaly, les racines du mal

Si le Mali a longtemps pleuré ses enfants morts, depuis une semaine notre pays redécouvre l’espoir d’une prochaine victoire du peuple malien sur le JNIM. La disparition récente des principaux lieutenants d’Iyad Ag Ghaly a indéniablement porté un coup critique à l’organisation criminelle. Le JNIM, à l’image de son chef, a fondé son action sur l’installation territoriale d’un chaos sécuritaire permettant le développement de ses activités mafieuses et l’enrichissement personnel de quelques chefs. L’état actuel de violence dans notre pays s’explique largement par l’histoire personnelle et le parcours du terroriste Iyad Ag Ghaly.

L’enfance du leader terroriste est marquée par la violence et la lutte contre ses frères maliens. Le décès de son père, Ghaly Ag Babakar, dans le cadre de la rébellion Touareg de 1962, lorsqu’il a 8 ans, a assurément influencé de manière néfaste le parcours de vie de Iyad Ag Ghaly. Les accusations de traitrise de la part des rebelles touaregs dont son père a fait l’objet ont sans doute créé un traumatisme engendrant une trajectoire d’imitation et de réhabilitation chez le leader terroriste du JNIM. Dès lors, finaliser l’œuvre de son père, se venger contre l’état malien, mais également contre sa propre communauté, ainsi que sa soif de pouvoir et d’argent ont constitué la même litanie au cours de sa vie.

Dans les années 1970, Iyad Ag Ghaly fuit le Mali pour la Libye de Mouammar Kadhafi. Il y intègre la légion islamique du dictateur. Il prend alors part à plusieurs conflits sur l’ensemble du continent africain : du Liban au Tchad en passant par la Palestine et Israël. Son ardeur au combat, sa soif de sang et sa cruauté envers les prisonniers sont alors régulièrement mentionnés, y compris par des gens de son propre camp. La terreur est dès lors pour lui l’outil qui lui permet l’accession au pouvoir

Les années 1990 marquent le retour de Iyad Ag Ghaly sur le sol malien. Les connaissances militaires acquises et sa soif de pouvoir le poussent à préparer une nouvelle rébellion touarègue pour achever l’œuvre de son père. Là encore sa barbarie de Ménaka à Tarkint en passant par Abeïbara et Boghassa se fait jour. D’innocentes victimes tombent sous les coups de ses hommes de main. Mais les velléités de pouvoir du terroriste touarègue sont bien vite démasquées et engendrent une scission du mouvement rebelle.

Pour justifier ses actes et satisfaire ses objectifs, Iyad Ag Ghaly se tourne de plus en plus vers la religion et le fondamentalisme. Dès les années 2000, à Kidal, il fréquente assidument les prédicateurs pakistanais du groupuscule Jamaat al Tabligh. Il intègre alors la Dawa, une secte radicale et effectue de nombreux voyages au Pakistan au sein de cette organisation. En adhérant à tous ces préceptes, il trahit ses origines : sa radicalisation se traduit par l’avilissement de la femme et en particulier la réduction de son épouse à un simple objet en lui imposant de manière violente le port du voile. Il profane par conséquent un des fondements essentiels des Touaregs, le matriarcat et la transmission du pouvoir politique par les femmes. Edité et instauré par la reine Tin Hinan, ce principe fondateur est le socle des tribus du désert.

Cette dérive vers le rigorisme et le djihadisme se poursuivra. Il abonde de plus en plus fréquemment dans le sens des mouvements terroristes, légitimant les enlèvements et les assassinats. Ses accointances avec les groupes terroristes, et notamment Al Qaeda, sont si fanatiques qu’elles poussent les Saoudiens à l’exclure du pays en 2010 alors qu’il est en poste à Djeddah en tant que conseiller consulaire. Il revient de nouveau au Mali et fomente une énième rébellion, mêlant la terreur et la mort. Ses actes sont l’apologie d’une barbarie et d’une cruauté sans égale, relayés en cela par les proclamations de quelques cadis à la foi douteuse.

Tout au long de sa vie, Iyad Ag Ghaly s’est vu offrir des postes à dimension nationale ou internationale en s’appuyant sur certaines complicités de circonstance. Sa tribu ne l’a en revanche jamais reconnu. Il n’a jamais été désigné pour représenter ses frères. Ses deux candidatures rejetées aux postes de chef du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad) et d’Amenokal ainsi que la perte de soutien de son propre camp, le MPA (Mouvement Populaire de l’Azawad), après les accords de paix de 92 ont démontré son incapacité à fédérer les siens. Il ne possède aucune légitimité ni aucun soutien nécessaire pour occuper un poste à haute responsabilité dans sa région.

A l’heure où certaines voix croient intelligent de suggérer la réhabilitation du criminel en déroute, il ne faut pas omettre que la guerre et la destruction de notre Mali ont été, jusqu’au 14 février 2018, le recours systématique d’Iyad Ag Ghaly pour s’imposer sur la scène politique nationale. Les accords de paix et de réconciliation et le projet de loi d’entente nationale ne doivent pas disculper les pires protagonistes de la terreur. Outre la perte de ses proches lieutenants et les défections qui ont suivies, les raisons de sa déchéance se trouvent dans l’essence même de son histoire. Obsédé de revanche et imprégné de violence, il n’a cessé, au cours de sa vie, de diviser ses frères et sœurs pour satisfaire uniquement son intérêt personnel et une soif de vengeance qui l’obsède depuis son plus jeune âge. Sans ses soutiens étrangers, il ne serait rien. A l’heure où ces derniers semblent l’abandonner, Iyad Ag Ghaly se retrouve esseulé et n’a plus aucune tribune pour faire entendre ses revendications. Le Mali a éradiqué les mauvaises plantes pour se reconstruire sur le terreau fertile de la paix.


Paul-Louis Koné

 

La rédaction 

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